8.3. Conclusion du Chapitre 8

Les analyses prenant en considération les positions syntaxiques complètent les résultats des proportions des SNL et des pronoms (Section 8.1, p. 176) toutes positions confondues. Les tests ne prenant pas en compte les positions syntaxiques, nous renseignent sur la faible proportion des SNL par rapport à celle des pronoms. Ces analyses dévoilent alors qu’il est plus fréquent de produire des pronoms que des SNL. Les tests selon les positions syntaxiques complètent cette conclusion en montrant que, en plus, il est plus évident pour les locuteurs/scripteurs de produire des SNL dans des positions non sujet. Les positions syntaxiques ne sont pas traitées de la même façon : pour une même unité, selon sa position, la proportion varie selon des facteurs différents.

Nous pouvons conclure en mettant ces résultats en lien avec les travaux de Du Bois sur les principes de transmission de l’information de la langue orale (1987, 2003). La transmission de l’information est différente selon les modalités de production.90 À l’oral, cette transmission est contrainte, entre autres, par le rythme de production rapide. Une des conséquences est la production d’un seul élément lexical par clause, une des contraintes de la PAS.

Cette contrainte se vérifie pour notre population de francophones natifs notamment pour les textes oraux et les textes narratifs. Or les individus, lorsqu’ils sont face à des contraintes contextuelles différentes, telles que le texte expositif et la modalité écrite, apprennent à aller à l’encontre de cette contrainte naturelle. Le nombre moyen d’items lexicaux par clause pour les textes expositifs et les textes écrits est significativement plus élevé. En production écrite, la transmission de l’information se réalise différemment, les choix syntaxiques en sont donc affectés. Cette contrainte de la PAS ne semble pas résister à la modalité écrite ainsi qu’au texte expositif.

La PAS de Du Bois (1987, 2003) propose une autre contrainte selon laquelle les éléments lexicaux ne sont pas en position sujet, et notamment en position sujet transitif. Cette seconde contrainte est respectée : la position sujet est la position la moins lexicale, ce qui rappelle la notion de light subject constraint de Chafe (1994) et les conclusions de divers travaux (Blanche-Benveniste, 1990 ; François, 1974 ; Jeanjean, 1980 ; Lambrecht, 1984, 1987 ; Mazur, 2005 ou encore Ravid et Shlesinger, 1995). Pour les positions non sujet la tendance s’inverse ; les positions objet et autre sont plus souvent remplies par des SNL que par des pronoms (Figure 41). Un continuum peut alors être tracé (Figure 53).

Figure 53 : Schématisation de la lexicalité des positions

Des analyses de variance différenciant trois positions sujets ont été réalisées : sujet de verbes transitifs, sujet de verbes intransitifs et sujet de verbes copules.91 En français, les positions sujet de verbes transitifs, sujet de verbes intransitifs et sujet de verbes copules sont traitées de la même façon.92 Même si la position sujet intransitif semble être tout de même un peu plus lexicale que la position sujet transitif, la position sujet intransitif se rapproche plus de la position sujet transitif que de la position objet ou autre.

De plus, si pour la position sujet la différence entre la proportion de SNL et celle de pronoms est assez importante, elle diminue pour les positions non sujet. La position sujet pose davantage problème aux individus. Ceci se traduit en produisant (a) moins de SNL, plus coûteux cognitivement, et (b) plus de pronoms, moins coûteux, en positions sujet. Les individus sont capables de produire des SNL mais de préférence en position objet et autre : la position sujet est plus délicate à gérer cognitivement. Ainsi, cumuler position sujet et SNL semblent être trop coûteux et afin d’éviter une surcharge cognitive, les formes lexicales sont préférentiellement en position non sujet.

Pour finir, le fait de produire davantage de SNL en position non sujet qu’en position sujet est également un résultat des travaux sur des populations de classe moyenne supérieure (Gayraud, 2000 ; Jisa et Mazur, 2005 ; Mazur, 2005 ; Salas et al., 2008).

Après avoir observé la proportion des SNL et des pronoms dans les textes, il peut également être intéressant de se concentrer plus précisément sur le degré de lexicalité des SNL. En effet, la production du SNL, notamment en position sujet, semble être un indice de maturité linguistique. C’est dans cette mesure que le chapitre suivant est alors dédié au degré de lexicalité du SNL.

Notes
90.

Se reporter à la Section 2.2 du Chapitre 2 (p. 54) dans laquelle ces notions sont davantage travaillées.

91.

Ces statistiques ne révélant rien de plus que celles confondant ces trois positions sujet (présentés dans ce travail), nous avons décidé de ne pas les présenter.

92.

Contrairement aux langues étudiée par Du Bois et ses collègues où il apparaît que la position sujet de verbes intransitifs se rapproche plus de la position objet que de la position sujet de verbes transitifs.