2.3.2.4. Conclusion à propos de l'émergence de la pensée chez l'enfant

Dans la genèse et le développement de l’activité de pensée deux axes se développent :

Ce que nous venons de décrire dans ce chapitre correspond à l'approche historique d'un modèle psychanalytique descriptif de l’origine de la pensée, celle que nous pourrions nommer pensée archaïque (d’avant le langage). Ce modèle tente de rendre compte de la façon dont l'infans va créer des moyens pour transformer les discontinuités de l’expérience en continuité dans le monde psychique.

Notons que dans les temps précoces, le processus de symbolisation dépend de la qualité des rencontres avec l'objet. Il doit pouvoir s'étayer sur la présence réelle de l'objet, sur le registre perceptivo-moteur, sur les transformations que le bébé opère sur celui-ci, sur sa concrétude et sa matérialité pour qu'émergent les premières formes de représentation.

Ensuite, lorsque l'absence de l'objet est devenue tolérable, l’accès aux premières formes de représentations par l'enfant permet très rapidement les inscriptions psychiques qui fondent ses premiers contenants de pensée organisant son action sur les objets du monde extérieur, sur les autres ou sur lui même. Tout au long des années qui vont suivre, la pensée se complexifie et s'organise à partir de l'intégration progressive et du développement des contenants de pensée qui donneront sens aux expériences qui lient le sujet avec son environnement humain et physique. Berger M. (1992) définit ces contenants comme:

‘"L’intériorisation de l’ensemble des expériences physiques et psychiques qui permettent à un sujet d’acquérir une représentation de lui unifié spatialement (le sens de la continuité corporelle), temporellement (le sens de la continuité du vécu), émotionnellement (le sens de la continuité de la vie psychique elle même et du désir de vivre), cognitivement (le sens de l’invariabilité du monde, ce qui introduit de la prévisibilité dans les perceptions, les actions, et les pensées)158".’

Dans le cadre de cette définition, un troisième axe apparaît aux côtés des dimensions narcissique et objectale : un axe cognitif qui prend en compte les données fournies par la réalité extérieure et qui ouvre l'accès à la pensée logique et opératoire. Autrement dit, une approche clinique de l'évaluation intellectuelle nécessite de pouvoir penser les processus de pensée mis en jeu par l'enfant au cours du fonctionnement cognitif à partir de ces trois niveaux d'intégration. Il s'agit donc maintenant de s'intéresser à la façon dont les axes objectaux, narcissiques et cognitifs se conjuguent et s'actualisent dans la mise en œuvre du raisonnement, de l'abstraction et du développement de la pensée conceptuelle.

En France, Gibello B. (1984) fut un des premiers à proposer un modèle théorique global s'inscrivant dans cette approche intégrée en psychopathologie de l'enfant. En proposant une synthèse entre la psychanalyse kleinienne et le constructivisme piagétien, il a permis de dégager de nouvelles perspectives en psychopathologie cognitive et a notamment mis en évidence des formes de dysfonctionnements cognitifs liés à certaines pathologies mentales.

Nous allons décrire les bases principales de ce modèle car il constitue un des éléments historiques fondateurs du travail de recherche que nous présentons.

Notes
158.

Berger M. (1992), Les troubles du développement cognitif ; approche thérapeutique chez l'enfant et chez l'adolescent, Toulouse, Privat, p.