La peau langage: le temps de la pensée conceptuelle.

Il s'agit du troisième niveau, celui de l'intégration au collège, où l'accent est mis sur le développement de la pensée conceptuelle. A titre d'illustration, nous décrirons deux formes très différentes d'activités possibles à ce niveau avec les enfants : il s'agit de "l'accueil séquentiel" et d'un dispositif singulier que nous nommons "les maths à modeler".

L'accueil séquentiel s'organise sur un rythme hebdomadaire. Lors d'une première séance, il s'agit de sortir du collège pour aller à la rencontre d'objets extérieurs (expositions, musées, etc.) la plupart du temps de nature artistique ou historique. La démarche est centrée sur l'expérience subjective vécue par l'enfant, liée à la rencontre avec ces objets. Il s'agit toujours de revenir de ces visites avec une série de questionnements, ou d'énigmes, qui feront l'objet d'autant de petits groupes de recherche qui s'engageront dans un travail d'élaboration sur trois ou quatre séances. Les productions de chaque groupe seront ensuite présentées à l'ensemble des enfants à partir de la constitution de posters, au cours de ce que nous appelons la phase d'institutionnalisation. Le but de l'accompagnement thérapeutique sera de favoriser les conditions d'une appropriation subjective de ces objets, l'accès à de nouvelles connaissances n'est pas ici l'objectif prioritaire. Par exemple, une visite à la biennale d'art contemporain, organisée sur le thème de "l'expérience de la durée" permet un travail d'élaboration, se déroulant sur plusieurs séances, à partir de thèmes aussi variés que : "la perception relative du temps" ; "la vie, la mort" ; "sensations, émotions, sentiments" ; "objectif, subjectif" ; etc. L'appropriation subjective est ici définie comme le passage de l'objet à symboliser vers l'objet pour symboliser.

L'activité Les maths à modeler correspond à un travail qui s’inscrit dans le cadre d’un partenariat entre Graffiti et une unité du Centre National de la Recherche Scientifique composée de mathématiciens. La perspective de cette collaboration est de développer un projet de recherche portant sur l’enseignement des mathématiques auprès d’un public spécifique composé d’enfants présentant des troubles psychopathologiques sévères et relevant de la psychiatrie publique. Pour cela, nous nous sommes appuyés sur les travaux de Bruner J. S. (1996) qui mettent en avant les situations en petits groupes accompagnés par un adulte en position d'étayage. Plus que l'intérêt porté sur les contenus, il s'agit "d'apprendre à apprendre 356 ". Les enfants sont répartis en petits groupes de trois ou quatre sujets impliqués dans des situations-recherches, à partir d'un matériel ludique inventé pour la circonstance et s'apparentant à des jeux stratégiques. Ces situations ont pour objectif de placer l'enfant en position de chercheur en lui proposant des problèmes mathématiques, en partie non résolus, permettant d'appréhender la démarche scientifique à travers une heuristique de recherche de type : essai-erreur, conjecture-preuve, …, plus généralement le raisonnement. Chacun des groupes est accompagné d’un adulte en situation d’étayage. Toutes les séances font l’objet d’un enregistrement vidéo dont le contenu est secondairement soumis à une grille d’analyse.

Notes
356.

Nous renvoyons ici le lecteur aux pages 56 et 57 de la première partie de la thèse, où nous avions fait implicitement référence à cette situation en exposant rapidement les conceptions de Bruner J. S. sur les enjeux actuels des démarches en didactique. Nous profitons également de cette note de bas de page pour témoigner, à partir de l'expérience développée avec les Maths à Modeler, de l'intérêt des conceptions évolutionnistes du développement de l'enfant (p. 58). Il est effectivement impressionnant d'observer la manière dont les enfants sont capables, dans ce contexte précis, de mettre en scène des processus cognitifs qui relèvent classiquement de la pensée opératoire formelle définie par Piaget J.