1.4.2.1. L'ontogenèse.

C’est dans " l’histoire du développement des fonctions psychiques supérieures 63 " que Vygotski L. (1930–1997) envisage la manière dont les développements biologique et historico-culturel se rassemblent et fusionnent chez l’enfant à travers le développement ontogénétique. Il s'agit du processus par lequel l’enfant hérite d’une organisation biologique en même temps qu’il s’approprie les outils légués par les générations antérieures de telle sorte que le développement personnel ne peut être étudié indépendamment du développement culturel d’une société. Il ne faut pas voir dans cette formulation une quelconque visée maturationnelle qui, comme pour la théorie de Piaget J., ferait dépendre le développement du rythme de maturation de l’organisme. C’est au contraire à partir de la rencontre avec les outils culturels sur un fond dynamique de maturation que se produit le développement des fonctions psychiques supérieures. C’est donc l’appropriation elle-même des outils culturels, lors de cette période de forte réceptivité que constitue l’enfance (lorsque les fonctions élémentaires ne sont encore qu’embryonnaires), que se produit la transformation des fonctions psychiques élémentaires et que s’ouvre la voie vers la culture en même temps que le développement des fonctions psychiques supérieures.

Les fonctions psychiques supérieures sont rendues possibles par la transformation des fonctions psychiques élémentaires à l’aide de l’appropriation des outils psychologiques (langage, écriture, dessin, calcul …). Dans cette perspective, c’est parce que l’enfant est exposé à la complexité des outils de sa culture aussi bien qu’à la nécessité de se les approprier qu’il donne un axe aux processus de maturation qui sous-tendent les capacités d’appropriation : ce que Vygotski L. nomme le paradoxe bioculturel fondamental du développement de l’enfant.

Aux vues de ces considérations générales nous notons que l'approche théorique de Vygotski L. opère un virage radical concernant les rapports entre les apprentissages et le développement. Ici, l’apprentissage précède le développement puisque le développement se construit à partir des apprentissages réalisés par l’enfant lorsque ce dernier est confronté aux outils de sa culture et de son milieu. Dans cette perspective, le développement devient le produit du passage de l’intersubjectif à l’intrasubjectif. Prenons l’exemple d’un enfant en train d’apprendre à réaliser un puzzle trop complexe pour lui ; si cet apprentissage s'effectue en présence d’un adulte qui le guide, lui fournit des explications et propose des démarches, lors d'une étape ultérieure et confronté seul à une tâche similaire, l’enfant reprendra pour son propre compte les explications formulées par l’adulte au cours de la situation précédente. Il se répétera pour lui-même, dans un monologue intérieur, les formes verbales utilisées par l’adulte pour guider son action et résoudre la complexité de la tâche. Il appliquera une conduite qu’il a d’abord mise en œuvre avec autrui et le moyen de cette appropriation sera le langage.

Notes
63.

Ibid.