12.3.2. Discussion de la Section 12.3

Dans cette partie, nous voulions observer la proportion du maintien sous forme lexicale impliquant des changements linguistiques ainsi que celle n’impliquant pas de changementet, notamment, voir si ces VDvariaient selon les facteurs de notre étude – niveau scolaire, type de texte, modalité et ordre –.119

Nous supposions que le maintien sous forme lexicale impliquant des changements linguistiques augmente avec le niveau scolaire et que celui via la répétition diminue. Ceci est confirmé par nos analyses. En effet, le maintien d’une ancienne information sans modification via sa précédente mention diminue de façon générale avec les années de scolarisation (160). La différence de proportion entre les CM2 et les 5ème ne se révèle pas significative. Néanmoins, il apparaît que les 3ème en produisent significativement moins que les deux populations les plus jeunes. La raison pour laquelle les 3ème maintiennent moins une information en utilisant la répétition que les deux autres populations, est qu’ils la maintiennent en faisant des modifications (161). Les collégiens de 3ème utilisent davantage cet encodage pour maintenir une information connue (161) que les 5ème et les CM2 dont la différence de proportion est non significative.

(160) Et après j(e) l’ai dit à ma mère / ma mère elle est venue. (CM2 n°08, narratif oral, E/O)

L’enfant introduit le nouveau référent ma mère et le maintien dans la clause suivante sous forme lexicale sans faire de modification linguistique.

(161) On faisait un exercice individuellement quand ma copine m’a demandé si j’avais utilisé la première méthode pour répondre au problème. (3 ème n°39, narratif écrit, O/E)

La collégienne introduit une nouvelle information, un exercice, puis la maintient sous une forme lexicale impliquant des changements linguistiques, au problème.

De plus, une étude qualitative des SNL maintenant une information en impliquant des changements linguistiques révèle que les modifications des CM2 sont minimes par rapport à celles effectuées par des 3ème. En effet, les individus les plus jeunes réalisent des modifications sur les déterminants (162). En revanche, les participants les plus âgés font des modifications exigeant plus d’efforts cognitifs telles que la substitution lexicale (163). Les 3ème font preuve de flexibilité et d’ouverture de leur répertoire linguistique alors que les CM2 sont restreints à des changements morphosyntaxiques.

(162) Une fille s'était mise avec moi dans une chambre avec d'autres filles aussi cette fille s'énervait contre sans arrêt pour rien. (CM2 n°08, narratif écrit, E/O)

(163) Ça s’appelle une antisèche , ça prouve qu’on n’a pas appris nos leçons. Si le ou la professeur voit le papier dans la trousse, il va peut être mettre une heure de colle ou une sanction plus grave. (3 ème n°44, expositif écrit, E/O)

Une seconde remarque qualitative concernant le rôle de ces maintiens lexicaux peut être ajoutée. Le maintien lexical, que ce soit avec ou sans modification, peut avoir divers rôles. Si les plus jeunes maintiennent sous forme lexicale en créant de la redondance (164), les plus âgés se servent du maintien lexical pour créer des effets de style ou encore pour désambigüiser des situations (165). Les participants les plus experts ont le souci de faciliter au mieux la compréhension du destinataire.

(164) Ma mère est arrivée et il a menti à ma mère et ma mère l’a cru. (CM2 n°08, narratif écrit, E/O)

(165) Il y a quelques jours, j’ai acheté un nouveau téléphone portable sur internet. Ce n’est pas du tout pratique car il y a trop de problèmes. En fait, j’en ai rencontrés plusieurs : lors de la livraison du colis, il n’eu pas l’objet que j’avais commandé. (3 ème n°24, narratif écrit, O/E)

Le CM2 utilise la répétition pour maintenir le référent ma mère crée de la redondance.

En revanche, le maintien de l’information sous forme lexicale réalisé par un individu de 3ème n’a pas cet effet (165). Dans cet exemple, le référent un nouveau téléphone portable est maintenu par une substitution lexicale, l’objet, ce qui produit un certain effet de style et révèle une certaine maîtrise de la langue. Puis, de nouveau l’individu apporte des modifications linguistiques lors de la mention suivante, le téléphone, et ce maintien lexical a pour but de réintroduire cet élément qui aurait pu être désactivé ; il prend en considération que la distance entre les deux mentions peut impliquer un problème de compréhension si le référent est maintenu avec un pronom.

Une autre de nos attentes était que selon le contexte de production (type de texte et modalité), le type de maintien était différent : les individus maintiendraient plus fréquemment une information en variant la forme linguistique dans les textes expositifs et écrits. Les analyses révèlent que seule la modalité de production a un effet significatif. Si la proportion de l’ancienne information maintenue par le biais d’une répétition est plus importante dans les textes oraux, l’ancienne information maintenue grâce à la production d’un SNL impliquant des changements linguistiques caractérise plus les productions écrites.

Ces résultats semblent compréhensifs si nous nous en référons aux caractéristiques des modalités de production. La modalité écrite, notamment par son temps de planification important, donne la possibilité aux locuteurs/scripteurs d’utiliser un type d’encodage se réalisant moins aisément en production orale. Les locuteurs/scripteurs apprennent à aller à l’encontre de certains principes de transmission de l’information : ils produisent des SNL dans le but de maintenir l’information

Notes
119.

Les attentes, hypothèses et problématiques sont davantage explicitées au Chapitre 3 (Section 3.2.2.5, p. 105).