2.3.1. Lois sur l’éducation en France à partir de la IIIème République.

2.3.1.1. Bref historique.

En France, quelques dates et réformes constituent des repères importants pour le système éducatif. Ainsi la loi Jules Ferry promulguée en 1881 par le Ministère de l’instruction publique a pour axe central la réforme de l’enseignement primaire qui vise à édifier une école obligatoire, gratuite et laïque pour tous les jeunes âgés de 6 à 12 ans. En 1881 fut établi le principe de l’obligation et en 1882 celui de la laïcité.

La loi Jules Ferry se présente comme une réponse à l’élévation du niveau d’instruction. Son objectif est de mettre en pratique l’idée de progrès et régénération du corps social par l’instruction et elle passe pour constituer les bases de l’éducation scolaire française tant culturellement que scientifiquement. Auduc (2005) considère que loi Ferry fut la première révolution scolaire en France qui a transformé toute la poussée de scolarisation du XIXème. Selon lui l’objectif de scolarisation se repose sur la mise en place d’une forte idéologie républicaine et civique dans la formation des maitres et des élèves.

La deuxième révolution scolaire en France, la réforme Haby de 1976, fut poussée parles nouveaux besoins de l’économie, par la scolarisation de la tranche d’âge de 12/16 ans. Cette scolarisation devrait être effectuée soit dans le collège soit dans un établissement technique en vue de l’obtention d’un CAP.

La troisième révolution scolaire en France effectué à partir de 1984, fut influencée pour l’accélération des mutations techniques, il fallait amplifier la scolarisation des élèves au niveau BAC. La formule « 80% d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat 

Dans son article 4, la Loi Jules Ferry laisse le choix du lieu de l’instruction, qui, elle seule, est obligatoire, comme nous l’avons déjà dit. L’école n’est pas obligatoire, ce n’est donc pas une scolarisation obligatoire. Mais cette loi a rompu aussi avec le monopole de l’Église en ce qui touche à l’instruction des jeunes français en établissant le principe de la laïcité, en faisant que l’éducation civique se substitue à l’instruction religieuse.

Près d’un siècle plus tard, la Loi Haby promulguée en 1975 par le ministre français de l’Éducation nationale, René Haby, institue le collège unique pour tous en continuité de l’école primaire, en visant l’accroissement du processus de démocratisation de l’instruction initié par la loi Jules Ferry. Cette loi prévoit la gratuité des études au collège, impulsant ainsi le caractère obligatoire de l’instruction pour les jeunes français qui est établi jusqu’à l’âge de 16 ans depuis 1959. Au collège, les disciplines enseignées ont un caractère intellectuel et physique, l’homogénéisation des contenus disciplinaires assurent l’homogénéisation des connaissances acquises par les élèves français. La loi Haby est constamment mise en question en ce qui concerne l’accès du collège à un grand nombre de jeunes, car elle est considérée comme favorisant la tendance à niveler « par le bas ». C’est dans ce sens qu’elle est accusée en partie de l’échec de la scolarisation en France.

Dans ses dispositions légales, cette loi reconnaît, pour la première fois, la notion de communauté éducative qui réunit les élèves, les enseignants, la société civile et les parents des élèves. Elle est aussi en faveur de l’enseignement des langues régionales et préétablit que celles-ci pourront être étudiées dans le cours du processus de scolarisation. Elle établit encore que l’architecture scolaire doit avoir une fonction pédagogique.

Plus proche, en 1989, en écho au Bicentenaire de la Révolution française, la loi d’orientation, dite loi Jospin fut adoptée. Elle contient 36 articles et un rapport annexe qui établit les objectifs principaux de l’école maternelle à l’université. Cette loi résulte d’une année de discussion et 6 mois pour son élaboration. Sur le plan politique, la loi Jospin s’inscrit dans une des priorités annoncées dans le second mandat du Président François Mitterand6. Considérée comme un texte faisant référence à une conception politique de gauche, elle fut sans cesse critiquée par la droite. Son premier article déclare l’éducation comme une priorité nationale et que le service public doit être au service des élèves et des étudiants. Le principe d’égalité des chances y est réaffirmé.  « L’éducation est la première priorité nationale. Le service public de l’éducation est conçu et organisé en fonction des élèves et des étufiants.IL contribue à l’égalité des chances. Le droit à l’éducation est garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d’élever sont niveau de formation initiale et continue, de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle, d’exercer sa citoyenneté. L’acquisition d’une culture générale et d’une qualification reconnue est assurée à tous les jeunes, quelle que soit leur origine sociale, culturelle ou géographique… (BOEN n°4 du 31 août 1989 et Devenu l’article L.111-1 du Code de L’éducation.

Selon Auduc (2005),  les nouveautés introduites par la loi de 1989: l’organisation de la scolarité en cycles ; modification des procédures d’orientation ; création des conseils de délégués-élèves ; création des instituts universitaires de formation des maîtres, obligation de tout établissement d’élaborer sont projet d’établissement, création du conseil national des programmes, création du conseil supérieur de l’éducation.

Dans la période 2002, ce dernier fonde un certain nombre de critiques issues du ministère de l’éducation, en particulier de la part de Luc Ferry et Xavier Darcos. Ainsi sous le second mandat présidentiel de Jacques Chirac7, l’idée d’une réforme de la Loi Jospin fut alors lancée. Une des principales critiques formulées par les ministres à l’égard de cette loi d’orientation porte sur le caractère démagogique du principe qui place le jeune au centre du système éducatif, rappelant en contrepoint que les connaissances et leur transmission qui doit en occuper cette position.

Rappelons que la Loi Jospin fixe une série d’objectifs qui devraient être atteints d’ici une dizaine d’années. Ainsi, par exemple, que 80% d’une classe d’âge obtienne le niveau du baccalauréat8, que tous les titulaires d’un baccalauréat puissent accéder à l’enseignement supérieur en leur garantissant une place à l’université, que sur le plan de la formation professionnelle, le Certificat d’Aptitude Professionnel – CAP et la Brevet d’Études Professionnelles – BEP soient les diplômes minima, qu’au niveau de l’enseignement supérieur, priorité soit donnée aux méthodes et aux contenus ainsi qu’à la coopération internationale et à la construction européenne. Comme nous l’avons dit, l’égalité des chances demeure un principe orienteur de la politique d’éducation dans laquelle s’inscrit cette Loi Jospin, et, en conséquence, la lutte contre l’échec et l’exclusion scolaire ainsi que la réduction des inégalités géographiques, l’aide aux familles et aux jeunes deviennent des thèmes majeurs. Tout ceci est à lire en maintenant l’idée majeure de la place centrale du jeune dans le système éducatif et se traduit par des déclarations du type : le jeune construit son orientation au lieu de la subir, dont il est nécessaire d’analyser toute la portée et les impacts dans les pratiques pédagogiques au sein de la salle de classe.

Un autre point important de cette époque de 1989, fut le lancement des démarches visant la création des Instituts Universitaires de Formation des Maîtres – IUFM, tout en réaffirmant les principes de service publique de l’enseignement et du statut de fonctionnaires d’État des personnels d’enseignement et de formation. Cette loi ouvre l’école aux partenariats avec des collectivités locales et des entreprises.

C’est alors qu’en 2004, la Loi Fillon, du nom du ministre de l’éducation François Fillon, connue sous le nom de Nouvelle loi d’orientation et de programme sur l’école, propose une reformulation de la Loi Jospin de 1989, en s’étendant sur les niveaux de l’école maternelle jusqu’au baccalauréat, à valoir pour une période de 15 ans. Nous ne la considérons pas vraiment comme une nouvelle loi, mais plutôt comme une adaptation de la Loi Jospin par une réécriture d’un certain nombre d’articles. La Loi Fillon ne revient pas en arrière quant à l’idée novatrice de la Loi Jospin d’avoir comme objectif de 80% de la classe d’âge au niveau du baccalauréat. De même, elle assure qu’aucun élève ne doit sortir du système scolaire sans avoir obtenu un diplôme, une qualification ou un certificat reconnus.

A partir de 2003 un grand débat sur l’école a été organisé pour préparer la nouvelle loi de l’éducation nationale qui devrait substituer en 2005 la loi de 1989. Cette mission a été confiée à une commission présidée par Claude Thélot, chargé d’organiser le débat intitulé Quelle école pour demain ? Le travail de la commission du débat national sur l’avenir de l’école se poursuit jusqu’à l’automne 2004, date remise du rapport final.

Dans cette commission Thélot le débat a porté sur 22 sujets réunis en 3 grands thèmes qui sont : définir la mission de l’école ; éviter l’échec scolaire ; améliorer le service dans l’école. Et même François Fillon alla jusqu’à se réserver la possibilité de faire quelques suggestions comme celle de la création du Haute Autorité Indépendante chargée de coordonner le système éducatif, celle de l’augmentation du temps de présence des enseignants à l’école, celle de la définition d’un socle commun de connaissances pour le collège en tant que savoirs fondamentaux déclinés par lire, écrire, compter, s’exprimer dans une langue étrangère, se servir de l’informatique. D’autres propositions apparaissent dans ce rapport comme la délivrance d’un certificat de savoirs fondamentaux sans toutefois préciser à quel niveau de la scolarité, il sera attribué, ou encore la généralisation de l’apprentissage de la langue anglaise dès la classe CE2 de l’école primaire. En ce qui touche à la rationalisation du nombre des enseignants, il est fait mention que la formation doit s’effectuer dans des IUFM.

Nous pouvons considérer le système éducatif français comme un système fortement marqué des idées d’influences révolutionnaires du XVIIIème et XIXème siècles, influences que nous schématisons de la manière suivante :

i.Les lois Jules Ferry de 1881-1882 qui eurent pour objectif de mettre en œuvre une instruction obligatoire pour tous les jeunes de 6 ans à 12 ans et une école gratuite et laïque ;

ii.La loi de 1959 qui allonge la durée de l’instruction obligatoire en élevant l’âge terminal, en le passant de 12 à 16 ans ;

iii.La loi Haby de 1975 qui crée le collège unique pour tous en continuité de l’école primaire.

iv.La loi d’orientation de 1989, loi Jospin, n°89-486 du 10 juillet 1989, qui apporte les nouveautés suivantes :

1.Organisation du système scolaire en cycles ;

2.Modification des processus d’orientation scolaire et création du conseil des délégués d’élèves ;

3.Création des IUFM

4.Création du Conseil Supérieur de l’Éducation ;

5.Obligation est faite à chaque institution, chaque établissement, d’élaborer un projet d’établissement, projet pédagogique.

6.La loi Fillon de 2005.

Notes
6.

François Mitterrand fut le président de la République française pour deux mandats : 1981-1988 et 1988-1995

7.

Jacques Chirac fut le président de la République française pour deux mandats : 1995-2002 et 2002-2007

8.

Le baccalauréat est le premier diplôme universitaire français qui sanctionne la fin des études secondaires et ouvre le droit d’accès à l’enseignement supérieur.