Le métier d’homme est un message adressé à toute personne se préoccupant des questions relatives à l’intégration sociale de la personne souffrant d’une différence qui l’exclut ou la marginalise. Au-delà d’une élocution, d’une démarche et des gestes qui ne ressemblent pas à ceux des autres, Alexandre Jollien (Jollien A.,2002) exprime par l’avènement d’une parole libre, singulière, forcément subjective, toute la difficulté à être humain quand le regard du tiers n’a de cesse de renvoyer de la différence. Marqué du sceau de cette différence, l'auteur évoque sa détermination à vouloir rejoindre la communauté des hommes : il observe, il scrute, il enregistre et tente de mettre en application …, pour lui on ne naît pas humain, on le devient. Ici, on peut dire que c’est un métier…car appartenir à la communauté des hommes ne va pas de soi, et nécessite d'en passer par l'apprentissage pour abolir sa différence.
Si la tour de Babel symbolise l’exaltation d’une humanité confiante pour célébrer son unité première où la diversité des cultures et des langues n’apparaît pas si essentielle et n’interdit pas la compréhension mutuelle, le récit de Babel inaugure en même temps la légende d’une ambition considérée comme démesurée par les dieux et immédiatement châtiée. On connaît la suite … les hommes seront condamnés à la différence, à l’incompréhension, et ils verront leurs relations marquées par la conflictualité sur le modèle de l’étrangeté dans l’étranger. Le mythe de Babel permet alors de dévoiler, au moins en partie, l’enjeu essentiel de l’intégration : s’affranchir de l’incompréhension entre les hommes malgré les inévitables différences à travers un projet politique qui trouve sa justification dans une forme de nostalgie de l’unité première de l’humanité. Face à cette prétention mystique, il n’en reste pas moins que l’étrangeté peut aussi bien constituer une fascination qu’une aversion. Cette question sera donc toujours traversée par un double mouvement : celui de l’absorption et celui de l’exclusion. Si nous l’absorbons, l’étranger n’est plus un étranger. Si nous l’excluons, nous faisons disparaître l’objet de la conflictualité.
C’est ainsi que l’intégration des enfants handicapés, tant souhaitée par les familles et souvent invoquée par les représentants politiques, doit tracer son destin quelque part entre l'exclusion et l'absorption. Cette démarche n’a rien de naturelle, elle ne coule pas de source et, dans la continuité des propos tenus par Jollien A., l'intégration résulte d’un travail car elle nécessite du temps : le temps de la transformation des représentations sociales, des institutions et des dispositifs. Elle n’est jamais acquise et parfois elle apparaît impossible, mais il est toujours nécessaire d’en maintenir le projet. De ce point de vue, l'intégration est parfois impossible mais nécessaire tout le temps et, en écho de cette proposition, elle est toujours pour l’enfant une souffrance et une satisfaction.
Le cadre de ce travail concerne donc l’intégration scolaire d'enfants s'inscrivant dans le champ dit, du handicap mental, et qui font l'objet d'un accompagnement thérapeutique réalisé par un service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent. Pour la clarté de notre propos, il faut faire dès à présent un effort de définition conceptuelle. Assimilation, intégration, insertion, inclusion, sont des concepts largement utilisés bien que mal différenciés, participant au manque de lisibilité d’une actualité souvent bruyante et la plupart du temps précipitée. Comme le rappelle Broyer G. (2002) : "ces concepts clés sont encore bien confus pour la lisibilité des actions entreprises auprès de populations de jeunes et de moins jeunes 16 ."
Jollien A. (2002), Le métier d'homme, Paris, Seuil, p. 31.
Broyer G. (2002), "L'insertion parle ailleurs. L'expérience du sacré et la dynamique du surmoi " in : L'insertion par l'ailleurs, La documentation française, Paris, p. 128-144