2.1. L'évaluation diagnostique des troubles cognitifs ; approche globaliste.

En ce qui concerne l'intelligence, nous devons reconnaître l'impossibilité d'en donner une définition précise. Dans le langage courant, le terme désigne ce qui relève de l'exercice de l'esprit et s'applique à toute activité qui consiste à recourir au savoir, à la réflexion ou à la créativité. Ce terme consacre ainsi un type d'activité qui est souvent opposé au travail manuel qui est censé ne pas relever d'un travail intellectuel. Nous percevons bien ici les risques liés à une définition que l'on aurait vite fait de juger comme naïve et réductrice, car l'intelligence ne se réduit pas à une seule dimension : elle n'est pas unidimensionnelle.

Nous convenons d'ailleurs assez naturellement qu'il existe plusieurs formes d'intelligence et que leurs différences ne sont pas seulement d'ordre quantitatif. Pourtant, c'est en cherchant d'abord à mesurer, comparer et ordonner les performances intellectuelles de l'enfant que les psychologues ont tenté de comprendre en quoi consiste l'intelligence et de quelle manière elle se construit au cours du développement. Il ne s'agit pas ici de mesure au sens scientifique du terme : l'intelligence n'est pas une donnée entière, univoque, qui serait divisible en unités et il est donc logiquement impossible de venir l'exprimer en termes de grandeur mesurable. En somme, nous allons voir qu'à travers l'histoire de la psychologie différentielle, la notion de mesure de l'intelligence est restreinte au sens d'un classement par lequel il est possible d'ordonner les sujets en fonction de leur score dans un test, et de les caractériser ainsi par leur rang dans leur population de référence.

Nous verrons que la construction des instruments d'évaluation s'est faite de façon empirique, la plupart du temps en proposant des tâches qui sont représentatives de ce que l'on appelle l'intelligence académique, c'est à dire la forme d'intelligence mise en œuvre dans les apprentissages de type scolaire. Cette construction s'est appuyée sur l'évolution développementale des performances de l'enfant pour établir une échelle de complexité des tâches cognitives et définir des Quotients Intellectuels (QI). Ce chiffrage a pu laisser croire que l'on avait abouti à une mesure scientifique de l'intelligence, il s'agit d'un point de vue dont on connaît aujourd'hui les dérives au point de jeter une ombre sur son utilisation clinique. Il est important de rappeler que l'objet de la psychométrie est de mesurer des performances intellectuelles sans préjuger d'une étiologie quelconque lorsque des écarts sont constatés par rapport à la population de référence. Le terme performance, lorsqu'il est employé dans ce contexte, correspond seulement à un comportement observable de réussite ou d'échec dans une tâche donnée.

Dans une perspective globale, l'outil le plus largement utilisé dans l'évaluation des performances intellectuelles est, sans contestation possible, le W.I.S.C. (Wechsler Intelligence Scale for Children). Cet outil est parfois complété par d'autres épreuves, de préférence non verbales, plus particulièrement destinées à déceler des potentialités chez un enfant en situation d'échec. Les modèles sur lesquels repose l’évaluation du niveau de développement psychologique sont rarement explicités et discutés entre les cliniciens. Très souvent, la procédure semble aller de soi et ceci, sans que plusieurs de ses postulats, souvent implicites, ne soient discutés. Ceci est également vrai en ce qui concerne les processus mentaux qui sont sous-jacents aux performances intellectuelles ainsi constatées et qui pourraient donner accès à ce qui peut se définir comme des compétences sous-jacentes.

A partir de la fin des années 1960, le développement de la psychologie cognitive a ouvert de nouvelles perspectives pour remédier à la faiblesse des évaluations centrées sur les performances intellectuelles. En effet, l'objectif de la psychologie cognitive est précisément d'aller au-delà de ce qui est directement observable pour identifier les processus mentaux qui s'intercalent entre la perception du stimulus et la réponse. Outre les activités complexes de la pensée, la psychologie cognitive inclue également les processus mentaux sous-jacents aux performances intellectuelles.

Après une approche historique des outils d'évaluation de l'intelligence, les principaux modèles de référence pour l’évaluation du développement psychologique de l’enfant seront examinés. Il s'agira chemin faisant d'être attentif à la manière dont ces outils permettent d'observer des performances ou d'inférer des compétences. Considérant que les performances font référence aux comportements observables produits par le sujet, alors que les compétences sont constituées d’un ensemble de capacités organisées qui sous-tendent les performances. Les compétences ne sont donc pas directement observables mais elles peuvent simplement être inférées à partir des performances.

Cette distinction est importante du point de vue de la démarche diagnostique. Certaines démarches sont en effet centrées sur la réalisation de la tâche, elles sont fondamentalement athéoriques. D’autres par contre s’appuient sur un modèle théorique de la réalité sous-jacente aux performances. De cette différenciation découle un certain nombre d’implications méthodologiques concernant l’évaluation des troubles du développement des performances intellectuelles.