3.2.2.3. Le flux de l’information : statut informationnel des syntagmes nominaux

C’est ainsi que le Chapitre 10 se focalise sur le statut informationnel des SN. Nous nous attendons à ce que les proportions des SN introduisant une nouvelle information et maintenant une information varient selon les variables : niveau scolaire, type de texte, modalité et ordre.

Le niveau scolaire aurait un effet significatif. L’introduction de nouveaux référents est considérée comme exigeant plus de ressources cognitives que l’ancienne information (Chafe, 1994 ; Khorounjaia et al., 2004), d’autant plus qu’introduire une nouvelle information implique l’utilisation de lexique. C’est dans cette mesure que la proportion des SN introduisant une nouvelle information devrait augmenter avec l’avancée dans le cursus scolaire.

Néanmoins, si l’introduction d’informations dans un texte constitue une des règles assurant la cohésion et la cohérence des textes (Charolles, 1978 ; Reinhart, 1980 ; Schneuwly, 1988), une autre règle est le maintien, dans le texte, des référents déjà introduits (Charolles, 1978 ; Reinhart, 1980 ; Schneuwly, 1988). En effet, un texte cohérent est le passage d’une nouvelle information à une autre, chacune d’entre elles est, de plus, développée. Ainsi, nous pouvons nous demander si le maintien référentiel, qui semble être une acquisition tardive (Hickmann, 2000, 2003 ; Hickmann et Hendricks, 1999 ; Kail et Hickmann, 1992), n’augmenterait pas avec le niveau scolaire. Nous pouvons alors également supposer que la proportion des SN maintenant une ancienne information est plus importante chez les locuteurs plus experts. Nous attendons les résultats pour statuer sur cette question.

Nous prévoyons également que la proportion des SN introduisant et maintenant une information varie selon le contexte de production (type de texte et modalité). Nous supposons que la proportion des SN introduisant une nouvelle information a une proportion plus importante dans les textes expositifs que dans les textes narratifs. En revanche, la proportion des SN maintenant une information est sans doute plus élevée dans les textes narratifs. En effet, rappelons que le type de texte expositif impose une pression informative plus importante que le texte narratif dont une des caractéristiques est le maintien de référents une fois qu’ils sont introduits.

De plus, la variable modalité ferait également varier la proportion des SN introduisant une nouvelle information et celle des SN maintenant une information. La proportion des SN introduisant une nouvelle information est sans doute plus importante dans les textes écrits que dans les textes oraux. En revanche, la proportion des SN maintenant une information est sans doute plus élevée dans les productions orales que dans les productions écrites. En effet, l’introduction de nouveaux éléments implique la mobilisation de formes lexicales, cognitivement plus lourdes que les formes pronominales. De plus, introduire un nouveau référent est bien plus coûteux que d’en maintenir un déjà connu (Chafe, 1994). Les individus doivent activer le nouveau référent et l’introduire sous forme lexicale pour assurer la bonne compréhension du destinataire. Nous avons déjà vu que la modalité écrite facilite sans doute, de par son rythme de production lent, la production de telles formes.

Dans le même esprit, nous supposons également que les individus ayant produit dans l’ordre de passation écrit/oral introduisent davantage de nouvelles informations que les individus ayant produit dans l’ordre inverse. Des formes mobilisées à l’écrit restent activées lors de leur production orale et les locuteurs les utilisent de nouveau.

Enfin, nous faisons l’hypothèse que l’observation de la proportion des SN introduisant et maintenant une information, selon les positions syntaxiques, peut compléter les résultats que nous trouvons lors des analyses ne prenant pas en considération la position syntaxique. En effet, nous avons déjà mentionné le fait que l’attribution des rôles syntaxiques dépendrait de l’accessibilité d’un référent (Bock et Warren, 1985 ; Bock et Levelt, 1994 ; Keenan et Comrie, 1977 ; Leuwers, 2002 ; Levelt, 1999). Nous pouvons nous attendre à une distribution particulière de l’ancienne et de la nouvelle information : l’ancienne information se retrouverait davantage en position sujet alors que la nouvelle information en position non sujet.

Une étude mettant en relation statut informationnel et formes linguistiques pourrait compléter ces résultats. Nous savons que la nouvelle information est forcément lexicale. Néanmoins, nous pourrions trouver dans les productions des enfants des réintroductions sous forme pronominale, des introductions de nouveaux référents sous formes pronominales sans référence à un SNL préalablement introduit ou encore des ambigüités référentielles. C’est pourquoi nous analysons les utilisations non conventionnelles de pronoms par les enfants.