Université Lumière Lyon 2
École Doctorale : Sciences humaines et sociales
Institut de Psychologie
Laboratoire : Centre de Recherche en Psychopathologie et Psychologie Clinique
Psychopathologie et intégration scolaire.
De l’évaluation des compétences cognitives à l’accompagnement thérapeutique.
Thèse de doctorat en psychologie
Mention psychologie et psychopathologie clinique
sous la direction de Gérard BROYER
présentée et soutenue publiquement le 9 janvier 2009
Devant un jury composé de :
Nicolas GEORGIEFF, professeur à l’Université Claude Bernard Lyon 1
Charles HADJI, professeur émérite, Rapporteur
Jacques HOCHMANN, professeur émérite, Rapporteur
Serge PORTALIER, professeur à l’Université Louis Lumière Lyon 2
Pascal ROMAN, professeur à l’Université de Lausanne, Rapporteur
Gérard BROYER, professeur émérite

Contrat de diffusion

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Remerciements

Le travail d'élaboration d'une thèse est toujours accompagné d'une certaine expérience de la solitude. Fort heureusement d'autres personnes, de près ou de loin, nous entourent dans cette démarche d'une présence réconfortante.

A Monsieur le professeur Gérard BROYER

Pour avoir accepté de diriger cette thèse et nous avoir accueilli au sein de son équipe. Pour ses conseils attentifs, sa patience et son aide précieuse dans l'élaboration de nos travaux.

A Monsieur Jean Luc ROULIN

Enseignant-chercheur à l'Université de Savoie, pour ses apports théoriques et techniques d'une grande intelligence et sans qui ce travail n'aurait pu voir le jour.

A Monsieur Jean Claude BOUCRIS

Responsable du Pôle de Psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent (Sud-Isère), pour sa confiance, la liberté d'action et le soutien implicite qu'il a sans cesse renouvelés à l'égard de notre entreprise.

La réflexion qui anime ce travail s'étaye sur le dynamisme d'une équipe qui s'est engagée avec passion dans la mise en forme d'une pratique originale et toujours inventive.

A Claude Meyer, pour sa fiabilité, sa solidité et la sécurité qu'il apporte aux enfants.

A Dominique Sellez, pour son élan créatif, son énergie et sa capacité à entraîner les enfants sans cesse vers de nouvelles aventures.

A Jean-Marie Ravier, pour l'intelligence de ses relations sociales et la subtilité de sa présence au sein de la communauté scolaire.

A Frédérique Coffin, pour son implication et la richesse de sa participation.

A Laurence Yonnet-Liberty, pour son obstination à accompagner les enfants vers l'apprentissage de la lecture.

A Marie-Claude Ergalant, Martine Bernard et Jean-Marc Matrat, pour leurs qualités d'enseignants et surtout le plaisir de travailler ensemble …

… et bien entendu, à tout ceux qui participent de près comme de loin au bon fonctionnement de Graffiti.

L'engagement personnel qui anime une thèse n'est possible qu'avec le soutien d'un entourage qui a partagé au quotidien ces années de travail.

A Maude, pour sa compréhension, sa patience et sa présence inconditionnelle.

(A mon père)

Avant-propos

Le développement des idées est toujours une histoire de rencontre entre des personnes.

Cette histoire commence il y a maintenant un certain nombre d'années que l'auteur lui-même a bien du mal à réaliser : étudiant en psychomotricité, il soutient un mémoire de fin d'étude dont le titre est le suivant : "Approche psychomotrice de l'enfant en difficultés scolaires". Le titre, certainement, manque d'ambition mais l'auteur ne se doute pas qu'il vient de poser là, la première pierre d'un édifice qui, désormais, donnera un sens, une direction, au déploiement d'une partie de son activité professionnelle.

Le choix d'un sujet de recherche universitaire n'est jamais indépendant de l'histoire subjective de celui qui l'accomplit. Mais sur ce point, il n'est ni le lieu, ni le moment de s'arrêter : l'essentiel étant d'assumer ses choix tout en reconnaissant qu'ils échappent toujours au sujet qui les formulent. Toutefois, les expériences de la vie, et autres expériences susceptibles de permettre une approche toujours incertaine de la (sa) vérité, ne nous laissent pas complètement démunis face au caractère structurellement énigmatique de la nature humaine et nous livre, au fil du temps, quelques découvertes souvent surprenantes sur le fond transférentiel qui tisse toujours l'arrière plan de nos engagements. Ce n'est ni un bien, ni un mal : c'est un fait.

Mais, reprenons le cours de cette histoire et faisons œuvre de mémoire, l'espace d'un instant, tout en n'étant pas dupe du fait que tout souvenir est, au fond, une reconstruction, une recréation, dont l'objectif principal est de garder à peu près intact le fil narratif de la vie interne. A partir de la pratique de la psychomotricité, l'univers professionnel s'est rapidement élargi au monde plus général de la psychologie en donnant lieu à un diplôme universitaire. Ce titre nouvellement acquis, nous voici donc engagé dans une pratique clinique se situant au sein d'une consultation médico-psychologique pour enfants récemment ouverte par un service de pédopsychiatrie tout juste naissant.

C'est précisément dans le cadre de cette pratique clinique qu'a émergé pour la première fois l'idée d'un travail en partenariat avec l'éducation nationale : créer ensemble une classe spécialisée. En effet, le service n'étant pas doté d'un hôpital de jour, certains enfants suivis dans le cadre de la consultation pour des troubles psychopathologiques importants étaient difficilement scolarisables et de fait, la plupart du temps orientés vers d'autres institutions.

L'idée est exposée au pédopsychiatre chef de service, Jean Claude Boucris qui, simultanément, acquiesça et hésita. Mais l'homme étant généralement enclin à penser qu'une idée, même mauvaise, est toujours préférable à une absence d'idée, il nous incita à la creuser. C'est la première rencontre qui jalonne l'histoire des événements qui resteront intimement liés au développement de cette recherche. Il faut dire ici, que sans l'engagement et la détermination de Jean Claude Boucris pour orienter le service de pédopsychiatrie vers les pratiques cliniques de l'intégration scolaire, ce projet n'aurait tout simplement jamais vu le jour.

Plus où moins qu'une idée, il s'agissait à vrai dire de ce que Bion W. R. nomme une pré-conception, à savoir ce premier mouvement de la pensée, plus proche de l'intuition, de l'émotion, que de la formulation. Ce premier geste de l'esprit finalement très intuitif reste, on le sait, en attente d'une rencontre pour vivre sa métamorphose sous la forme d'une conception qui ouvrira enfin au monde de la pensée. Ainsi, en effectuant quelques recherches bibliographiques sur le sujet, et certainement aussi en étant renseigné par quelques collègues mieux informés, nous réalisons qu'un pédopsychiatre de Villeurbanne, le professeur Jacques Hochmann, est déjà engagé depuis de nombreuses années dans l'intégration scolaire d'enfants souffrant d'autisme infantile. Un rendez-vous est pris, et le déplacement à Villeurbanne préfigure évidemment la deuxième rencontre qui jalonne l'histoire du projet d'intégration scolaire dans le service. En effet, cette rencontre nous a permis d'observer, pour la première fois, des soignants et des enseignants œuvrer à l'intérieur d'un espace à double entrées: entre l'école et l'hôpital. Nous remercions le professeur Jacques Hochmann pour avoir permis cette rencontre. Mais aussi pour la richesse et la précision d'une pensée, régulièrement nourrie de cette forme de capacité de rêverie qui fonde la passion de la transmission.

De retour de Villeurbanne, la décision est prise et nous saisissons l'occasion d'une intervention dans le cadre d'un colloque organisé sur le plan local et abordant le thème de l'échec scolaire, pour jeter les bases d'une réflexion destinée à préciser notre projet et à soutenir les premières démarches effectuées par Jean Claude Boucris auprès de l'Education Nationale. Mais, comme à son habitude, la noble institution se montre plutôt frileuse. On nous répond gentiment que le projet est, certes, intéressant, mais irréalisable compte tenu du contexte budgétaire. Nous organisons alors dans la foulée une "journée d'étude sur l'intégration scolaire" pour rassembler nos partenaires et afficher notre dynamisme : ils restèrent de marbre. Finalement, après trois années de pérégrinations (et fort de quelques appuis politiques finement activés par une collègue bénéficiant de relations ad hoc.), la première classe intégrée associée au service de psychiatrie infanto-juvénile voit le jour en septembre 1991.

Cette première classe fonctionne comme un laboratoire expérimental et passionnant, mobilisant une petite équipe d'aventuriers faiblement inhibés sur le terrain scolaire et peu farouches à l'idée d'accompagner l'enfant dans son projet d'intégration scolaire. Une convention est signée avec nos partenaires pour fixer les modalités de fonctionnement du dispositif et définir vaguement les critères d'entrée (annexe 1). On peut lire : "l'accueil dans la classe est destiné aux enfants présentant des troubles de la personnalité et du comportement qui ne permettent pas d'aborder les apprentissages dans le cadre d'une classe ordinaire, mais possédant des capacités logiques et opératoires suffisamment repérables et susceptibles d'évolution". Dès le départ s'impose un principe : tout enfant accueilli dans la classe est avant tout identifié comme élève, c'est à dire placé sous la responsabilité du chef d'établissement et à ce titre, il relève des mêmes obligations que tout autre élève du groupe scolaire. Concrètement, l'école est le lieu de référence des enfants et tous sont scolarisés à temps plein, à charge pour l'équipe soignante d'aménager l'accompagnement nécessaire pour aider chaque enfant à s'approprier ce cadre de scolarisation en fonction de ses besoins et de ses capacités. Ce qui implique de fait, la présence des soignants au sein de l'institution scolaire et la nécessité de porter un intérêt particulier aux troubles des apprentissages et du développement.

Pour compléter une formation universitaire bien trop légère sur le plan des aspects développementaux et cognitifs du fonctionnement mental, nous entreprenons alors de suivre l'enseignement récemment dispensé à l'Université de Savoie sur les pathologies acquises et développementales. C'est dans ce cadre que s'est effectuée une troisième rencontre qui s'avérera plus tard déterminante pour le développement du travail que nous présentons ici. Il s'agit de Jean Luc Roulin, enseignant-chercheur en psychologie cognitive à l'Université de Savoie, plus particulièrement spécialisé dans le domaine de la mémoire de travail. C'est à lui que nous devons la connaissance des travaux théoriques qui fondent une partie de cette thèse, c'est également grâce à lui que seront mis au point les outils d'évaluation plus spécifiques que nous utiliserons. Enfin c'est encore avec son aide qu'ont été effectués les traitements statistiques des données. Nous le remercions tout particulièrement pour sa très grande disponibilité.

L'enseignement dispensé à Chambéry mettait logiquement en avant une approche neuroscientifique, objective et rééducative. Selon un schéma de causalité linéaire, l'étiopathogénie des troubles était généralement envisagée à partir de leur organicité. Rien d'étonnant puisque les séminaires s'inscrivaient naturellement dans un cadre clairement défini dans le cursus universitaire. Cependant, une incompréhension persistait. Une approche strictement orthopédique, centrée sur les apports de la neuropsychologie cognitive ne correspondait pas à notre formation initiale, encore moins aux conceptions que nous avions de l'enfant et de son développement et, de fait, à la conception que nous pouvions avoir de l'organisation des soins en pédopsychiatrie. Mais surtout, l'élan créatif de l'équipe de Graffiti participait, au fil du temps, à la mise en place d'une forme d'accompagnement très intégrée à l'espace scolaire, globalisante, souple et modelée au gré de la vie psychique de l'enfant. Après quelques années d'expérience, et l'ouverture d'une seconde classe en 1995, nous étions impressionnés par les capacités d'adaptation des enfants, ainsi que les effets très positifs de notre approche, y compris sur le plan du développement instrumental que pourtant nous abordions assez rarement de front à partir d’une démarche rééducative. C'est dans ce contexte particulier, à la fin des années 1990, que s'est peu à peu profilé le projet de la thèse en partant d'un constat : les enfants que nous accueillons et que nous suivons à partir du dispositif de l'intégration scolaire présentent tous des retards de développement à expression déficitaire. A partir de ce constat, une série de questionnements très généraux, plus que des hypothèses précises, revenait de façon insistante :

Dans quelle mesure la nature psychopathologique des troubles explique-t-elle les retards du développement cognitif et instrumental ? Existe-t-il chez ces enfants des compétences cognitives préservées qui n'apparaîtraient pas dans d'autres cadres de la déficience mentale ? Quels types de liens peut-on établir entre les formes de processus psychopathologiques et les types d'altérations cognitives observées dans ces cadres nosographiques ? Autant de questionnements essentiels pour formaliser un cadre de soins dans un service de pédopsychiatrie.

C'est au sein du Centre de Recherche en Psychopathologie et Psychologie Clinque (CRPPC) que nous avons entrepris de mettre ces questions au travail sous la conduite attentive du professeur Gérard Broyer ; c'est la quatrième rencontre qui jalonne le développement de cette thèse et qui en a permis l'aboutissement. Nous le remercions pour sa fiabilité, sa qualité d'écoute, sa lecture attentive et ses encouragements.