B. La relation triangulaire

Lorsque, dans « Karain: A Memory », Karain et Pata Matara trouve l’objet de leur quête, à savoir la sœur de Pata Matara, une relation triangulaire se met en place. Si l’on tient compte du Hollandais, on pourrait même dire qu’il y a quatre éléments. Cependant, ce qui est important, c’est n’est pas le nombre d’éléments, mais plutôt le fait que Karain concentre son agressivité sur Pata Matara, en tant que ce dernier incarne un rival qui empêche Karain d’accéder à l’objet de son désir, à savoir la sœur de Pata Matara. Il est évident que cette relation triangulaire n’est pas sans rappeler le triangle œdipien du début de « La légende de saint Julien l’Hospitalier ».

Il est intéressant de noter que Julien et Karain ont un point commun : les relations triangulaires dans lesquelles ils sont impliqués sont éphémères. À partir de cette remarque, on peut faire l’observation suivante : les délires de Julien et de Karain surgissent « lorsque se trouve court-circuitée la relation triangulaire, lorsque celle-ci est réduite à sa signification duelle » (Lacan, 1981 : 165).

En effet, les délires sanguinaires de Julien commencent quand Julien ne rentre que rarement au château de ses parents585, à partir du moment où l’odeur de Julien souligne qu’il se défait de son humanité (et, partant, de la relation triangulaire) puisqu’il sent « l’odeur des bêtes farouches » (93). Et le narrateur d’ajouter : « Il devint comme elles » (93).

Quant à Karain, il est à noter que, dans son délire, c’est le spectre de Pata Matara qui le hante. Autrement dit, on est bien passé d’une relation triangulaire (Karain, Pata Matara, la sœur de Pata Matara) à une relation duelle (Karain, Pata Matara).

Pour Julien comme pour Karain, les relations triangulaires cessent donc rapidement et ne semblent pas avoir une valeur structurante. Or, il faut savoir que, « faute d’une dialectique triangulaire, la distinction entre l’Autre absolu et le petit autre, autre imaginaire, est abolie »586. C’est donc parce que les délires de Julien et Karain suivent la rupture d’une relation triangulaire qu’ils ne sont pas sans rappeler le délire psychotique.

Notes
585.

« Il [Julien] allait à l’ardeur du soleil, sous la pluie, par la tempête, buvait l’eau des sources dans sa main, mangeait en trottant des pommes sauvages, s’il était fatigué se reposait sous un chêne », (92).

586.

Jean Delahousse, « psychose (déclenchement des) », Dictionnaire de la Psychanalyse, (Paris, Larousse 1998), p. 351.