A1- Métapsychologie de l’objet social

Nous décrirons, à partir du point de vue économique, les forces en présence, les lieux psychiques où ces forces se jouent à travers le point de vue topique, ainsi que leurs combinaisons dans le point de vue dynamique.

La position topique de l’objet social appartient à la réalité extérieure et à la réalité intérieure. Il participe des deux, interface entre le système inconscient et la réalité extérieure. Il se situe dans l’espace social, comme objet commun à tous, vecteur d’un échange intersubjectif, en lien avec les différentes élaborations intrapsychiques du sujet. Il appartient au nous collectif, culturel, et au je singulier, dans une inscription historique sociale et celle plus intime du sujet. En d’autres termes, dans sa construction psychique, il appartient à l’intrapsychique du sujet et aux investissements successifs du groupe social fait par le sujet. Il n’est pas créé par l’individu, car il lui préexiste, et pourtant, pour qu’il prenne fonction d’objet social, le sujet doit l’investir psychiquement comme objet psychique et objet matériel. Cet investissement psychique d’un objet matériel ne prend sens que lié à ce que cet objet représente dans la fonction de l’échange. Il n’est pas un objet transitionnel, ni un médium malléable, car il est cet objet, pourvu de valeurs établies auxquelles le sujet a à se conformer. Pourtant, même s’il représente dans l’échange la valeur commune et intangible, il est aussi le support psychique de représentations multiples liées à la fonction de l’échange, et au comment cette fonction s’est inscrite pour chaque sujet.

Nous voudrions rappeler que c’est à partir de l’inscription dans la clinique du social, c’est-à dire d’une clinique qui se préoccupe des enjeux psychiques mis en scène par le sujet dans le social, et donc des ratées de l’élaboration psychique du sujet que se situe l’objet social.

Il y a une difficulté à situer cet objet, car il participe de l’intrapsychique, de l’intersubjectif et des formations culturelles, et est donné d’emblée comme un objet social, participant de l’échange social.  Il y a t-il nécessité, comme le souligne C. Barazer à propos de la honte, cité par B. Jacobi et D.Scotto Di Vettimo dans  «  Du tourment de la honte à la préoccupation narcissique »,

‘ «  D’une sorte de topique limite, à la limite de l’intra et de l’intersubjectif. Peut-être est-ce là une des difficultés à la penser métapsychologiquement »218

proposition que nous rapprochons de l’objet social.

Nous n’explorerons pas cette piste, même si nous pressentons sa nécessaire conceptualisation, car elle nécessite un travail théorique autre que celui que nous poursuivons. Malgré cette difficulté, nous tenterons de cerner l’esquisse de cette topique, en sachant que d’autres enrichissements seront dans le futur nécessaire.

L’objet social est subordonné aux formations groupales c’est-à-dire à la notion de groupalité psychique, notion permettant de décrire l’activité de groupement et de dégroupement dans la psyché. Il participe du concept de groupe interne, configuration de liens intrapsychiques, et particulièrement entre les instances de l’appareil psychique et spécialement le moi.

Sur le plan économique, l’investissement libidinal d’objet a régressé au plan narcissique, car l’objet se situant dans le temps du jugement d’attribution est au niveau temporel dans une position où le couple d’opposé bon- mauvais est prévalent. Cette régrédience économique ramène le sujet à se rabattre sur le contenu de l’échange premier, c’est-à-dire le boudin fécal. Cette position fixe l’investissement dans l’analité et sur le rapport contenant-contenu, ce qui pose la question de la transformabilité de l’objet et du corps. Cette régrédience de l’objet partiel anal, prélude d’une relation objectale, vers une libido narcissique, se met en place à l’intérieur même de l’échange, c’est-à-dire dans le lien intersubjectif qu’a le sujet dans la réalité sociale.

Au niveau dynamique, l’objet social est dans une combinaison de forces entre l’intrapsychique du sujet et l’institution sociale. Il est l’enjeu, et l’objet même de cette conflictualité, de par sa double position, psychique et matérielle, entre le groupe interne et le groupe institutionnel.

Il est cet objet transactionnel, terme que nous empruntons à Marie-Cardine à propos de l’argent, qui ne prendra sens, en tant qu’objet social, qu’à travers l’investissement libidinal.

Notes
218.

Jacobi B., Scotto Di Vettimo D., Ruptures des liens, cliniques des altérités, p.120