3.2.2.5. La forme utilisée pour maintenir l’ancienne information

Le Chapitre 12 se concentre sur la proportion des pronoms et des SNL maintenant une ancienne information. La forme linguistique choisie pour encoder un référent dépend de son statut informationnel dans le discours (Ariel, 1990, 1996 ; Khorounjaia et Tolchinsky, 2004 ; Levelt, 1989 ; Sanford et Garrod, 1981a, 1981b). Un nouveau référent, qui est de faible accessibilité, serait encodé sous la forme de SNL, alors qu’un élément actif, donc ancien, serait encodé sous forme pronominale. Les participants de notre étude devraient suivre cette tendance. La proportion de l’ancienne information sous forme pronominale serait donc plus importante que celle de l’ancienne information sous forme lexicale.

Nous supposons un effet du niveau scolaire sur la proportion des SN maintenant une information sous forme pronominale et sous forme lexicale. Avec l’expérience, les individus de notre étude maintiennent certainement de plus en plus une information sous forme lexicale, ce qui va à l’encontre des principes de la transmission de l’information de la langue orale. Les locuteurs/scripteurs apprennent à utiliser le SNL, comme outil rhétorique, pour maintenir une information.

Nous attendons également un effet du type de texte. Les participants de notre étude privilégieraient le maintien sous forme lexicale pour les textes expositifs et écrits. En effet, nous pouvons penser que la substitution lexicale se réalise davantage en production expositive qu’en production narrative, ce qui serait dû au registre académique de ce texte ainsi qu’à sa pression informationnelle.

Concernant la modalité de production, l’écrit, par son rythme de production lent, facilite l’accès lexical et donc la mobilisation et la production de SNL. De plus, cette modalité de production est sans doute celle permettant le plus aux individus d’aller à l’encontre des principes naturels de la transmission de l’information, à savoir maintenir une forme de préférence par un pronom.

Nous suggérons que les individus ayant produit dans l’ordre écrit/oral maintiennent plus l’information sous forme lexicale que les individus ayant produit dans l’ordre inverse ; et ce pour les mêmes raisons évoquées précédemment : les formes lexicales mobilisées à l’écrit restent activées lors de la production orale et les locuteurs les utilisent de nouveau.

Si notre hypothèse – selon laquelle la proportion du maintien sous forme lexicale augmente avec les années de scolarisation – se confirme, alors le maintien sous forme lexicale apparaît comme un signe de maturité. Les enfants de notre étude doivent suivre une trajectoire, qui aboutira au comportement linguistique caractéristique de celui des scripteurs experts (De Weck, 1991 selon Moirand, 1975), à savoir maintenir une information sous une forme lexicale différente de la première apparition. De ce fait, il peut être intéressant de voir le degré de lexicalité des SNL maintenant une information. Nous observons alors : (a) la proportion des SNL maintenant une information en n’impliquant pas de changement linguistique par rapport à la mention précédente ( Mon chat s’est enfui, mon chat me manque) ; et (b) la proportion des SNL maintenant une information impliquant des changements linguistiques par rapport à la mention précédente ( Mon chat s’est enfui, ce petit félin me manque).

Nous supposons un effet du niveau scolaire. Les enfants avec l’expérience vont sans doute de plus en plus modifier la forme des SNL qu’ils maintiennent.

De plus, nous nous attendons à ce que les individus maintiennent plus fréquemment une information en variant la forme linguistique à l’écrit et en texte expositif, qu’à l’oral et qu’en texte narratif. Nous pouvons également penser que les individus appartenant à l’ordre de passation écrit/oral maintiennent plus une information sous forme lexicale en variant la forme.