ii. Perspectives

Des améliorations peuvent être apportées à ce travail de thèse.

Premièrement, nous pouvons travailler davantage sur la notion de nouvelle information afin de subdiviser cette catégorie en nouvelle information et information accessible. Il faudrait mettre au point des critères extrêmement stricts pour distinguer ces deux types informationnels et vérifier qu’ils soient adaptables à différents types de textes. L’ajout d’un nouveau niveau dans le continuum nouvelle/ancienne information pourrait alors nuancer les résultats relatifs à la proportion de la nouvelle information tels que celui montrant que la proportion de la nouvelle information diminue avec le niveau scolaire.

Deuxièmement, il pourrait également être intéressant de compléter cette étude avec une étude suivant le même protocole mais en prenant en considération les capacités de la MDT des locuteurs/scripteurs. En effet, il apparaît clairement que « la capacité de la MDT est limitée et qu’elle augmente significativement avec l’âge » et que « la capacité de la MDT est supposée exercer de fortes contraintes quant à l’efficacité avec laquelle tout individu est en mesure de mener à bien une activité cognitive complexe » (Monnier, 2008:279). Sur la base de ces présupposés, nous pouvons imaginer que les différences de capacité cognitive entre les locuteurs/scripteurs peuvent avoir un impact important sur le produit fini. Seigneuric et Megherbi (2008) ont déjà montré l’impact de la capacité de la MDT en compréhension lors d’une étude sur le traitement des pronoms (contexte phrastique). Ainsi, les enfants à capacité faible de MDT sont moins performants que les enfants à capacité élevée de MDT. Les chercheurs en déduisent alors que « le traitement des pronoms est contraint par la capacité de MDT des enfants » (Seigneuric et Megherbi, 2008:281). Pour distinguer les enfants à capacité élevée de MDT de ceux à capacité faible, plusieurs outils sont utilisés. Seigneuric et Megherbi (2008) comme Seigneuric, De Guibert, Megherbi, Potier et Picard (2008), Seigneuric et Ehrlich (2005) et Seigneuric, Ehrlich, Oakill et Yuill (2000), proposent de se baser sur une adaptation du Listening Span Text de Siegel et Ryan (1989). Cet outil de mesure consiste à placer l’enfant « dans une situation de double tâche : il doit trouver le dernier mot de phrases incomplètes lues par l’expérimentateur et maintenir en mémoire ces mots afin de les rappeler à la fin d’une série de phrases. » (Seigneuric et Megherbi, 2008:288). Olive et Piolat (2005), suite à la récapitulation de quelques travaux concernant la production textuelle et la mémoire de travail, en concluent également que les processus rédactionnels requièrent des ressources de la MDT. « Aussi, la quantité de ressources disponibles, entendue comme la capacité de la MDT, devrait influencer la production de textes » (Olive et Piolat, 2005:384). Déjà Benton, Kraft, Glover et Plake dans les années 80 (1984) observe que « de bons rédacteurs et des mauvais rédacteurs adultes pouvaient être différenciés en fonction de leurs scores à des épreuves d’empan de MDT » (Olive et Piolat, 2005:385). L’impact de la capacité de la MDT sur la composition d’un texte, sur l’automatisation des processus de rédaction mais également sur les processus de révision a déjà inspiré de nombreux travaux (entre autres, Olive, 2004 ; Piolat et Fruttero, 1999 ; Piolat, Roussey, Olive et Amada, 2004).

Ce travail de recherche peut être également compléter par divers type de travaux.

Ainsi, dans un premier temps, la CSP pourrait devenir une variable indépendante. En effet, dans ce travail de recherche, pour chaque résultat, lorsque nous disposions d’analyses similaires, nous avons comparé nos individus de CSP défavorisés avec des francophones natifs de CSP plus favorisée examinés dans d’autres études. Nous pouvons alors dire que, dans l’état actuel de nos connaissances, nos participants ne se révèlent pas comme ayant un comportement extravagant : ils suivent, en règle générale, les mêmes tendances que leurs pairs de classe moyenne supérieure. Néanmoins, nous en saurions davantage si la CSP devient un facteur.

Dans un second temps, nous pouvons également introduire une population adulte défavorisée, ce qui pourrait constituer un nouveau projet. L’éducation nationale semble jouer son rôle de précepteur de la maîtrise de la langue orale et écrite, mais nous supposons qu’une fois déscolarisés, les individus défavorisés n’ont plus autant accès aux préceptes de la litéracie linguistique et fossilisent leur acquisition. Des différences entre les deux CSP pourraient apparaître entre des populations adultes favorisée et défavorisée. Nous pourrions alors réfléchir à une solution au problème d’approche des adultes défavorisés. En effet, lors que nous avons essayé de compléter notre population avec un groupe contrôle d’adultes défavorisés, nous nous sommes heurtée à divers problèmes : (a) les adultes ne semblaient guère intéressés par ce projet ; (b) ils se sentaient mal à l’aise et avaient peur du jugement ; (c) il nous était difficile de les mettre à l’aise tout en leur demandant leur niveau scolaire, de vie, leur emploi actuel, leur pays de naissance et s’ils avaient éventuellement une pathologie langagière. Il faudrait alors mettre au point une stratégie bien spécifique afin d’approcher ce type de population, si ce n’est de collaborer avec des sociologues et des professionnels de ce terrain.

Dans un troisième temps, il serait intéressant de compléter cette analyse des produits finis (analyse off line) par une étude des processus en temps réel ou par des expérimentations visant à tester le niveau d’explicitation des règles discursives de la langue. Aussi, par exemple, nous pouvons nous demander si la pause avant un SN introduisant une information est plus longue que celle précédant un SN maintenant une information. De nouveaux outils ont fait leur apparition et ont permis l’utilisation de techniques particulièrement sophistiquées telles que le recueil des mouvements oculaires lors de la production ou le recueil d’indicateurs comportementaux comme les pauses ou les débits à l’aide de tablettes graphiques à l’écrit (Coirier et al., 1996). De plus, les analyses de la localisation et de la durée des pauses, combinées avec des descriptions textuelles, ne peuvent être qu’un avantage dans la tentative de la compréhension des processus rédactionnels (Schilperoord, 1996).

Enfin, dans un quatrième temps, cette étude porte sur des enfants et adolescents sains, ne présentant aucune pathologie langagière, issus de milieux défavorisés. Notre travail de recherche peut servir de tremplin pour engager des études ayant comme objectif par exemple de comparer les spécificités et le développement linguistique de nos individus sains à une population présentant des troubles langagiers telle que les dyslexiques, les enfants atteints du syndrome de Williams ou encore ceux ayant des lésions cérébrales. Depuis une quinzaine d’année, les études sur le développement langagier de cas atypiques se multiplient. Nous avons commencé à nous documenter sur ce sujet avec notamment les travaux de Bates (2004), Bernicot, Lacroix et Reilly, (2003), Nichols, Jones, Roman, Wulfeck, Delis, Reilly and Bellugi (2004), Reilly et Bernicot (2003), Reilly, Losh, Bellugi et Wulfeck (2004), Reilly, Weckerly et Bates (2003), Reilly et Wulfeck (2004), Thal, Reilly, Seibert, Jeffries et Fenson (2004), Wulfeck, Bates, Krupa-Kwiatkowski et Saltzmanc (2004). L’objectif de ces études semble être double : « fondamental, pour accroître nos connaissances sur le développement et le fonctionnement du langage, et appliqué, pour améliorer la prise en charge des enfants atteints de troubles de l’acquisition du langage » (Reilly et Bernicot, 2003:205). Ainsi, « é tudier les cas où l’acquisition du langage « se passe mal » peut nous aider à déterminer les facteurs impliqués quand « tout va bien » » (Reilly et Bernicot, 2003:206). Ainsi, comprenons-nous que des études portant sur la morphosyntaxe (Reilly et al., 2003) ou encore sur la syntaxe ont été réalisées avec, pour certaines, la particularité de prendre en considération aussi bien des aspects structuraux et pragmatiques (Bernicot et al., 2003). Néanmoins, nous-pouvons nous demander ce qu’il en est des aspects syntaxiques tels que la production de SNL, des aspects informationnels (avec le continuum nouvelle information/ancienne information) ou encore des aspects discursifs avec par exemple la PAS. Il serait alors intéressant de voir dans quelles mesures les contraintes de la PAS sont respectées ou non par ce type de population. Si les contraintes pragmatiques ne sont guère amendables par les individus sains, les contraintes syntaxiques sont largement dépassées dans certains contextes. Qu’en est-il des populations pathologiques ?