1.3.2. Du côté du cadre : à l'école élémentaire et au collège.

Graffiti est le nom donné à l'unité de soins chargée de l’accompagnement thérapeutique, éducatif et pédagogique d’enfants bénéficiant d’une intégration scolaire en milieu ordinaire. Ce dispositif s’adresse donc à des enfants pris en charge dans le service de psychiatrie infantile et s'inscrit la plupart du temps dans le prolongement de l'hospitalisation de jour et de l'unité de soins à temps partiels, qui prennent en charge les enfants au cours de la petite enfance.

Il s’agit donc d’une démarche menée conjointement par deux institutions, impliquant un service de psychiatrie de l’enfant et l’Education Nationale. Ce partenariat a permis l’ouverture d’une première Classe d'Intégration Scolaire (CLIS A) en 1991, puis d’une seconde en 1995 (CLIS B). Chacune de ces classes accueille douze enfants d’âge scolaire dont les troubles graves de la personnalité et du comportement impliquent des altérations importantes des processus d’apprentissage et de la socialisation. Une troisième classe en collège, sous l'intitulé d'Unité Pédagogique d'Intégration (UPI), fonctionne depuis la rentrée 2003, elle accueille dix enfants âgés de douze à quinze ans.

Les conventions (annexes 1 & 2) signées entre les deux institutions prévoient :

En pratique, cette équipe soignante (Graffiti) propose deux grands axes d’intervention :

  1. Tout d'abord, les activités thérapeutiques proprement dites où l’on distingue plusieurs supports possibles :
  • Les consultations médicales pour formaliser le projet de soins et soutenir l'enfant et la famille tout au long de parcours d'intégration.
  • Il peut s'agir également, bien que plus rarement, d'une prise en charge individuelle spécialisée ; orthophonique ou psychomotrice par exemple.
  • Des entretiens individuels réguliers avec le soignant référent afin de soutenir et d'étayer l'enfant dans la mise en œuvre de son projet personnalisé d'intégration.
  • Des accompagnements individuels temporaires, que ce soit dans le cadre même de la classe ou en dehors du contexte scolaire. Ces formes d'accompagnement sont réservées aux enfants en situation de crise ou en difficultés ponctuelles pour gérer leurs relations avec les autres élèves.
  • Des groupes thérapeutiques organisés dans les locaux de Graffiti. Ces groupes couvrent des thématiques diverses, liées au projet de soin et visant les troubles d'organisation de la pensée de l'enfant : groupe origine, contes, dans tous les sens, la tête dans les étoiles, … etc.
  • Un accueil séquentiel à raison d'une demi-journée par semaine pour chaque classe, soit un total de trois demi-journées. Ces accueils s'adressent aux enfants en plus grande difficulté, ils permettent l’allégement des temps de scolarisation tout en renforçant l’axe thérapeutique. Ils sont organisés de manière spécifique à chacun des trois niveaux de scolarisation correspondant aux trois classes.
  • Les études thérapeutiques qui se font sous la forme d'un accueil en fin de journée dans les locaux de Graffiti. Cet accueil fonctionne selon un rythme de deux fois par semaine et s'organise comme un temps intermédiaire entre la scolarisation et le retour dans la famille. Ce temps peut parfois s'organiser autour d'un travail scolaire, selon le projet d'intégration de l'enfant.
  • L'accueil thérapeutique durant les vacances scolaires. Cet accueil concerne un nombre restreint d'enfants pour lesquels une continuité de l'accompagnement thérapeutique est indiquée. Il permet d'éviter les scansions inhérentes aux rythmes de l'école. Il se réalise dans les locaux de Graffiti pour les enfants scolarisés en CLIS. Pour les enfants de l'UPI, l'intégration psychosociale étant placée au premier plan, nous utilisons (sur la base d'un conventionnement) les accueils loisirs mis en place durant les vacances scolaires par la commune de résidence du collège. Un soignant de l'équipe est alors partie prenante de cet accueil pour soutenir les enfants de l'UPI dans leur démarche d'intégration.
  • Des groupes à contenu périscolaire mis en place au sein de l’école par les soignants à partir d'un décloisonnement entre les deux classes spécialisées. Ces groupes réalisés dans l'espace scolaire sont toujours centrés sur des problématiques liées à l'apprentissage : éducation cognitive, graphisme, orthomaths, discrimination phonologique, … etc.
  1. Ensuite, l'ensemble des activités et démarches visant à accompagner et soutenir l’enfant dans le cadre de son projet d'intégration :
  • L’intégration individuelle de l’enfant dans les classes ordinaires du groupe scolaire ou du collège. Cette forme d'intégration varie en fonction des compétences scolaires de l'enfant et de l'entente préalable établie entre l'enseignant d'accueil et l'enseignant de la classe spécialisée. Au collège, l'intégration individuelle est liée à la matière enseignée et les enfants sont souvent (mais pas systématiquement) accompagnés par un soignant ou l'auxiliaire d'éducation. En primaire, l'enfant est la plupart du temps intégré dans la classe ordinaire sans accompagnement, selon un rythme qui peut varier de 1 heure 30 par jour, jusqu'à une demi-journée, voire à temps complet lorsqu'un retour vers une scolarisation ordinaire est envisagée.
  • L'intégration par groupes restreints dans les autres classes du groupe scolaire ou du collège. Cette forme d'intégration concerne plus particulièrement les enseignements d'éducation physique ou d'arts plastiques. Au collège, les élèves de l'Unité Pédagogique d'Intégration (UPI) sont accompagnés la plupart du temps par un soignant ou par l'auxiliaire d'éducation.
  • L’organisation conjointe enseignants/soignants de projets à thèmes, de dimensions culturelle, artistique ou sportive. Ces activités sont généralement axées vers l'environnement extérieur, décentrées de l'école et du service de soins. Elles varient tout au long de l'année et s'organisent sur un rythme d'une demi-journée hebdomadaire dans le cadre des Classes d'Intégration Scolaire (CLIS) en primaire : école du cirque, escalade, prévention routière, création de spectacles, participation à des expositions diverses ou à des événements sportifs, … etc. Elles sont de nature ponctuelle au collège et visent des activités à dominante sportive ou culturelle au collège : participation à la Foulée Blanche, traversée du Vercors, voyages touristiques, … etc.
  • La participation des membres de l’équipe soignante aux séjours transplantés (classe de neige/ classe verte). En primaire, pour un grand nombre d'enfants, cette démarche constitue une première expérience de séparation avec leurs familles et offre ainsi un cadre précieux pour l'accompagnement thérapeutique. Ces séjours sont le plus souvent organisés en coordination avec une des classes ordinaires du groupe scolaire pour favoriser les échanges et l'intégration des enfants.
  • Enfin, l’implication des soignants dans des activités transversales au sein des groupes scolaires sous la forme d’ateliers décloisonnés, de participation à la vie de ces établissements scolaires, d'aménagement des liens avec la communauté enseignante et les équipes de direction, voire des interventions ponctuelles dans les autres classes pour animer, à la demande des enseignants de ces classes, des rencontres avec les élèves autour de thèmes de réflexion s'inscrivant la plupart du temps dans le champ du handicap ou de la différence.

Notons, pour finir cette présentation, que ce dispositif présente un certain nombre de caractéristiques qui fondent son identité :

  • Il nous paraît important, sur un plan clinique, de respecter la césure traditionnelle entre la scolarité primaire et le passage au collège. Dans la perspective d'un retour à la scolarisation "ordinaire" à la sortie de l'UPI, et pour orienter nos interventions en direction de ce projet, les enfants scolarisés au collège ne sont plus accueillis dans les locaux de Graffiti, pour investir à temps complet le lieu de scolarisation. De fait, en suivant le principe de l'inclusion, pour les soignants comme pour les enfants, la totalité des interventions éducatives et thérapeutiques sont développées in situe ; Graffiti, en tant qu'unité fonctionnelle, s'insère dans le collège et coupe symboliquement ses liens avec l'espace hospitalier.
  • Par ailleurs, nous insistons pour que les équipes médico-psychologiques qui adressent les enfants en direction de notre dispositif restent référentes de ces enfants et de leurs familles. Selon le principe de la continuité des soins, les prises en charges thérapeutiques mises en place préalablement par ces équipes ne sont pas interrompues. La nature de nos interventions dans le champ de l'intégration scolaire ne se substitue en aucun cas aux soins psychothérapeutiques ou aux autres formes de soins proposés à l'enfant et à sa famille. La singularité de notre positionnement dans un champ intermédiaire, situé entre soins et pédagogie, axe nos interventions sur les troubles du développement, les obstacles à l'apprentissage, et le nécessaire déploiement du projet d'intégration de l'enfant. Même si, évidemment, chaque professionnel de notre unité fonctionnelle est animé par le souci constant d'étayer l'enfant dans le travail de subjectivation indispensable à la réussite de ses objectifs.
  • D'autre part, il faut noter l’absence de clivage entre pédagogues et soignants puisque les enseignants et Graffiti s’organisent en une seule équipe, délimitant ainsi un espace intermédiaire entre l’école et l’hôpital. C’est dans cet entre-deux institutionnel que se tisse, au fil du temps et au rythme des aléas de la vie psychique de l’enfant, un projet individualisé qui harmonise et synchronise les points de vue pédagogique, éducatif et thérapeutique à partir de réunions de synthèse communes.
  • Ainsi, les difficultés rencontrées par les enfants dans leurs acquisitions scolaires constituent naturellement la préoccupation partagée entre les enseignants et les soignants. Les troubles cognitifs, leur implication dans la mise en œuvre des processus d’apprentissage et le développement de la pensée , sont placés au cœur du dispositif pour être repris par les soignants comme un matériel clinique, véritable enjeu subjectif pour l’enfant.
  • Enfin, et ce dernier point concerne directement le travail que nous présentons ici, il paraissait nécessaire d'adjoindre à l'ensemble du dispositif un volet consacré à l'évaluation cognitive, dans une perspective de recherche. Cette démarche s'imposait naturellement au sein de notre entreprise pour identifier la nature des difficultés présentées par la population clinique et tenter de repérer au plus près les processus psychopathologiques susceptibles de faire barrage aux apprentissages et au développement. L'évaluation des processus cognitifs, et de leur implication dans la mise en œuvre des apprentissages, s'est donc spontanément imposée comme une préoccupation continue, inscrite dans le projet thérapeutique de l'unité fonctionnelle. Il est rare qu'une unité fonctionnelle de psychopathologie de l'enfant place la recherche appliquée parmi l'ensemble de ses préoccupations. Cette démarche ne doit pas se justifier pour elle-même (comme une curiosité intellectuelle située à la marge), mais doit s'inscrire à l'intérieur du dispositif et entretenir un lien dynamique avec chacune des composantes de ce dispositif. Elle doit contribuer à un travail plus général d'appropriation d'un cadre de pensée qui pourra ensuite être transmis et qui participera à l'établissement du cadre de soins. Autrement dit, participer à l'édification d'un ensemble dont l'objectif est d'assurer une fonction contenante.

Nous constatons que cet ensemble est borné, d'un côté par l’entre-deux institutionnel, d'un autre côté par l'intérêt porté aux les troubles cognitifs. Cette double perspective suppose une transformation des représentations historiques liées à la conceptualisation des pratiques mises en œuvre aussi bien par l’école que le service de soin. C’est donc sur un fond identitaire que s’effectue la rencontre entre les partenaires, où chacun est invité à soumettre ses références théoriques au regard critique de l’autre pour s’ouvrir parfois à de nouvelles approches jusque là ignorées, voire rejetées.

Nous présentons ci-dessous un schéma d'ensemble du dispositif qui permet de rendre compte de la singularité de son organisation et des différents niveaux d'implication du service de soins dans l'enseignement élémentaire et au collège. La couleur bleue permet de suivre l'ensemble des formes d'interventions de l'équipe : dans les classes, dans le groupe scolaire, à Graffiti même ou dans le cadre des projets développés dans l'environnement extérieur en lien avec les enseignants. Il faut également préciser qu'au niveau du collège, l'ensemble des actions est directement développé à partir du lieu de scolarisation des enfants qui n'ont plus l'occasion de revenir dans les locaux propres au service de soins, situés à proximité de l'école primaire :

Shéma nº1 : Le dispositif de l’intégration scolaire.
Shéma nº1 : Le dispositif de l’intégration scolaire.