1.1.2. Les Réformes éducatives en Europe et le processus de régulation dans l’activité de l’enseignant.

Selon Dale (1997 cité par Maroy 2005), les modes de régulation institutionnels d’un système éducatif peuvent être considérés comme effectués à partir d’un ensemble d’orientations, de coordination et de contrôle des actions des établissements, des professionnels, des familles à l’intérieur du système ou par le mode de régulation des autorités éducatives sous la forme de différentes organisations et de contrôle sur le financement de l’éducation.

La régulation sociale désigne en sociologie les processus multiples, contradictoires et parfois conflictuels, d’orientation des actions des auteurs et de définitions de règles du jeu à l’intérieur du système social. (Reynaud, 1993, Maroy et Dupriez, 2000; Maroy, 2004; cité parMaroy, 2005).

La régulation du système éducatif comme celle dans d’autres champs sociaux procède de différents faits en interrelation. Diverses actions institutionnelles et lois sont définies par différentes autorités publiques, donc la régulation devient normative tant au niveau local qu’aux autres niveaux nationaux et transnationaux.

La régulation ne se produit pas seulement pour l’ajustement du système, la multi-régulation peut aussi être génératrice de désordre et de contradictions dans le propre système. (Maroy, 2005)

Les modes de régulation institutionnels dans un système éducatif ont une origine dans son histoire et dans les politiques éducatives passées de ce système. Maroy (2005) considère qu’il existe un modèle de régulation dénommé « quasi marché ». Dans ce modèle, les normes et les valeurs de référence sont simultanément des instruments de lecture du réel et des guides d’action. Dans lequel les modes de gouverner participent du processus de régulation du système d’enseignement sans qu’on puisse le confondre avec le modèle de régulation institutionnel effectif.

En étudiant quelques systèmes éducatifs en Europe parmi lesquels il a considéré l’Angleterre, le Pays de Galles, la France et la Belgique, Maroy (2005) a constaté que dans les dernières 20 années diverses évolutions significatives des modes de régulation institutionnels se sont produites et que dans la plupart des cas celles-ci furent facilitées par des textes de lois au sein de la politique éducative.

Maroy (2005) cite l’exemple des textes de Education Reform Act (1988) parus en Angleterre et au pays de Galles, le Décret mission (1997) dans la communauté francophone de Belgique et les lois sur la décentralisation comme la loi française de 1989.

Selon Bajomi et Band (2002 cité par Maroy 2005), l’évolution du processus de régulation se profile selon six tendances :

  1. autonomie des établissements auxquels sont déléguées des responsabilités ;
  2. recherche d’équilibre entre centralisation et décentralisation ;
  3. évaluations externes des établissements d’enseignement ;
  4. introduction de la flexibilité dans le choix de l’école par les parents ;
  5. diversification de l’offre dans les écoles ;
  6. augmentation de la régulation du travail de l’enseignant.

Ce dernier point, nous le détaillerons plus loin dans la discussion sur le processus de globalisation, car il est directement relié à notre objet d’étude.

Selon Maroy (2005) la régulation du travail de l’enseignant est une tendance commune dans les pays d’Europe qu’il a étudiés et que nous avons cités plus haut. Il a constaté une corrosion de l’autonomie professionnelle individuelle des enseignants qui sont soumis chaque fois davantage à un encadrement de leurs pratiques pédagogiques par la formation, les codes d’action, l’obligation du travail en équipe, mais aussi, dans le même il a observé une tendance à la fragilisation de l’autonomie du travail professionnel en groupe dans ce qui touche aux organisations syndicales.

Le premier mode de régulation (quasi-marché) dans ce modèle, l’État ne disparaît pas et il conserve une fonction importante dans la définition des objectifs des systèmes et des contenus du curriculum d’enseignement.

Cependant le processus de globalisation délègue aux institutions ou autres entités locales, une autonomie pour choisir les moyens adaptés pour atteindre le niveau de qualité qu’ils désirent mettre en concurrence pour réaliser le travail éducatif en référence aux objectifs définis de manière centralisée.

Les usagers du système éducatif peuvent choisir leur « fournisseur scolaire » car celui-ci doit se soumettre aux règles établies de manière centrale.

L’État central tend à favoriser les informations pour les usagers-clients sur la performance, l’efficience, l’efficacité des différents établissements d’enseignement.

En Europe, dans les dernières 25 années, de constantes réformes ont été réalisées relativement à la profession enseignante, principalement en relation avec les aspects suivants : formation initiale et continuée, salaires, promotions, temps de travail, code d’éthique des activités enseignantes. EURYDICE (2005)

En même temps, les droits du travail de l’enseignant ont été modifiés en exigeant davantage d’efforts pour exercer son activité laquelle requiert un processus de formation adéquate.

Dale (2008) pointe quatre changements significatifs qui eurent lieu dans la construction de l’espace européen et qui influencent profondément les systèmes éducatifs : changements dans le contexte politique économique plus étendu, changements dans l’architecture des systèmes éducatifs incluant leurs relations avec le capitalisme et la modernité, changements quant à la capacité et au mandat des systèmes éducatifs et changements en ce qui concerne la valeur attribuée à la contribution des systèmes éducatifs pour satisfaire les exigences créées par les modifications du contexte lui-même.

Dans ce qui se réfère aux changements dans le contexte politique plus étendu, il considère que le néolibéralisme déprécie quelques bases fondamentales de la modernité qui, pour le moment, se présentent comme un obstacle. En ce qui se réfère aux interférences avec les systèmes éducatifs, Bob Jessop (1999, cité par Dales, 2008) montre que déjà l’État n’est pas nécessairement le détenteur du monopole de la gouvernance de l’éducation, ce qui signifie que le national cesse d’être l’unique plan d’analyse et de gouvernement des systèmes éducatifs.

L’architecture des systèmes éducatifs se doit alors d’être construite selon les composants suivants : la modernité, les problèmes fondamentaux du capitalisme, la grammaire de l’école pour donner forme à l’architecture sur laquelle repose l’éducation dans les sociétés contemporaines.

Dale (2008) considère que la clé de voûte de la compréhension des systèmes éducatifs réside dans la reconnaissance de leur relation au capitalisme, lequel ne peut s’établir sans l’aide d’une institution d’État.

Les systèmes éducatifs sont les principaux moyens auxquels les sociétés recourent pour définir et assurer leur singularité nationale et répondre aux problèmes sociaux ainsi que pour donner une chance à tous les individus. Pour cela, discuter de l’école en prenant comme référence ces implications générales aide à identifier les mécanismes de fonctionnements et les difficultés sous jacentes.

Dale (2004) considère qu’il existe deux approches développées, tout au long de plusieurs années, par le professeur John Meyer et ses collègues de l’Université Stanford (Californie) qui se détachent actuellement, sur la question de la globalisation et de l’éducation. La première est dénommée « Culture Educative Mondiale Commune » (CEMC) et connote une société ou la politique internationale constituée par les États-nations individuels et autonomes. La seconde désignée par « Agenda Globalement Structuré pour l’Éducation » (AGSE) implique spécialement des forces économiques opérant par dessus et de manière transnationale pour rompre ou dépasser les frontières nationales en même temps qu’elles reconstruisent les relations entre les Nations.

Selon Dale (2004), ces deux approches diffèrent considérablement l’une de l’autre en ce qu’on se réfère à la relation entre globalisation et éducation, ainsi qu’en ce qui touche à l’adéquation des explications produites par le phénomène de la globalisation.

L’approche CEMC défend le point de vue que le développement des systèmes éducatifs nationaux et les catégories curriculaires s’expliquent davantage au travers des modèles universels d’éducation, de l’État et de la société, que des facteurs nationaux distincts.

La seconde approche, AGSE, elle-même défendue par Dale, est basée sur des travaux récents relatifs à l’économie politique internationale (Cox,1996; Mittelman, 1996; Hettne, 1996 cités par Dale 2004) qui envisagent le changement de nature de l’économie capitaliste mondiale comme la force directrice de la globalisation et cherche à établir ses effets, en passant encore par une médiation intense avec le local, sur les systèmes éducatifs.