2.3.2. Les lois sur l’éducation au Brésil

2.3.2.1. Bref historique

L’histoire de l’éducation au Brésil commence avec le début de la colonisation au travers des premières relations entre l’État et l’Éducation établies par les jésuites quand ils arrivèrent en 1549, sous la direction du Père Manuel de Nóbrega. En 1759, avec les réformes pombalines( Marquis de Pombal) les jésuites furent expulsés et il fut institué un enseignement laïque et public et les contenus furent basés sur les Cartas Régias (lettres royales une sorte de décrets existant à cette époque où le Brésil était une colonie de Portugal). De nombreux changements se produisirent pour parvenir aux systèmeéducatif d’aujourd’hui. Schématiquement les principales réformes qui touchèrent au système éducatif brésilien, furent celles de Benjamin Constant (1890), de Epitácio Pessoa (1901), de Rivadávia Correia (1911), de Carlos Maximiliano (1915), de João Alves da Rocha Vaz (1925), de Francisco Campos (1932), de Gustavo Capanema (1946) et plus récemment les Leis de Diretrizes e Bases de 1961, 1968, 1971 et 1996.

La première Constitution brésilienne de 1891 de la République ne porte pas une attention particulière à l’éducation, son point de mire est plutôt la question de l’autonomie des unités de la fédération. Il restait sous-entendu que la législation à ce sujet devrait être résolue dans le cadre des états, il revenait donc à la fédération, la préoccupation de l’enseignement supérieur de la capitale siège du gouvernement de Portugal (Rio de Janeiro) (Art. 34°), l’instruction militaire (Art. 87°) et la tâche, non exclusive, d’animer, au sein du pays, le développement des lettres, des arts et des sciences. (Art 35°). Dans cette constitution, nulle mention n’était faite sur l’éducation.

Jusqu’au début des années 30, les sujets liés à l’éducation étaient traités par le Département National de l’Enseignement au Ministère de la Justice. Le Ministère de l’éducation ne date que de 1931.

À partir de la Constitution de 1934, l’éducation devient un thème pris en considération et l’objet d’un chapitre entier. L’Union doit alors assumer la responsabilité de tracer les lignes directrices de l’éducation nationale (Art. 5°), et de fixer le plan national de l’éducation, en prenant en compte l’enseignement à tous les degrés et dans toutes les branches, communes et spécialisées, pour coordonner et contrôler son exécution sur tout le territoire du pays, (Art. 150). À partir de cette constitution, la scolarité primaire devient obligatoire. Ainsi on prétendait combattre l’absence d’unité politique entre les unités de la fédération, sans pour autant retirer l’autonomie des états dans l’implantation de leur système d’enseignement. Cette idée fut défendue par les éducateurs « libéraux » parmi lesquels se distinguait Anisio Teixeira.

Avec la proclamation de la République en 1889, des réformes furent tentées pour donner une nouvelle orientation, mais l’éducation ne subit pas le processus d’évolution qui puisse être considéré comme marquant ou significatif en termes de modèle.

La Réforme de Benjamin Constant de 1890 avait comme principes d’orientation, la liberté et la laïcité de l’enseignement, mais aussi la gratuité de l’accès à l’école primaire. Ces principes suivaient la direction donnée par les textes de la Constitution de 1889.

Cette réforme fut passablement critiquée : par les positivistes, déjà que n’étaient pas respectés les principes pédagogiques de A. Comte ; par les tenants de la prédominance littéraire, et leur pression conduisit à ce que les disciplines scientifiques viennent s’ajouter aux disciplines traditionnelles, provoquant ainsi un enseignement de type encyclopédique.

La Réforme Rivadávia Correa de 1911 prétendit que le cours secondaire devienne formateur pour le citoyen et non un simples promoteur pour le niveau suivant. Au-delà, il prêchait aussi l’abolition du diplôme en échange d’un certificat de présence [assistência] et de bénéfices [aproveitamento] du cours. Il transférait les examens d’admission dans l’enseignement supérieur vers les facultés.

La décennie des années 20 fut marquée par divers faits importants dans le processus de transformation des caractéristiques politiques brésiliennes, période durant laquelle furent réalisées diverses réformes au niveau des états.

La Révolution de 1930 fut la marque de référence pour l’entrée du Brésil dans le modèle capitaliste de production. L’accumulation de capital de la période antérieure a permis au Brésil d’investir dans le marché interne et dans la production industrielle. La nouvelle réalité brésilienne conduit alors à exiger une main d’œuvre spécialisée et, pour ceci, il était nécessaire d’investir dans l’éducation. Ainsi en 1930 fut créé le Ministère de l’Éducation et de la Santé Publique et en 1931 le Gouvernement Provisoire émit des décrets qui organisaient l’enseignement secondaire et les universités brésiliennes encore inexistantes. Ces décrets restèrent connus sous le nom de Réforme Francisco Campos.

En 1932 un groupe d’éducateurs lança à la nation le Manifeste des Pionniers de l’Éducation Nouvelle, rédigé par Fernando de Azevedo et signé par d’autres éducateurs concepteurs (innovateurs) de l’époque. En 1934 la nouvelle Constitution (la seconde de la République) affirme, pour la première fois, que l’éducation est un droit pour tous, et qu’elle doit être administrée et mise en pratique par la famille et les Pouvoirs publics.

Dans la Constitution de 1937, l’orientation politico-éducative pour le monde capitaliste reste très explicite dans son texte, en suggérant la préparation d’un plus grand contingent de main d’œuvre pour les nouvelles tâches ouvertes par la marché. Dans ce sens, cette nouvelle Constitution met l’accent sur l’enseignement pré-professionnel (pré-vocacional) et sur l’enseignement professionnel.

D’un autre côté il est proposé que l’art, la science, et l’enseignement soient laissés à l’initiative individuelle, aux associations ou groupements de personnes publics ou privés, soustrayant ainsi l’État, de son devoir d’éducation.

Sont encore maintenues l’obligation et la gratuité de l’enseignement primaire. L’enseignement des travaux manuels dans toutes les écoles normales, primaires et secondaires est maintenu obligatoire.

Les conquêtes du mouvement rénovateur qui avait influencé la Constitution de 1934, furent affaiblies dans cette nouvelle Constitution de 1937 qui marque une distinction entre le travail intellectuel, plutôt reservé aux classes sociales les plus favorisées, et le travail manuel, mettant l’accent sur l’enseignement professionnel pour les classes sociales plus défavorisées.

En 1942, par une initiative du ministre Gustavo Capanema, quelques branches de l’enseignement sont réformées. Ces réformes connues sous le nom de Leis Orgânicas do Ensino (Lois organiques de l’enseignement) sont composées par des Décrets-Lois qui créent le Serviço Nacional de Aprendizagem Industrial – SENAI (Service National d’Apprentissage Industriel) valorisant l’enseignement professionnel.

À cette époque, l’enseignement est organisé comme suit :

  1. 5 années de cours primaire (primário)
  2. 3 années de collège (colegial)
  3. 4 années de gymnase (ginasial) selon deux parcours possibles : classique ou scientifique.

L’enseignement au collège perdit son caractère propédeutique, son caractère de préparation pour l’enseignement supérieur, pour devenir une préoccupation davantage de formation générale. Malgré cette division de l’enseignement ( secondaire, classique ou scientifique), la prédominance revint à la filière scientifique qui réunissait près de 90% des élèves au collège (colegial).

En 1946 le Ministre d’alors, Raul Leitão da Cunha, réglementa l’Enseignement primaire et l’Enseignement normal, en plus de créer le Serviço Nacional de Aprendizagem Comercial – SENAC (Service National d’Apprentissage Commercial), accueillant ainsi les transformations exigées par la société après la Révolution de 1930.

En se basant sur les doctrines de la Carta Magna de 1946, le ministre Clemente Mariani créa une commission qui avait comme objectif d’élaborer un avant-projet de réforme générale de l’éducation nationale. Cette commission, présidée par l’éducateur (professeur) Lourenço Filho, était composée de trois sous-commissions correspondant aux trois ordres d’enseignement : Ensino Primário (enseignement primaire), Ensino Médio (enseignement moyen , secondaire), Ensino Superior (enseignement supérieur).

En novembre 1948, cet avant-projet fut adressé à la Chambre Fédérale (Câmara Federal), initiant ainsi une lutte idéologique autour des propositions présentées. Dans un premier temps, les discussions portèrent sur les interprétations contradictoires des propositions constitutionnelles, puis, après l’intervention d’un représentant du Député Carlos Lacerda, les discussions les plus fortes tournèrent autour de la question de la responsabilité de l’État en ce qui concerne l’éducation, avec des références aux éducateurs de l’anciennes génération de 1930, et à celle de la participation des institutions d’enseignement privées.

Après treize années d’âpres et houleuses discussions, la Loi 4.024 fut promulguée le 20 décembre 1961. Sans la force de l’avant-projet, les revendications de l’Église Catholique et celles de propriétaires des établissements privés ont prévalu  dans la confrontation avec ceux qui défendaient le monopole d’État de l’offre d’éducation aux brésiliens. Fut alors instituée en 1961 la première Loi d’Éducation Brésilienne.

En 1964, un coup d’état militaire fit avorter toutes les initiatives de révolutionner l’éducation brésilienne, sous le prétexte que les propositions étaient « communistes et subversives ».

Le caractère antidémocratique de la proposition idéologique de gouvernement du Régime militaire se refléta dans l’éducation : professeurs emprisonnés et démis ; université envahies ; étudiants emprisonnés ; nombre furent blessés dans les affrontements avec le police et même certains furent tués ; l’expression des étudiants fut muselée et l’Union Nationale des Étudiants (União Nacional dos Estudantes) fut interdite ; le Decret-Loi 477 contraint au silence professeurs et étudiants.

Toutefois durant cette période, les universités connurent un grand développement au Brésil. Pour en finir avec les « excedentes » (excédents, reçus-collés) c’est à dire ceux qui avaient des résultats suffisants pour être approuvés mais qui ne trouvaient pas de places pour étudier, fut créer le concours nommé vestibular, pour réaliser des classements.

Pour éradiquer l’analphabétisme le MOBRAL – Movimento Brasileiro de Alfabetização (Mouvement Brésilien d’Alphabétisation) fut créé en profitant de la méthode Paulo Freire expurgée pour appuyer la pédagogie. Le MOBRAL se proposait donc de lutter jusqu’à éradication, contre l’analphabétisme au Brésil. Mais il n’y parvint pas et au milieu des dénonciations de corruption, il finit par être dissout et remplacé par la Fundação Educar – Fondation Eduquer.

Dans les navettes de la première LDB, un point de dispute important fut la question de l’enseignement religieux, car, alors que la Proclamation de la République eut comme toile de fond la séparation de l’État et de l’Église , la seconde Carta Constitucional (Constitution) marque un rapprochement au moment de l’instauration dans les programmes scolaires des écoles publiques, de l’enseignement religieux, facultatif et en accord avec les principes de chaque famille. (Art. 153°)

En ce qui concerne l’enseignement religieux, la Carta Magna de 1934 (Constitution) peut être considérée comme une victoire de éducateurs « libéraux » (liberais), organisés à travers l’Associação Brasileira de Educação – Association Brésilienne d’Éducation, pour accueillir les principales propositions.

Toutefois, trois ans après, la Constitution de 1937, promulguée avec l’État Nouveau – Estado Novo, défendait des principes opposés aux idées « libérales » (liberais), et « décentralistes » de la Convention précédente. Elle rejetait un plan national d’éducation, en attribuant au Pouvoir central, la fonction d’établir les bases de l’éducation nationale. Avec la fin de l’État Nouveau, la Constitution de 1946 reprit en lignes générales, le chapitre sur l’éducation et la culture de la Constitution de 1934, initiant ainsi le processus de discussion duquel sortit la première Lei de Diretrizes e Bases da Educação – LDB ( Loi d’Orientations et Bases de l’Éducation).

Ce fut dans la période la plus cruelle de la dictature militaire durant laquelle quelqu’expression populaire que ce soit, contraire aux intérêts du gouvernement, était étouffée et souvent réprimée par la violence physique, que fut instituée la Loi 5.692, LDB en 1971. La caractéristique la plus marquante de cette Loi était la tentative de donner à la formation scolaire une dimension professionnalisante.

À la fin du régime militaire, la discussion sur les questions éducatives avait déjà perdu son sens pédagogique et prenait un caractère politique. Pour cela, une participation plus active de penseurs d’autres domaines de connaissances contribua à aborder l’éducation dans un sens plus ample en ce qui touche à l’école, à la salle de classe, à la pédagogie et à la didactique, à la relation entre les enseignants et les élèves, à la dynamique scolaire en elle-même. Empêchés de mener leurs activités dans leurs fonctions pour des questions politiques durant le Régime de la Dictature Militaire, des professionnels d’autres domaines, distants des connaissances du domaine pédagogique, vinrent assumer des postes dans le domaine de l’éducation et ainsi concrétiser des discours au nom du savoir pédagogique.

Un projet de loi pour une nouvelle LDB fut mis en route à la Chambre Fédérale – Câmara Federal par le député Octávio Elísio en 1988. L’année suivante, le député Jorge Hage envoya à la Chambre, une modification (substitutivo) du projet, et en 1992, le sénateur Darcy Ribeiro présenta un nouveau projet qui finit par être approuvé en décembre 1996, huit ans après l’initiative du député Octávio Elísio.

Comme nous pouvons constater dans l’histoire de l’éducation brésilienne, les lois sont chaque fois promulguées dans des contextes de débats tumultueux, situation à laquelle la loi actuelle en vigueur : Lei 9394/96 n’a pas échappé.

Ainsi la première Loi d’Éducation Brésilienne fut publiée le 20 décembre 1961 par le Président João Goulart, presque trente ans après qu’elle ont été prévue par la Constitution, celle de 1934. Le premier projet de loi fut mis en route par le pouvoir exécutif vers le pouvoir législatif en 1948, mais il fallut treize années de débats pour parvenir au texte final.

Les principales caractéristiques de la Loi d’Éducation Brésilienne de 1961 sont :

  1. Donner plus d’autonomie aux institutions des états en diminuant la centralisation du pouvoir au Ministère de l’Éducation et de la Culture – MEC (Art. 10)
  2. Réglementer l’existence des Conseils d’Éducation au niveau des états et du Conseil Fédéral d’Éducation (Art. 8 & 9)
  3. Garantir l’attribution de 12% du budget de l’Union et 20% des budgets municipaux pour l’éducation. (Art. 92)
  4. Attribuer l’argent public non exclusivement pour les institutions publiques d’enseignement. (Art. 93 & 95)
  5. Obligation de l’inscription au cours des quatre années de l’école primaire (Art. 30)
  6. Formation des enseignants de l’enseignement primaire dans l’enseignement normal du niveau du lycée (ginasial) ou du collège (colegial) (Art. 52 & 53)
  7. Formation des enseignants de l’enseignement secondaire (ensino médio) dans les cours du niveau supérieur (Art. 59)
  8. Une année scolaire de 180 jours (Art. 72)
  9. Enseignement religieux facultatif (Art. 97)

La seconde LDB fut promulguée en 1971 et publiée le 11 août 1971, durant le Régime de la Dictature Militaire par le Président Emílio Garrastazu Médici.

Les principales caractéristiques de la Loi d’Éducation Brésilienne de 1961 sont :

  1. Prévoir un noyau commun pour le curriculum du 1er et du 2nd degré et une partie diversifiée en fonction des particularités locales (Art. 4)
  2. Inclure l’éducation morale et civique, l’éducation physique, l’éducation artistique et des programmes de santé comme disciplines obligatoires du curriculum, hors de l’enseignement religieux facultatif (Art. 7)
  3. Une année scolaire de 180 jours (Art. 11)
  4. Enseignement du 1er degré obligatoire de 7 à 14 ans (Art. 20)
  5. Éducation à distance comme une modalité possible d’enseignement de soutien. (Art. 25)
  6. Pour les enseignants de l’enseignement de 1er degré, de la 1ère à la 4ème série, de préférence une formation spécifique au niveau du 2nd degré (Art. 30 & 77) ;
  7. Pour les enseignants de l’enseignement des 1er et 2nd degrés, de préférence une formation spécifique au niveau de la graduação (4 ans de l’enseignement supérieur) (Art. 30 & 77) ;
  8. Pour les spécialistes de l’éducation, une formation spécifique au niveau supérieur de graduação ou pós-graduação (Art. 33) ;
  9. Attribuer l’argent public non exclusivement pour les institutions publiques d’enseignement. (Art. 43 & 79)
  10. 20% du budget des municipalités doit être consacré à l’éducation, mais il n’est pas prévu de dotation budgetaire de l’Union ou des états (Art. 59)
  11. Progressive substitution de l’enseignement du 2nd degré gratuit par un système de bourses avec restitution (Art. 63)

Pour continuer, nous pouvons exposer les principales caractéristiques et quelques points de conflit de la LDB actuellement en vigueur au Brésil.