3.2.2.6. Le concept de la PAS de Du Bois (1987, 2003)

Nous souhaitons examiner si les choix linguistiques des enfants de notre étude obéissent aux mêmes contraintes que celles gouvernant les choix des adultes dans les différentes langues décrites par Du Bois (1987, 2003) et ses collègues. Les textes des locuteurs/scripteurs sont analysés dans le but de déterminer dans quelle mesure le niveau scolaire, le type de texte et la modalité peuvent faire varierlaPAS. Nous voulons vérifier si la position syntaxique de la nouvelle information est gouvernée par des contraintes discursives (Du Bois, 1987 ; Khorounjaia et Tolchinsky, 2004).

Rappelons que la PAS sous-entend quatre contraintes : (A) une clause est constituée au maximum d’un élément lexical ; (B) cet élément lexical n’apparaît pas en position sujet d’un verbe transitif ; (C) une clause est constituée d’au maximum un seul nouvel élément ; et (D) l’ancienne information se trouve en position sujet de verbe transitif.

La transmission de l’information se fait différemment selon la modalité de production. La production orale soumet les individus à de telles contraintes (principalement, rythme de production rapide et contraintes conversationnelles), que leurs choix linguistiques en sont influencés. Ces choix reflètent les contraintes de la PAS. Les travaux en acquisition prenant comme objet d’étude la PAS révèlent que les individus observés (des jeunes enfants aux adultes) ont comme pattern préférentiel la PAS. Elle est naturellement utilisée à l’oral. Nos analyses apportent sans doute des informations complémentaires sur la PAS, dans la mesure où elles prennent en considération la deuxième modalité du langage, la modalité écrite ainsi que deux types de discours (narratif/expositif). Les études présentées, excepté celle de Khorounjaia et Tolchinsky (2004), ne traitent pas d’une telle situation.

Les choix linguistiques découlent de la transmission de l’information à l’oral, qui diffère selon les modalités du langage. Les modalités écrite et orale ont des caractéristiques spécifiques et donc la transmission de l’information ne se réalise pas dans les mêmes circonstances. Les locuteurs/scripteurs vont-ils avoir recours aussi naturellement à la PAS à l’écrit ? En partant du postulat que la syntaxe émerge du discours, la modalité orale pourrait être le contexte qui laisse à la PAS le plus de liberté pour se réaliser. L’écrit forcerait l’enfant francophone à aller à l’encontre de la transmission naturelle de l’information.

D’une façon générale, avec l’expérience, les enfants apprendraient à aller à l’encontre des contraintes de la PAS, caractéristique de la modalité orale. Le fait de ne plus se soumettre aux contraintes de la PAS serait en lien direct avec les exigences de l’écrit scolaire.

Selon le type de texte, les choix de l’enfant reflèteraient davantage le pattern de la PAS. En texte expositif, les locuteurs/scripteurs vont certainement à l’encontre de ces contraintes discursives naturelles de la langue parlée. En revanche, en texte narratif, ce pattern pourrait davantage ressortir.

Ainsi, nous pouvons nous attendre à ce que :

  • le nombre moyen d’éléments lexicaux par clause (contrainte A) augmente avec le niveau scolaire, et il serait plus important dans les textes expositifs et écrits que dans les textes narratifs et oraux, et dans les textes des individus ayant produit dans l’ordre écrit/oral.
  • la proportion des sujets lexicaux (contrainte B) augmente avec le niveau scolaire, et elle serait plus importante dans les textes expositifs et écrits que dans les textes narratifs et oraux, et dans les textes des individus ayant produit dans l’ordre écrit/oral.
  • le nombre moyen de nouvelle information par clause (contrainte C) augmente avec le niveau scolaire, et il serait plus important dans les textes expositifs et écrits que dans les textes narratifs et oraux, et dans les textes des individus ayant produit dans l’ordre écrit/oral.
  • la proportion de l’ancienne information en position sujet (contrainte D) diminue avec le niveau scolaire, et elle serait plus importante dans les textes narratifs et oraux que dans les textes expositifs et écrits, et dans les textes des individus ayant produit dans l’ordre oral/écrit.