L'opérateur M

Cet opérateur M, ou espace mental de traitement, fonctionne comme un système central de mémoire à court terme contraignant quantitativement l'espace mental sollicité dans une tâche de résolution de problèmes. Sa puissance sera définie par le maximum de schèmes que le sujet peut activer simultanément dans une opération mentale, il constitue donc "l'énergie mentale" nécessaire à l'activation des schèmes pour une situation donnée. Sa distribution sur les schèmes pertinents étant contrôlée par les schèmes exécutifs, spécifiques à l'action, contenus dans le répertoire H de schèmes symboliques disponibles.

Ces schèmes exécutifs, qui représentent les consignes et jouent un rôle important de planification des stratégies, bénéficient eux-mêmes de cette activation tout en contrôlant l'attribution de M sur les schèmes d'actions. Pascual-Leone196 J. (1994) considère que cette quantité d'énergie mentale nécessaire à l'activation des schèmes exécutifs (e) est maintenue constante quelque soit l'âge, après s'être développée au cours des deux premières années de la vie si bien que l'on peut postuler que la capacité mentale d'un enfant de deux ans est celle qui permet de maintenir activé le schème exécutif tout au long de la tâche, c'est à dire égale à (e).

Par contre l'énergie mentale disponible pour l'activation des schèmes figuratifs et opératifs subit des contraintes en fonction de l'âge, ce qui fait de M un opérateur dont le potentiel d'activation évolue dans le temps. C'est en fait cette quantité d'énergie (k), affectée aux schèmes d'action, qui correspond au "nombre maximum de schèmes différents, non directement activés par d'autres métaconstruits, qui peuvent être simultanément activés par M en une seule opération mentale 197 " (de Ribaupierre A., 1983). La quantification de cette énergie disponible et qui s'appelle "puissance M" est alors présentée sous la forme :

Mp = e + k

Où (e) correspond à la quantité d'énergie M disponible pour l'exécutif et ou (k) correspond à la quantité M attribuée aux schèmes d'action. Si pour Pascual-Leone198 J. (1994), (e) et (k) sont en grande partie indépendante, seule l'échelle de (k) sera de nature à rendre compte de la croissance développementale de Mp sachant qu'elle connaît une augmentation séquentielle d'une unité tous les deux ans, de trois ans jusqu'à quinze ans. Cette augmentation régulière étant liée à la maturation, le principe développemental de M nous permet de prédire les performances pour tous les sujets d'une même tranche d'âge et ce, indépendamment de l'apprentissage. Il ressort donc des travaux de Pascual-Leone J. que la valeur (k) augmente de 1 à 7 au cours du développement comme le montre le tableau ci-dessous. Les estimations de (k) ont été, par ailleurs, testées empiriquement à partir d'une variété de situations intégrant différents domaines de traitement de l'information qui ont confirmé l'estimation proposée par la théorie des opérateurs constructifs. Il apparaît également que la croissance de (k) est cohérente avec la chronologie des stades de la théorie piagétienne et qu'elle constitue vraisemblablement le générateur qui permet le passage d'un stade à l'autre. Comme le montre le récapitulatif suivant :

Prédiction des valeurs de M en fonction de l'âge et correspondances avec les sous-stades Piagétiens (d'après de Ribeaupierre A., 1983)
M = (e + k) Sous-stades piagétiens Ages chronologiques
e+1
e+2
e+3
e+4
e+5
e+6
e+7
Préopératoire inférieur préopératoire supérieur opérations concrètes inférieures opérations concrètes supérieures sous-stade pré-formel sous-stade formel A sous-stade formel B 3-4 ans
5-6 ans
7-8 ans
9-10 ans
11-12 ans
13-14 ans
15-adulte

Notes
196.

Pascual-Leone J., Baillargeon R. (1994), "Developmental Mesure of Mental Attention", International journal of behavioural development, 17, p. 161-200.

197.

Op. cit., p.336.

198.

Pascual-Leone J., Baillargeon R. (1994), "Developmental Measure of Mental Attention", International journal of behavioural development, 17, p. 167.