i.i.i. Transmission de l’information

Ce travail de thèse montre que le développement du langage perdure au-delà de cinq ans. Les enfants, avec les années de scolarisation et l’expérience avec des contextes divers, développent leurs capacités linguistiques et font preuve de plus en plus de flexibilité et d’adaptabilité rhétorique (Berman, 1998, 2006 ; Berman et Ravid, 2009 ; Ravid et Tolchinsky, 2000, 2002). Ils produisent des formes linguistiques de plus en plus variées : leur répertoire linguistique augmente et se diversifie. En effet, ils produisent plus fréquemment des SNL qui ont, par ailleurs, eux-mêmes une architecture plus complexe (soit, plus d’un nœud lexical).

Pour qu’un texte soit cohérent, rappelons que plusieurs principes et règles sont à respecter (Charolles, 1978 ; Clark et Haviland, 1974, 1977 ; Reinhart, 1980 ; Schneuwly, 1988). Un texte doit comporter de la nouvelle information et de l’ancienne (given-new contract, Clark et Haviland, 1974, 1977). Produire un texte cohérent exige alors une symbiose et un équilibre entre l’introduction de nouvelles informations et la continuité référentielle. Les productions de nos individus vont dans ce sens. Elles sont, en effet, de plus en plus riches : les locuteurs/scripteurs introduisent, certes, de nouvelles informations, mais ils maintiennent et développent également davantage les référents introduits. Ils ont alors des référents à récurrence stricte (Bellert, 1970 ; Charolles, 1978 ; Reinhart, 1980) qu’ils maintiennent et sur lesquels ils font des prédications (Charolles, 1978 ; Clark et Haviland, 1974, 1977 ; Schneuwly, 1988). Certaines méta-règles de Charolles, le given-new contract de Clark et Haviland (1974, 1977) ou encore le travail de conservation/progression de Schneuwly (1988) sont alors respectés.

Les choix linguistiques des participants de notre étude montrent qu’ils respectent un principe essentiel de transmission de l’information, et notamment dans les productions narratives et orales. Nos résultats confirment l’idée que les référents, selon leur statut informationnel, sont préférentiellement encodés sous une forme spécifique. En effet, pour introduire, réintroduire ou afin d’éviter toute ambigüité, les formes lexicales sont mobilisées, ce qui confirme des études antécédentes (Ariel, 1990, 1996 ; Allen et al., 2008 ; Khorounjaia et Tolchinsky, 2004). Selon leur statut référentiel, les référents sont également placés différemment dans la clause (entre autres, Allen et al., 2008 ; Ariel, 1990 et 1996 ; Khorounjaia et Tolchinsky, 2004 ; Levelt, 1989 ; Sanford et Garrod, 1981a, 1981b). Une information nouvelle est préférentiellement en position non sujet, ce qui va dans le sens de travaux antérieurs (Blanche-Benveniste, 1990, 1995 ; Chafe, 1994 ; Jeanjean, 1980 ; Lambrecht, 1987). Un autre principe de transmission de l’information est le maintien sous forme pronominale (Ariel, 1990, 1996 ; Allen et al., 2008 ; Khorounjaia et Tolchinsky, 2004).

Néanmoins, le maintien sous forme lexicale, qui apparaît comme un indice de maturité linguistique, se réalise plus fréquemment, en impliquant notamment des formes diverses. La substitution lexicale120 dépend de la capacité de l’enfant à produire un SNL, ce qui représente un effort cognitif plus important que l’utilisation d’un pronom, pour un référent déjà connu. Ce choix linguistique exige également de l’enfant de comprendre que, selon le contexte de production, il peut être utile, pour créer un effet de style, d’aller à l’encontre d’un des principes de transmission de l’information : maintenir une information avec un pronom. Les individus de 3ème de notre population, avec l’expérience de l’écrit et de différents types de textes, arrivent à aller à l’encontre de ce principe de transmission de l’information de l’oral.

Notes
120.

Quand il ne s’agit pas de répétition.