2.1. La production langagière : informations préliminaires

Divers niveaux  caractérisent la production langagière : cognitif, lexico-grammatical, lexico-phonologique et articulatoire ou grapho-moteur (Coirier, Gaonac'h et Passerault, 1996).

Le niveau cognitif est commun aux deux types de production langagière, orale et écrite. Il permet l’activation, la sélection puis l’organisation dans la mémoire à long terme (MLT) des contenus à communiquer. La MLT est souvent mise en opposition à la mémoire de travail(MDT).31 Le rôle principal de la MLT dans la production textuelle est de stocker l’ensemble des connaissances des locuteurs, des informations référentielles, pragmatiques aux linguistiques (Alamargot, Chanquoy et Chuy, 2005 ; Alamargot, Lambert et Chanquoy, 2005).

Hayes (1998) rappelle l’importance de la MLT dans l’activité langagière. Concernant la production de l’écrit, il suggère que : « Rédiger ne serait pas possible si les rédacteurs ne possédaient pas des mémoires à long terme dans lesquelles stocker leurs connaissances sur la grammaire, le vocabulaire, le genre, le thème, le destinataire, etc. » (Hayes, 1998:96). Cette remarque est tout aussi valide pour la production langagière orale. La MLT est en lien étroit avec la composante de la planification et le processus de récupération et influence le type et la qualité du produit final de l’activité langagière (Alamargot, Chanquoy et Chuy, 2005). Divers types de connaissances caractérisent la MLT. Tijus (2001) parle, par exemple, de connaissances déclaratives et de connaissances procédurales. Les connaissances déclaratives « recouvrent un vaste ensemble de savoirs qui portent aussi bien sur l’orthographe que sur les types de textes » (Fayol et Heurley, 1995:28). Concernant la mise en texte, trois types de connaissances déclaratives peuvent être mobilisées : les connaissances du domaine, les connaissances rhétoriques, et celles regroupant les aspects pragmatico-linguistiques. Les connaissances procédurales recouvrent les processus (ou savoir-faire) (Alamargot, Lambert et Chanquoy, 2005 se basant notamment sur Anderson 1983 et 1993), dont celui de la planification, qui sont certes stockés en MLT, mais activés en MDT. La MDT se définit comme le composant du système cognitif qui, entre autres, stocke temporairement les informations (Kellogg, 1998).

Le niveau lexico-grammatical grammaticalise la sélection des informations et gère leur organisation. Des choix syntaxico-lexicaux définissant la planification linguistique sont effectués. Cette planification linguistique est cognitivement coûteuse tout comme la planification conceptuelle (Bloom, Miller et Hood, 1975 ; Foulin et Fayol, 1988 ; Kellogg, 1987). Ce niveau est davantage détaillé pour chacune des deux modalités du langage dans la Section 2.3 (p. 59) de notre travail de thèse.

Les niveaux lexico-phonologique et articulatoire/grapho-moteur sont les dernières étapes. Ils permettent la construction des séquences sonores et des choix des morphèmes adéquats, à savoir la matérialisation du message. Ce serait au niveau lexico-phonologique que nous trouverions « les marques linguistiques (lui) permettant de signaler la nature des relations entre les différentes informations (anaphores, connecteurs, ponctuation,...) » (Coirier et al., 1996:147).Puis les structuressous-jacentes établies précédemment sont transformées en séquences articulatoires ou graphiques.

Les productions orales et écrites possèdent toutes deux ces composants essentiels. Nous pouvons schématiser les quatre grands niveaux de la production langagière en nous inspirant de Fayol (2002a, 2002b, 2002c) et Ferrand (2002) dans la Figure 4 qui suit.

Figure 4 : Schématisation des étapes de la production langagière

Si, lors de l’émission d’un message écrit ou oral, ces phases de la production textuelle sont engagées, les différences de ces deux modalités engendrent une gestion différente de ces niveaux. En effet, elles se différencient sur un certain nombre de points.32

Aussi, allons-nous désormais étudier les caractéristiques des deux modalités du langage qui ont un impact sur le traitement linguistique. Faut-il alors considérer les deux modalités du langage comme dépendantes d’un seul système ou de deux systèmes distincts ? Dans ce cas, la séparation en deux modalités est-elle stricte ?

Notes
31.

Nous définissons ces deux concepts en nous basant notamment sur les travaux de Baddeley (entre autres, 1986, 1990/1992, 1992, 2000 et 2001 qui s’inspire du modèle modal d’Atkinson et Shiffrin (1968, 1971) ; Baddeley et Hitch, 1974 ; Gathercole et Baddeley, 1993). Cette conception est l’une des plus heuristiques à retenir (Olive et Piolat, 2005 ; Olive, 2004).

32.

Ces points sont développés dans la Section qui suit.