Les effets sur le cadre de l’institution

Nous ne pouvons faire l'économie, après avoir traité des enjeux psychiques inconscients de l'échange pour l'institution sociale, d'analyser les conséquences de ces enjeux sur le cadre de l'institution.

Il s’agit bien pour nous, d’étudier le cadre institutionnel à travers le processus psychique de l’échange.

Dans un premier temps, nous allons définir l’institution pour ensuite définir le cadre.

L'institution est selon R. Kaës : 

‘« L’espace extrajecté d’une partie de la psyché : elle est à la fois dedans et dehors, dans le double statut psychique de l’incorporât et du dépôt ; elle est à l’arrière-fond du processus, mais ne saurait être indifférente au processus lui-même. C’est par ces différents aspects que le sujet est sujet de l'institution et que l'institution consiste dans une double fonction psychique: de structuration et de réceptacle de l'indifférencié"215

Il poursuit en mentionnant que :

‘«C’est l'institution en nous, ce qui en nous est institution, qui se trouve en souffrance. »216

Nous avons dans les chapitres précédents analysé que le lien est l'objet déposé par le sujet au Rmi dans un dépositaire qu'est l'institution, que l'institution est utilisée comme une mère à qui l'individu demande son dû, qu'il y avait dépôt de l'obscénalité dans le cadre institutionnel, ce qui permettait au sujet de ne plus être confronté à l'ambiguïté, celle-ci étant logée dans le cadre institutionnel qui est dépositaire du non moi du sujet, l'institution protégeant ainsi le sujet de sa propre ambiguïté.

En quoi ces différentes fonctions de l'institution pour les sujets au Rmi viennent-elles contaminer le cadre institutionnel ?

Nous considérons que le cadre institutionnel est un cadre débarras, au sens du dépôt et du lieu. Nous entendons qu'il a une fonction topique pour les sujets au Rmi : ils savent où déposer ce qui est de l'ordre de l'intrapsychique par externalisation et "se débarrasser" de ce qu'ils ne peuvent pas traiter.

Le cadre de l'institution sociale fondé sur une fonction réparatrice du handicap du sujet, n'est plus en adéquation avec la fonction d'échange sociale dont il a la charge avec le dispositif du Rmi.

Les valeurs instituantes, c'est-à-dire les valeurs dont sont porteuses les institutions, sont prises dans les nouages que nous venons d'évoqué : atopisation de l'échange, cadre débarras, nouages qui gèlent le cadre même de l'institution. Cet immobilisme psychique donne à voir la non adéquation cadre-fonction-valeur institutante.

Ce gel psychique du cadre a pour conséquence la mise en place de défenses de type archaïque de la part de l'institution où le tiers ne fonctionne plus dans sa capacité symbolisatrice.

Par gel psychique du cadre, nous entendons la mise en faillite de la fonction contenante du cadre au sens où l'entend R. Kaës: cadre-mère dans sa capacité transformatrice.

Les symptômes d'urgence, de manque de temps, ainsi que les phénomènes de plainte liés à un travail où la rencontre avec une population dont les cumuls sociaux et psychiques sont de plus en plus nombreux même s'ils s'entendent dans la réalité, ne sont pas un épiphénomène passager du manque de contenance du cadre institutionnel. Ils mettent en exergue les porosités du cadre qui laissent s'infiltrer les manques des sujets dont l'institution à la charge.

Ne jouant plus sa fonction de contenance, le cadre institutionnel n'est plus muet, il est cadre au sens de la limite où le "game" prévaut.

Dit d'une autre manière, il se rigidifie à travers les règles et les dispositifs mis en place et n'est plus dans une capacité transformatrice.

Notes
215.

Kaës R., L'institution et les institutions, p.12

216.

Kaës R, ibidem, p. 37