3.2.2.1.2. Au niveau de l'échelle verbale :

"Information " propose des questions portant sur les connaissances générales considérées comme faisant partie du bagage culturel de l'enfant. Cette tâche reflète donc la culture générale, l'influence du milieu scolaire, l'aisance verbale et, plus généralement, l'intérêt de l'enfant pour le monde ambiant. Ce subtest est très sensible aux influences du milieu social et culturel et à l'intégration des connaissances socialisées qui suppose également une position active chez l'enfant qui manifeste par cette aptitude son désir d'ouverture sur le monde. La corrélation avec la note totale obtenue au test est élevée et les performances recueillies à ce subtest reflètent assez bien le niveau intellectuel. Mais, outre les performances intellectuelles, les difficultés à cette épreuve peuvent traduire aussi un manque d'investissement du savoir qui peut être le signe d'un défaut de sublimation de la curiosité sexuelle ou inversement, dans le cadre de l'inhibition névrotique, le signe que l'interdit qui frappe la curiosité sexuelle s'est étendu sur toute forme d'accès au savoir. Les enfants qui présentent des troubles importants de la personnalité, chez qui le déplacement de l'énergie sexuelle vers des buts socialisés n'est pas accessible, montrent des difficultés importantes dans cette tâche qui soulignent leur défaut d'ouverture sur le monde extérieur et la prédominance des enjeux narcissiques sur l'investissement du monde relationnel.

"Similitudes " est selon nous un des subtests les plus intéressants de la batterie. Il s'agit de trouver la ressemblance qui existe entre deux termes, objets ou concepts. Cette épreuve explore les capacités du sujet à s'abstraire du niveau perceptif pour atteindre un niveau de généralité allant jusqu'au concept. Ce qui implique à la fois des capacités d'analyse, de synthèses et une aptitude à constituer des classes hiérarchisées. Sont mises en jeu ici les capacités d'abstraction, de conceptualisation, de raisonnement logique, ainsi que la capacité à se concentrer sur l'essentiel en faisant abstraction des détails. Fortement saturée en facteur g, cette tâche fournit des informations qualitatives qui reflètent la maturité de la pensée. A ce sujet, on distingue différents types de réponse :

Ainsi l'enfant obtient des notes différentes selon que la réponse est conceptuelle ou descriptive. C'est à dire, du point de vue du raisonnement, selon que l'objet peut-être pensé à distance de son image ou non. C'est ici le grand intérêt de ce subtest pour le clinicien qui pourra, au delà d'une analyse portant sur les performances de l'enfant, lier les processus dynamiques mis en jeu par l'enfant avec les formes de pensée observées. Comme le rappelle Jumel B. (2003) :

‘"Certains enfants répugnent à recourir à la description, d'autres évitent la conceptualisation… Le psychologue qui pressent que le rapport à l'image, à la figuration, est ici le vecteur du raisonnement ne retirera rien d'utile d'un score global et devra aller au-delà, dans les réponses item par item pour poser une hypothèse intéressante sur le rapport du sujet à la conceptualisation234."’

"Arithmétique " est composé de problèmes à résoudre mentalement en temps limité dont certains sont présentés oralement, d'autres par écrit. Il s'agit de problèmes concrets ayant trait à des situations de la vie courante et qui requièrent des connaissances en arithmétique du niveau de l'école primaire. D'après Grégoire235 J. (1995), cette épreuve qui semble tributaire des acquisitions scolaires est pourtant faiblement corrélée avec le facteur "verbal-numérique-scolaire" et elle est également peu corrélée avec le facteur "spatial-mécanique-pratique". Il semble par contre qu'un facteur d'attention et de concentration sature principalement cette épreuve qui mobilise particulièrement la mémoire à court terme, elle-même très sensible aux problèmes d'attention et de contrôle mental. Il s'agit donc d'un subtest qui montre une grande sensibilité aux carences scolaires, mais surtout à tout ce qui peut diminuer la vivacité intellectuelle : émotion, anxiété, manque de concentration, … etc. Arithmétique suppose un encodage correct de la séquence des énoncés, ce qui nécessite également une organisation des données dans le temps par la mise en jeu des processus séquentiels. Une impossibilité de se concentrer et de mémoriser les questions posées peut se retrouver chez des enfants qui ne parviennent pas à construire une représentation mentale du problème posé, comme c'est souvent le cas avec les enfants psychotiques.

"Vocabulaire " est une épreuve de définition de mots qui évalue la richesse lexicale et l'aisance dans le maniement de la langue. En effet, le nombre de mots connus est une bonne évaluation de l'aptitude à apprendre, laquelle est un processus intellectuel actif et non pas un simple enregistrement passif. Le fait de devoir définir les mots renseigne sur les capacités de verbalisation et la qualité des processus de pensée. Pour Wechsler 236D. (1956), Vocabulaire renvoie à la capacité d'apprentissage ainsi qu'à l'étendue des idées, ce subtest constitue ainsi une excellente mesure de l'intelligence et il montre d'ailleurs une saturation élevée en facteur g. Il est généralement échoué dans le cadre du retard mental sauf en cas de sur-éducation. L'échec peut aussi être lié à la fragilité des acquis culturels ou langagier ce qui en fait un subtest très sensible au contexte socio-éducatif dans lequel évolue l'enfant. Dans cette dernière situation, l'échec est alors souvent isolé ou associé avec des faibles performances à Information. D'un point de vue clinique, concernant les enfants qui présentent des troubles de la personnalité et du comportement, les faibles performances à Vocabulaire peuvent être liées à des difficultés relationnelles précoces mère-enfant qui sont souvent à l'origine d'un mauvais investissement de la langue maternelle. Dans ce contexte, les difficultés peuvent aussi renvoyer à une impossibilité pour l'enfant de prendre en compte le caractère équivoque du langage, qui supposerait d'être capable d'établir une certaine distance entre le mot et la chose désignée par le mot.

Le subtest " Compréhension " est composé de questions posant un problème d'ordre pratique ou social. Cette épreuve met en jeu le bon sens de l'enfant tout en restant relativement indépendant de ses acquisitions scolaires. Elle montre surtout les capacités d'adaptation pratique, d'intégration de l'éducation parentale, des normes sociales et des valeurs du groupe. Elle n'éprouve pas de mécanisme proprement dit, mais une épreuve de compréhension faisait déjà partie de la première version du test de Binet237 A. (1905). Depuis, elle a toujours été reprise dans les tests intellectuels et, d'ailleurs, les tests de corrélation et d'analyse factorielle montrent que la compréhension constitue une assez bonne mesure de l'intelligence.

On attribue généralement à ce subtest une forte valeur projective. Cette épreuve a pour objectif d'explorer les connaissances des normes sociales, elle met donc en scène des contenus extrêmement normatifs à forte tonalité surmoïque. Il apparaît clairement ici que la façon dont l'enfant comprend les questions posées et les associations qu'il est amené à faire sont directement liées à sa personnalité. Dans le cadre de la psychopathie par exemple, le contenu des réponses est souvent immature, frustre et parfois asocial. Chez l'enfant psychotique la chute fréquente à ce subtest peut s'accompagner de réponses bizarres, de raisonnements décalés, ou de stéréotypies. D'une manière générale, il faut se garder de considérer que les résultats à ce subtest reflètent l'adaptation sociale ; comprendre la situation présentée à chaque item ne signifie pas y adhérer.

Notes
234.

Jumel B., Gardey A., Boucherat-Hue V. (2003), Pratiques cliniques de l'évaluation intellectuelle, Paris, Dunod, p. 15.

235.

Grégoire J., (1995), Evaluer l'intelligence de l'enfant, Liège, Mardaga, p. 146.

236.

Wechsler D. (1956), La mesure de l'intelligence, Paris, PUF, p. 122.

237.

Binet A., Simon T. (1905), "Méthodes nouvelles pour le diagnostic du niveau intellectuel des anormaux", L'Année psychologique, tome XI, p. 191- 244.