3.2. Questions de recherche

3.2.1. Questions de recherche liées aux variables indépendantes

3.2.1.1. Le facteur niveau scolaire

Pour avoir une vision étendue de l’acquisition tardive du langage de locuteurs francophones natifs monolingues concernant un domaine sémantico-syntaxique du français, nous avons choisi d’observer trois populations différentes : des enfants de CM2 (âge moyen = 10;9), de 5ème (âge moyen = 12;7) et de 3ème (âge moyen = 15;2). La première VI dans ce travail est donc le niveau scolaire.

Nous nous intéressons au développement tardif, à savoir à la capacité de récupérer et d’utiliser des connaissances linguistiques chez des individus de plus de cinq ans. L’adolescence apparaît comme une période intéressante pour comprendre l’acquisition tardive du langage (Berman, 1997, 2006 ; Ravid, 2005). Pendant cette période, de grands changements s’opèrent. Ceci se voit à travers (a) le lexique utilisé ; (b) la manipulation du registre, de la morphologie dite complexe, etc. ; (c) la syntaxe, avec une diversification et une complexification des structures syntaxiques ; (d) la gestion syntaxique à deux niveaux, à l’intérieur d’une clause et entre plusieurs clauses.47

Ces changements sont liés aux facultés des locuteurs/scripteurs qui se développent avec le niveau scolaire et avec l’âge. Berninger et Swanson (1994) suggèrent trois phases de développement de l’activité rédactionnelle des enfants : (a) une première phase se caractérisant par une importance donnée aux processus liés au code orthographique ; (b) une seconde phase durant laquelle les individus commencent à faire appel les processus de planification ; (c) une troisième phase durant laquelle les enfants mobilisent de mieux en mieux les processus de planification en révisant davantage, par exemple.

Qu’en est-il pour la population de notre étude ? Nos individus devraient avoir dépassé le premier stade de développement de la rédaction des textes étant donné que le groupe le plus jeune de notre population est constitué d’écoliers scolarisés en CM2 (âge moyen = 10;9). Cette population en est alors théoriquement à la seconde phase de développement de la rédaction des textes. Il paraît probable que notre groupe de 5ème (âge moyen = 12;7) et de 3ème (âge moyen = 15;2) en soit à la troisième phase de développement de la rédaction de texte.

Nous voulons également voir si les enfants deviennent de plus en plus matures linguistiquement, ce qui présuppose la disponibilité d’un répertoire linguistique important intégrant un large éventail de registres et la capacité d’adapter les choix linguistiques aux contextes et buts communicationnels (Berman, 2006 ; Berman et Ravid, 2009 ; Ravid et Tolchinsky, 2002).

Pour cela, les individus apprendraient à mobiliser la planification par connaissances transformées. En effet, les plus jeunes de nos individus feraient appel à la planification par connaissances rapportées plutôt que par connaissances transformées (Bereiter et Scardamalia, 1987). Puis, avec l’expérience scolaire, les enfants développent la capacité d’opérer une planification par connaissances transformées (Chanquoy et Alamargot, 2002 ; Fayol, 1997 ; Olive et Piolat, 2005 ; Piolat et al., 1993 ; Piolat et Roussey, 1992). Les individus passent progressivement d’une stratégie à l’autre au cours de leur développement. Les locuteurs novices ont également un éventail de formes lexicales et syntaxiques plus limité que les plus locuteurs/scripteurs plus âgés et sont également peu conscients de la diversité des formes dont ils disposent (Fayol, 1990).

Ces différences laissent supposer que les comportements linguistiques de nos sujets seront différents d’un groupe à l’autre.

Notes
47.

Cf. les travaux, entre autres, de : Aisenman et Berman (2000), Anglin (1993), Argerich et Tolchinsky (2000), Berman (1995, 1999a, 1999b, 2001, 2008), Berman et Katzenberger (2004), Berman et Slobin (1994), Berman et Verhoeven (2002), Jisa (1998, 2000a, 2000b, 2004), Johansson (1999), Gayraud (2000), Gayraud et al. (1999), Nippold (2002, 2004), Ravid (2000, 2002, 2005), Ravid et Shyldkrot (2005), Ravid, Shyldkrot et Berman (2005), Ravid et Tolchinsky (2002).