6.1. Segmentation en clause et Unité Terminale

Dans les deux modalités de production, orale et écrite, cette étude off line du langage implique une difficulté de méthodologie qui est la suivante : quelle unité choisir pour segmenter la production langagière ? Une unité est immédiatement bannie, celle de la phrase dans la mesure où « elle n’est que l’approximation graphique, intuitive et informelle d’une unité de langue », et donc « un instrument à peu près inefficace lorsqu’il s’agit de segmenter un discours oral » mais également lorsqu’il s’agit d’un discours écrit (Berrendonner, 1991:25 ; Berrendonner et Reichler-Béguelin, 1989).

Nous suivons la position de Coirier et al. (1996) qui suggèrent de choisir comme unité de base pour la description et le traitement du contenu des textes la proposition (ou la clause) qui « apparaît comme l’unité la plus pertinente » (Coirier et al., 1996:220). Nous considérons, comme Coirier et al. (1996), Kintsch (1974), Le Ny (1979) ou Gineste et Le Ny (2002) entre autres, que la proposition est « une configuration sémantique de base sous laquelle fonctionne le langage » (Gineste et Le Ny, 2002:118). Elle permet aux individus de raisonner, de s’exprimer et de comprendre les messages de leurs congénères. La proposition ou la clause est une unité de signification constituée de prédicats et d’arguments. Les prédicats assignent des propriétés aux arguments et ces derniers sont des entités référentielles qui peuvent constituer des objets, des êtres, des idées, etc. Nous pouvons donner les exemples de Coirier et al. (1996:14) réunis en (60) et (61) afin d’expliciter les notions de propositions, prédicats et arguments.

(60) Aboyer (chien) [le chien aboie]

La proposition contient un argument et un prédicat qui définit une propriété à l’argument (chien) auquel il est joint.

(61) Ronger (chien, os) [le chien ronge un os]

La proposition contient un prédicat « ronger » qui définit et met en relation deux arguments (chien) et (os).

Les textes des individus ont également été découpés en unité terminale (UT). Aparici, Tolchinsky et Rosado (2000) suivent la définition de Hunt (1970) pour définir l’UT, qui apparaît comme un bon critère d’évaluation pour l’évaluation du développement syntaxique dans la production textuelle. Ainsi, l’UT est définie comme une unité composée d’une clause principale et de toutes ses clauses dépendantes telles que ses subordonnées, etc. (Hunt, 1970). Il s’agit d’une «minimal terminable unit» (Hunt, 1970:4) entre la clause et la phrase. En nous basant sur les considérations de Hunt (1970) et d’Aparici et al. (2000), nous avons considéré comme UT les unités intégrant des clauses qui entretiennent des relations de dépendance à savoir : (a) les principales et leurs subordonnées ; (b) les clauses liées aux suivantes par une relation de coordination avec élision du sujet ou du sujet et du verbe. L’UT apparaît comme un bon indicateur pour évaluer la complexité syntaxique des textes d’adolescents (Berman, 1998 ; Ravid, 2005 ; Viguié-Simon, 2001). L’exemple (62) propose un extrait d’un texte transcrit puis codé en UT.

(62) Texte codé (CM2 n°02, expositif écrit, E/O)

Ainsi cet exemple de production codée comporte huit clauses et trois UT : l’UT 1 contient une clause il y a beaucoup de problèmes ; l’UT 2 contient deux clauses 1. mais aussi il y en a et 2. qui exagèrent ; l’UT 3 contient cinq clauses 1. on devrait essayer 2. de ne plus s’en faire pour rien 3. essayer de se calmer 4. et d’accepter les gens et 5. de ne plus être raciste.