I. Les effets d’oralite

A. Les effets d’oralité génériques

1. La résurgence de la culture orale au XIX e siècle

La publication des Contes des frères Grimm a fait époque au début du XIXe siècle. Pourtant, il est patent que Jakob et Wilhelm Grimm n’ont pas inventé ce genre littéraire. En effet, Giambattista Basile écrivait des contes plusieurs siècles auparavant. Toutefois, les contes de cet écrivain italien s’opposent à ceux des frères Grimm, comme le souligne Nicole Belmont lorsqu’elle écrit :

‘Suivant mon hypothèse, l’écriture des contes de fées tente de pallier l’impossibilité de restituer le contenu latent de la tradition orale par le moyen d’une surabondance langagière. L’exubérance du langage et de la narration est manifeste dans les intrigues complexes, le nombre important de personnages et d’objets, les descriptions intarissables, les accumulations de richesses, les machineries féeriques, les effusions sentimentales. En un mot, les procédés de l’hyperbole et du baroque. Il s’agit de saturer le récit qui, transcrit de l’oralité, apparaît si pauvre et si simple. Tous les procédés pourraient être répertoriés, depuis le style échevelé de Basile, jusqu’à la réécriture, plus modeste apparemment, des frères Grimm, soucieux de ne pas publier des textes lacunaires à leurs yeux, enrichissant les versions les unes par les autres et introduisant des descriptions, des commentaires et un style faussement rustique164.’

De même que la luxuriance baroque du style de Basile cède la place à la simplicité du style des frères Grimm, de même l’artificialité est remplacée par une prétendue vérité de l’oral.

En fait, Jakob et Wilhelm Grimm accordaient une place importante à la collecte des contes populaires et des légendes germaniques. Les frères Grimm étaient des écrivains, certes, mais ils étaient également des folkloristes. Or, Nicole Belmont note décisivement que « ce n’est que dans le dernier quart du XIXe siècle qu’en France, ces rencontres affectives aboutissent en collectes systématiques et en publications. » (Belmont, 2002 : 136)

Notes
164.

Nicole Belmont, « La transcription orale du conte, la transcription et les contes littéraires », Cahiers de Littérature orale n° 52, (Paris, Langues O’, 2002), p. 141, l’italique est de l’auteur. Les références à cet article seront désormais indiquées sous la forme suivante : (Belmont, 2002 : 141).