3.2.1.3. Les dysharmonies psychotiques :

Le cadre des dysharmonies psychotiques a été proposé par Mises221 R. et Horassius M. (1973) pour rassembler, tant d'un point de vue clinique que psychopathologique, des organisations désignées auparavant sous des terminologies variées : prépsychoses (Lebovici S., Diatkine R.), parapsychoses (Lang J. L.), psychoses symbiotiques (Mahler M.). Cette entité nosographique recouvre le diagnostic retrouvé dans les classifications du DSM IV et de la CIM 10 sous les termes de "troubles envahissants du développement non spécifiés." Elle s'apparente également, nous l'avons dit, à ce que les cliniciens du Yale Child Study Center ont identifié sous la notion de "Multiplex Developmental Disorder" (MDD) que l'on peut traduire par "troubles complexes et multiples du développement 222 ."

Le diagnostic de dysharmonie psychotique consiste à associer la notion de dysharmonie développementale avec celle des traits et mécanismes psychotiques. On évoque la dysharmoniecar les résultats obtenus à partir des outils classiques d’évaluation du rythme de développement, mesurés à partir du quotient intellectuel, sont le plus souvent bas, dispersés et hétérogènes. Par ailleurs, la symptomatologie est variable d'un enfant à un autre et pour le même enfant. Elle peut se manifester par des retards fonctionnels portants sur le langage ou la psychomotricité ; des expressions somatiques ou comportementales ; des manifestations phobiques, hystériques ou obsessionnelles ; bref, une dysharmonie du développement se manifestant au niveau des fonctions émotionnelles, cognitives et sociales. Mais, dans la conception française, ces éléments développementaux s’inscrivent dans un tableau plus général de psychose marqué par une rupture de contacts avec la réalité, une mauvaise organisation du self et une tendance au débordement de la pensée par des processus primaires qui infiltrent les processus secondaires. D'où, une expression directe des pulsions dans les fantasmes, des conduites agies, parfois des phénomènes de somatisation. On observe des angoisses diverses pouvant aller jusqu'aux attaques de panique.

Les troubles cognitifs sont toujours importants et entravent fortement les capacités d’acquisition car l’enfant échoue la plupart du temps à élaborer une bonne distance à l’égard de ses apprentissages. On retrouve souvent un collage excessif qui brouille la mise en jeu des processus de pensée, plus rarement des refus intentionnels mais jamais des retraits de type enfermement tels que l’on peut les rencontrer dans l’autisme. Si l'on observe le plus souvent des capacités préservées chez l’enfant à trouver les voies d’une adaptation, certes précaire, aux conditions imposées par les apprentissage réalisés dans le cadre de l’instruction scolaire, nous notons des risques majeurs d’évolution vers des organisations de type déficitaire si ces enfants ne sont pas pris en charge dans le cadre d’un dispositif capable de prendre en compte le caractère multipolaire de ces pathologies pour proposer des contextes pédagogiques adaptés aux troubles.

L'apparition de la symptomatologie est plus tardive que dans l'autisme, elle se manifeste à partir de l'âge de trois à quatre ans, ce qui refléterait un développement initial préservé. En effet, la plupart des auteurs (y compris les auteurs américains dans le cadre des MDD) font état d'un déroulement normal des phases précoces du développement, et les problèmes n'émergeraient qu'à partir du moment où les fonctions intégratives plus complexes apparaissent altérées. Etant donné le polymorphisme de la symptomatologie, le moment de l'apparition des premières manifestations constitue un critère diagnostique précieux pour distinguer les dysharmonies psychotiques des pathologies graves d'apparition plus précoce. De la même façon, la notion d'évolutivité propre aux tableaux dysharmoniques est également importante et constitue un des éléments de diagnostic différentiel vis à vis des psychoses déficitaires et de l'autisme. Par contre, il existe véritablement un risque de confusion dans l'utilisation de la notion de dysharmonie psychotique et de celle de dysharmonie évolutive. En effet, dans la CFTMEA cette dernière se distingue de la précédente essentiellement par le fait que les difficultés d'adaptation de l'enfant n'aboutissent pas à une perte des repères essentiels ni à une rupture avec le réel. C'est pourquoi l'élaboration diagnostique nécessite de l'expérience clinique d'une part, et parfois une longue période d'observation de l'enfant d'autre part.

Notes
221.

Mises R., Horiassius M. (1973), "Les dysharmonies évolutives précoces de structure psychotique", Revue de Neuropsychiatrie infantile, 21, 12, Paris, Elsévier, p. 755-765.

222.

Tordjman S., Ferrari P., Golse B., Bursztejn C., Botbol M., Lebovici S., Cohen D. J. (1997), "Dysharmonies psychotiques et Multiplex Developmental Didorder : histoire d'une convergence", Psychiatrie de l'enfant, XL, 2, Paris, PUF, p. 473 à 504.