VI- Partie : La question politique

Pourquoi l’aspect politique ?

Il nous apparaît important, au terme de notre recherche, de réfléchir sur la chose politique. En effet le politique est cet espace qui est porteur du cadre des institutions sociales, des politiques sociales et soignantes.  Nous ne pouvons pas faire l’économie de nous interroger, ou plutôt de nous saisir, de ce qui défini ce cadre auquel nous sommes tous confrontés en tant que sujet membre de la communauté, et a fortiori comme clinicien.

Autrement dit, le cadre politique sur lequel reposent les institutions a t-il de l’influence sur
le sujet,  sur les liens que le sujet institue avec les différents groupes auxquels il appartient ?

Un premier constat s’impose : nous rencontrons moins dans la pratique clinique les névroses du début de la psychanalyse, mais des sujets chez qui prédominent des carences narcissiques, des sujets états limites, dont nous savons que : 

‘« Quand un transfert se développe, l’actualisation et la répétition peuvent sembler comme activement méconnues du sujet. C’est comme si ce dernier restait fixé à la croyance que mobilise l’actualisation du transfert. Ce qui se déroule est actuel, c’est uniquement la vérité de la rencontre avec l’analyste, qui n’évoque ni quelqu’un d’autre, ni une autre scène, celle du souvenir. L’élaboration ne peut avoir lieu. Ainsi qu’a pu l’écrire Winnicott, l’analyste et le dispositif sont la mère. La passion, la haine et l’amour s’agissent sur la scène d’un transfert méconnu et dénié qui vient répéter les aléas du vécu relationnel et traumatique, souvent précoce, de l’histoire du sujet. »191

Le cadre de l’entretien est mis à mal, et nous rejoignons la pensée de J. Bleger quand il souligne :

‘« Je pense que l’on conclut hâtivement lorsque l’on passe son temps à parler de « l’attaque » du cadre dans les cas où le patient n’y adhère pas. Le patient y apporte ce qu’il a, et ce qui est en cause n’est pas toujours une « attaque » mais sa propre organisation bien que désordonnée »192

Par cadre, J. Bleger entend :

‘ « Le cadre en tant qu’institution est le réceptacle de la partie psychotique de la personnalité, c’est-à-dire de la partie non différenciée et non résolue des liens symbiotiques primitifs. »193

Il précise par ailleurs : 

‘«  Que toute institution est une partie de la personnalité de l’individu ; et en cela au point que l’identité est toujours entièrement ou en partie, institutionnelle au sens qu’au moins une partie de l’identité se structure par l’appartenance à un groupe, à une institution, à une idéologie, à un parti etc. »194

J. Bleger considère à partir de l’analyse du cadre psychanalytique, que ce cadre est institution, que le sujet se construit en partie à partir des institutions auxquelles il appartient.  En premier lieu l’institution familiale est porteuse du cadre non moi, du moi syncrétique.  Par extension nous portons l’interrogation du côté du cadre des institutions politiques, et des possibles effractions de ce cadre ayant pour effet des conséquences sur les sujets.

Est-il moins contenant aujourd’hui ?

La place de l’argent dans une époque de mondialisation économique a-t-elle modifié la contenance de ce cadre ?

Nous avons mis en évidence la mise en place par le sujet, d’un groupe interne dérivé pour élaborer des enjeux intrapsychiques ; cette élaboration aurait-elle pu être possible à un autre moment de l’histoire politique ?

Nous n’allons pas traiter ces questions d’une manière élargie, car elles nécessiteraient d’entreprendre un autre travail de recherche. Par contre nous allons porter notre regard sur ce qui définit la politique pour dans un deuxième temps, articuler notre pensée avec la place de l’argent et donc de l’économie à notre époque.

Autrement dit, c’est la contenance du cadre socio-politique que nous allons mettre en travail.

Il va sans dire que notre sujet de recherche a éveillé ce type d’interrogation, qui a bien y réfléchir est selon nous incontournable. Nous tenons à préciser que c’est bien à partir de la théorie analytique que ces questions sont abordées, même si des nécessaires explorations vers d’autres champs s’imposent.

Avant de nous saisir de notre questionnement, il nous parait important de cerner les lignes de force qui ont données lieu à la pensée politique.

Il s'agit de rappeler que nous n’allons pas développer les écrits majeurs sur cette question. Nous allons extraire des lignes directrices qui nous paraissent significatives en lien avec notre champ de pensée. C’est pourquoi nous traiterons cette partie d’une façon brève pour ne pas nous éloigner de notre sujet.

Notes
191.

Seulin C., Les altérations représentatives dans les états-limites, p. 7

192.

Bleger J, Crise, rupture et dépassement, p. 265

193.

Bleger J., ibidem, p. 276

194.

Bleger J, ibidem, p. 259