2.5.1. Le système subjectif.

Il contient les schèmes et ceux-ci sont définis comme des ensembles ordonnés d'actions mentales constituant des unités comportementales susceptibles de se généraliser par assimilation d'une situation à une autre. Il s'agit d'une unité processuelle interne au sujet, ils sont subjectifs parce qu'ils sont liés à son expérience et rendent compte pour ce dernier des régularités observées dans son environnement. Les schèmes se construisent donc grâce à l'interaction de l'individu avec son environnement et déterminent ses performances dans l'ensemble de ses activités. Ils sont stockés en mémoire à long terme, ils peuvent être activés indépendamment les uns des autres.

Tous les schèmes de ce répertoire du métasujet intègrent structurellement une dimension déclenchante, contenant l'ensemble des conditions d'activation qui peuvent être remplies par une information issue de l'environnement ou par un état mental interne, et une dimension effective, c'est à dire l'opérationnalisation du schème en une action mentale ou motrice résultant de l'activation. Par ailleurs, la propriété de récursivité du schème implique dans ses effets le déroulement de schèmes connexes à l'action engagée, l'apprentissage s'opérant ainsi par la constitution de schèmes de plus en plus complexes par intégration des schèmes les plus simples.

Ce répertoire de schèmes distingue des schèmes affectifs, personnels et cognitifs193. Chacun d'eux se subdivisent en schèmes d'action et en schèmes exécutifs, mais nous ne préciserons ces notions que dans le cadre des schèmes cognitifs :

  • les schèmes affectifs correspondent à des états émotionnels ou motivationnels qui peuvent à leur tour engendrer de nouveaux états, renforçant les schèmes qui les traduisent.
  • les schèmes personnels sont des résultantes des schèmes affectifs et cognitifs et se rapportent au système de valeur, de croyance du métasujet et lui confère un style singulier dans la conduite de ses actions (l'action étant ici retenue dans son sens le plus élargi traduisant aussi bien un fait physique que psychique, un état, une stratégie...etc.)
  • les schèmes cognitifs sont les plus développés par la théorie des opérateurs constructifs aussi allons-nous les présenter ci-dessous.

Parmi les schèmes cognitifs, Pascual-Leone J. distingue essentiellement les schèmes d'action et les schèmes exécutifs :

  • Les schèmes d'action contiennent eux-mêmes des schèmes figuratifs et des schèmes opératifs. Les schèmes figuratifs fonctionnent comme des objets mentaux produisant des états ou des représentations mentales constituant les contenus de pensées. Stockés en mémoire, ils sont activés dans le cadre de la tâche à effectuer en réponse à une entrée interne ou externe adaptée. Le stock de schèmes figuratifs est d'autant plus riche que l'enfant a acquis une certaine expérience dans l'activité sollicitée. Les schèmes opératifs agissent sur les schèmes figuratifs, modifient leur contenu et conduisent à l'élaboration de schèmes plus complexes. Ils correspondent aux opérations mentales qui s'appliquent sur les schèmes figuratifs, ils leur font subir une transformation pour qu'apparaissent de nouveaux états mentaux. Cette application explique notamment la génération et le stockage en mémoire de représentations de plus en plus complexes. On ne peut s'empêcher de voir également ici un rapprochement fortuit avec la distinction faite par Gibello194 B. (2004) entre, d'une part les représentations de choses qui correspondent aux figurations d'état et, d'autre part les représentations de transformations qui construisent une suite temporelle d'états et d'évènements.
  • Les schèmes exécutifs sont définis par de Ribeaupierre A. (1983) comme des "schèmes opératifs complexes et généraux 195 ". Ils occupent dans le système une fonction de programmation et de suivi dans le déroulement de l'action de résolution de problèmes. Ce sont eux qui maintiennent, tout au long de l'action cognitive, le but à atteindre et les consignes. La mise au point du déroulement cognitif par les schèmes exécutifs se fait en tenant compte des schèmes affectifs et personnels qu'il sera nécessaire d'activer pour atteindre le but désiré. Ils supervisent et ordonnent par des procédures appropriées la succession des schèmes figuratifs et opératifs. Ils assurent donc la mise en œuvre des différents schèmes ou séquences de schèmes, ainsi que l'usage et la régulation des ressources nécessaires à leur fonctionnement. Autrement dit, ils se construisent et se complexifient par l'expérience, au fil des apprentissages et mobilisent les opérateurs organismiques en vue de la réalisation de l'objectif. Ils constituent ainsi l'interface entre l'environnement et le système métaconstructif car ils sont les processus qui contrôlent l'allocation des capacités M (espace Mental) et I (Inhibition), ils prennent ainsi en charge le travail proprement dit de la pensée lorsqu'il s'agit d'établir des liens associatifs et de conduire des opérations de transformation.

Nous pouvons schématiser le système subjectif avec les schèmes cognitifs par la figure ci-dessous.

Figure 1 : Organisation du système subjectif dans la théorie des opérateurs constructifs.
Figure 1 : Organisation du système subjectif dans la théorie des opérateurs constructifs.

L'ensemble de ces répertoires construits par le sujet évolue tout au long de sa vie, puisque tous les schèmes varient en complexité et qu'à tout moment l'ensemble des schèmes d'un répertoire total sont activés même si seuls ceux concourant au développement de l'action entrent en application. Pascual-Leone L. introduit ici la notion de champ d'activation issue des théories du traitement de l'information, mais il complète sa proposition par l'intervention des opérateurs silencieux qui auront un rôle déterminant sur l'activation des schèmes.

Notes
193.

Curieusement, nous retrouvons ici une classification des systèmes de schèmes chez Pascual-Leone J. qui rappelle la classification des contenants de pensée proposée par Gibello B. (contenants fantasmatiques, contenants narcissiques et contenant cognitifs). Même si ces deux auteurs appartiennent à des champs épistémologiques très différents et que les deux conceptualisations ne sont évidemment pas superposables, il est intéressant ici de noter ce qui pourrait apparaître comme des points de convergences entre, d'une part une approche strictement cognitive et, d'autre part un modèle intégrant le cadre de la psychologie dynamique.

194.

Gibello B. (2004), "Corps, pensée et représentation de transformation", Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence, 52, pp. 356-364.

195.

Op. cit., p. 333.