La peau images ou l'importance de la mise en représentations et le temps du récit.

Le principe directeur de ce deuxième niveau consiste à accompagner les enfants vers le développement de leurs capacités à lier les sensations, les émotions, avec les représentations pour qu'émerge progressivement le temps du récit.

Ce principe organise en grande partie le travail effectué dans la classe avec l'enseignant, à partir de démarches qui sont la plupart du temps co-construites avec un intervenant de Graffiti. Comme pour le niveau précédent, les divers champs d'expériences proposés aux enfants donnent lieu à des mises en représentations qui alimentent à leur tour les récits sur lesquels s'étaye l'apprentissage scolaire. Ainsi, par le biais d'associations fixées par l'apprentissage, s'établit progressivement un lien entre les expressions d'affects et les représentations, pour aller vers la construction de récits. Ces champs d'expériences concernent des domaines extrêmement variés qui vont, par exemple, de la classe de neige où d'une activité sportive, jusqu'à la participation active à des manifestations artistiques organisées dans un cadre communal, voire des démarche plus étranges qui consistent à jouer avec une source de lumière pour expérimenter, à la nuit tombante, des effets esthétiques sur les murs extérieurs de l'école. Evidemment, ces expériences multiples donneront lieu à des écrits qui feront l'objet de publications trimestrielles retraçant ces histoires de vie à l'école.

Conjointement au travail effectué sur le terrain scolaire, les prises en charges proposées à Graffiti visent également à soutenir les enfants dans cette démarche d'appropriation de la pensée par la transformation des représentations de choses (images) en représentations de mots. Il s'agit la plupart du temps de supports groupaux originaux parmi lesquels nous pouvons citer, simplement à titre d'illustration, le groupe "La tête dans les étoiles" et le groupe "Origine".

La tête dans les étoiles consiste à permettre à l'enfant de découvrir que les mots n'ont pas un sens univoque, au terme d'une équation symbolique, mais qu'ils peuvent recouvrir une multitude de sens possibles. Ce travail, qui permet d'élaborer une distance entre le sens propre et les sens figuré, s'appuie sur les expressions de la vie courante du type : "se prendre les pieds dans le tapis" ou "manger comme un ogre". Il s'agit de mettre ces expressions en forme figurative par le dessin, au sens propre comme au sens figuré. Ce travail permet d'accompagner l'enfant le long d'un mouvement qui traduit un changement de registre par lequel la dimension métaphorique se dégage du sens propre, pour mettre au premier plan une métareprésentation, une représentation d'affects, une communication d'émotions par un acte créatif. L'accès aux métareprésentations résulte ici de la souplesse des représentations de transformations. Ces dernières sont particulièrement mises en défaut par les processus psychopathologiques décrits dans les dysharmonies évolutives, et plus particulièrement chez les enfants psychotiques. Ces processus s'inscrivent dès l'origine dans des dysfonctionnements précoces au cours desquels la capacité de rêverie maternelle ne remplit pas sa fonction de métaphorisation des signes corporels que le bébé donne à déchiffrer.

Le groupe "Origine" propose une réflexion très large à propos de l'histoire de l'homme, des mythes de son origine jusqu'à la théorie de l'évolution. D'une part, parce que si l'on veut donner du sens à la connaissance, nous sommes tenus de la réintégrer dans le domaine plus vaste de la démarche de l'homme vers la connaissance, sous la forme d'un mythe de la connaissance (c'est donc l'histoire de l'homme avec un grand H qui intéresse ce groupe). D'autre part, parce que le détour par la préhistoire peut se révéler un espace projectif tout à fait précieux et un riche foyer de questionnement qui inclut inévitablement pour chaque enfant les enjeux de la construction d'un mythe personnel de l'origine. Ce cadre groupal met en jeu d'une manière complexe mais fondamentale les représentations de transformations. Par exemple, dans le cadre de ce groupe nous avons réalisé des peintures grand-format représentant des moments clés de l'évolution de la vie et de l'apparition de l'humanité. Après quelques mois de travail, nous nous sommes rendus compte que, si chacun des moments était à peu près bien représenté par les enfants, c'étaient surtout les passages d'un moment à l'autre, les transformations entre deux états que les enfants ne parvenaient pas à se représenter. Il apparaissait alors nécessaire de reprendre ce travail pour réaliser des peintures représentant des ponts permettant de figurer ces transformations.

Ainsi, toute représentation de transformation inclut l'émergence d'une temporalité, un temps chronologique qui renvoie toujours au temps historique individuel, c'est à dire le temps de l'histoire personnel du sujet.