i.ii. La Preferred Argument Structure face au développement et aux contextes de production

La PAS suppose quatre contraintes reflétant la transmission de l’information à l’oral. La première contrainte A entend qu’une clause est constituée au maximum d’un élément lexical et que selon la contrainte B, cet élément lexical n’apparaît pas en position sujet d’un verbe transitif. Selon la contrainte C, une clause est constituée d’au maximum un seul nouvel élément. Enfin, selon la contrainte D, l’ancienne information se trouve préférentiellement en position sujet (et notamment de verbe transitif).

Comme nous l’avons mentionné, la PAS possède divers niveaux : deux des contraintes concernent la forme (contraintes A et B) et deux autres la pragmatique (contraintes C et D). Une contrainte de chaque est également soumis à un aspect syntaxique (contraintes B et D).126

Les résultats révèlent que le niveau scolaire,127 le type de texte, la modalité et l’ordre ont un effet significatif sur le nombre moyen d’éléments lexicaux par clause (A) ou encore la proportion des sujets lexicaux (B). Ceci révèle que les enfants, avec les années de scolarisation et l’expérience de divers types de textes et contextes, vont à l’encontre des deux contraintes syntaxiques de la PAS. Ainsi, les enfants adaptent, de plus en plus, leurs choix linguistiques selon le contexte de production : en production expositive et écrite, contexte les moins naturels, ils produisent davantage de SNL par clause et de SNL en position sujet.

En revanche, le niveau discursif de la PAS (contraintes C et D) est moins affecté par nos facteurs (niveau scolaire, type de texte, modalité, ordre). Ainsi, le nombre moyen de nouvelle information (C) et la proportion de SN maintenant une information en position sujet (D) varie qu’en fonction de la modalité de production.

Le Tableau 14 résume les résultats en lien avec les quatre contraintes de la PAS.

[Tableau 14 : Récapitulation des résultats concernant les contraintes de la Preferred Argument Structure]
Tableau 14 : Récapitulation des résultats concernant les contraintes de la Preferred Argument Structure
Niveau scolaire Type de texte Modalité Ordre
Respect de la Preferred Argument Structure Diminue Plus en narratif Plus à l’oral Plus oral/écrit
A. Un seul élément lexical par clause
Observation du nombre moyen d’items lexicaux par clause (Section 8.1.2, p. 180)
Davantage vrai dans les textes narratifs, oraux et produits dans l’ordre oral/écrit
Augmente Plus en expositif Plus à l’écrit Plus écrit/oral
B. Position sujet non lexicale
Observation de la proportion des SNL en position sujet 128 (Section 8.2, p. 189)
Davantage vrai dans les textes narratifs, oraux et produits dans l’ordre oral/écrit
NS Plus en expositif Plus à l’écrit Plus écrit/oral
C. Un seul nouvel élément par clause  
Nombre moyen de nouvelle information par clause(Section 10.1, p. 231)
Davantage vrai dans les textes oraux
NS NS Plus à l’écrit NS
D. Ancienne information en position sujet
Proportion de l’ancienne information en position sujet 129 (Section 10.2, p. 240)
Davantage vrai pour les textes oraux
NS NS Plus à l’oral NS

Les enfants de notre étude respectent les contraintes de la PAS reflétant les principes de transmission de l’information de la langue orale, et ce , notamment dans les textes narratifs et oraux. En plus des contraintes de la PAS, rappelons qu’ils maintiennent, en général, une information préférentiellement sous forme pronominale (et ceci en position sujet) et la nouvelle information est encodée sous forme lexicale (en position non sujet). Trois conclusions principales peuvent alors être faite.

Premièrement, les quatre contraintes de la PAS ne sont pas logées à la même enseigne. Les contraintes d’ordre pragmatique varient beaucoup moins que les syntaxiques. Nous pouvons alors penser que les contraintes pragmatiques, dont la syntaxe dépend (Du Bois, 1987, 2003), sont les plus naturelles et difficilement amendables. L’acquisition et le maniement de la langue de scolarisation implique d’aller à l’encontre des contraintes syntaxiques : les productions des enfants contiennent de plus en plus de SNL et de SNL en position sujet.

Deuxièmement, le respect de ces contraintes et des principes de la transmission de l’information dépend du contexte de production. Ainsi, en production orale et narrative, ce patron est davantage retrouvé qu’en production écrite et expositive.

Troisièmement, ceci montre l’impact de l’expérience de l’écrit et des divers types de textes : en production écrite, les enfants vont à l’encontre de ces contraintes et ces principes. Ainsi, à l’écrit, de nouveaux principes se mettent en place et certains principes de l’oral en sont ébranlés.

Notes
126.

Se reporter à la Section 1.2.4, Erreur : source de la référence non trouvée (p. 38).

127.

Excepté pour la proportion des sujets lexicaux.

128.

Parmi les positions sujet, la position sujet transitif est la moins lexicale (Section 8.1.2, p. 192).

129.

Parmi les positions sujet, la position sujet transitif est celle portant le plus l’ancienne information (Section 10.2, p. 243).