1.1.3. La formation critique et les technologies de l’information et de la communication.

La propagation des TIC dans l’éducation vient favoriser le développement de nouvelles approches de l’enseignement et de l’apprentissage ainsi que des stratégies pédagogiques qui mettent en avant les potentiels du réseau mondial de communication, Internet, avec la possibilité d’exploitation, de manipulation, de divulgation, d’analyse et de critique. Ceci permet de transformer en connaissances, une grande variété de textes, de documents vidéographiques, d’archives multimédia, de différents programmes en optant pour que cela intéresse réellement et fasse sens.

Ici apparaît le concept de réseau qui permet de concevoir l’école comme un réseau éducatif où les défis qui ont surgis, peuvent susciter les conditions du travail en équipe, à travers les échanges interactifs entre élèves et enseignants, entre les élèves, et entre ceux-ci et leur différentes références et contextes, comme les institutions sociales et culturelles, nationales et internationales en développant partenariats et échanges éducatifs. L’expérience du travail en réseau, les défis et la vie du travail en groupe face au contexte social qui demande collaboration et solidarité, entre les divers secteurs de l’école, entre les enseignants de différents domaines de connaissance, entre les élèves et/ou les classes en formation ou encore dans une formation réalisée à distance, sont autant de moyens pour les enseignants de comprendre les nuances de l’apprentissage par l’intermédiaire de l’informatique, et de construire des actions pédagogiques conscientes et cohérentes. Face à cette marque significative du développement des formes de production et de circulation de la connaissance humaine, il revient à l’école d’appréhender le réel qui est en train de naître d’une façon critique d’accompagner et guider son mouvement de telle façon que ses potentialités les plus positives émergent. Avec les ordinateurs et les réseaux associés à l’activité économique, la maitrise de ces technologies est devenue obligatoire, sous peine d’exclusion du marché du travail, dans ce qui est appelé exclusion numérique. Dans la vitesse des transformations technologiques, le savoir prend la forme d’un flux. Chaque fois davantage, travailler signifie apprendre, produire et transmettre de nouvelles connaissances, réinventer quotidiennement le travail même. La question que se profile, est celle du comment utiliser les ordinateurs et les réseaux comme des instruments efficients dans l’extension qualitative des processus d’enseignement et d’apprentissage ? L’utilisation des nouvelles technologies de communication et de l’interactivité dans l’éducation formelle exige bien plus que la simple installation de machines et de logiciels. Nous ne pouvons imaginer l’existence de pratiques éducatives que ne soient pas basées sur une théorie, une conception philosophique et sur une proposition méthodologique. Ce qui fait l’intérêt pédagogique d’une technologie est, avant tout, la pertinence des modèles d’apprentissage qu’elle permet d’employer. Quand il n’est pas utilisé dans un contexte pédagogique rénové, le réseau de réseaux Internet peut produire de nouvelles pratiques qui ne sont que la réplique de modèles d’enseignement traditionnels, inhibant les nouvelles potentialités que l’exploitation du cyberespace offre. Ainsi donc nous retrouvons là une forme d’éducation bancaire modernisée au sens de Paulo Freire.

L’intégration d’Internet dans le quotidien des écoles, en même temps qu’elle apporte de grandes potentialités intermédiées par de nouvelles et puissantes formes de communication et d’accès à l’information, accroît le niveau de complexité du processus de médiatisation entre l’enseignement et l’apprentissage. Il y a de grandes difficultés, surtout dans l’appropriation des techniques et dans leur application pédagogique. De par ses caractéristiques essentielles et inédites : simulation, accessibilité, virtualité, facilité d’accès à une source inépuisable et diversifiée d’informations, Internet nous place face à un défi, celui de construire une proposition différente d’enseignement. Mais la présence pure et simple d’ordinateurs interconnectés au réseau ne conduit pas les enseignants nécessairement à repenser leurs méthodes d’enseignement, et encore moins à inciter les élèves à adopter de nouvelles façons d’apprendre. Ainsi un autre vaste champ de recherche s’ouvre pour les penseurs de l’éducation contemporaine : concevoir, expérimenter, réfléchir et systématiser de nouvelles méthodologies, nouvelles pratiques éducatives qui incorpore Internet au processus d’enseignement-apprentissage. Le moment historique où Internet commence à être effectivement incorporé à l’école, représente une grande chance pour les enseignants celle de pouvoir se confronter à cette intégration en donnant des formes effectivement pédagogiques à l’appropriation du réseau de réseaux mondial d’ordinateurs comme un instrument d’appui aux processus d’enseignement et d’apprentissage, en ne laissant pas cette tâche aux seuls technocrates ou technologues de quelque nature que soit. Les processus de formation pensé seulement comme une activité intellectuelle, très souvent, détruisent l’occasion de connaître en intervenant sur le réel où sont présents les aspects cognitifs, sociaux et les différentes subjectivités qui constituent l’être humain. Apprendre et construire des connaissances doivent être intégrés aux pratiques vécues. La création et le développement de projets collaboratifs et interdisciplinaires favorisent la relation entre les domaines de connaissances, l’innovation dans la salle de classe, l’usage des technologies avec des instruments qui aident à développer les processus d’enseignement et d’apprentissage. Le thème de la formation des enseignants est en train de se détacher avec force dans divers pays du monde de ce début de XXIème siècle. L’intérêt porté à ce sujet est notable, non seulement entre chercheurs et professionnels de l’éducation, mais aussi parmi ceux qui ont la responsabilité directe ou indirecte de la définition des politiques d’éducation qui touchent, en particulier, les systèmes de professionnalisation. Au-delà de l’intense production théorique sur divers aspects impliqués par la formation des enseignants, un bon indicateur de l’importance attribuée à la thématique est la croissante circulation des informations sur ce sujet, qui découlent des échanges entre dirigeants et techniciens de différents pays et agences internationales. Mais il nous faut avoir conscience que le processus de formation des enseignants ne se produit pas au même rythme que l’élaboration des plans qui établissent la politique de l’enseignement. La temporalité de l’appropriation des compétences requises pour les enseignants par le nouveau scénario éducatif qui met à l’épreuve ces compétences, doit être prise en compte, car les nouveaux modèles en requièrent d’autres pour lesquels ils n’ont pas encore été formés.

Quand est discuté le problème de la formation des enseignants, deux questions sont mises en évidence. La première concerne le fait d’avoir une distance significative entre le profil d’enseignant requis dans les politiques publiques d’éducation et le profil existant. La seconde touche aux modèles de formation actuels, car les cours de formation des enseignants ont été organisés dans une société qui s’inscrivait dans d’autres valeurs (valeurs humanistes contre valeurs technologiques). Il est important de faire ressortir que cette inadéquation entre les modalités et contenus de la formation des enseignants et les besoins et la pratique est en train de se produire dans différents pays du monde, principalement en ce qui touche aux aspects technologiques qui pénètrent l’école.

Des auteurs comme : Perrenoud (2002), Van Zanten (2000), Tardif (1999), Lessard (1994), Morin (1992) mettent l’accent sur la nécessité d’apporter une attention toute spéciale à la préparation des enseignants dans le contexte des réformes éducatives actuelles de par les nouvelles exigences que l’école et les enseignants doivent assumer pour répondre aux demandes du monde contemporain.

Nous savons qu’avec l’arrivée de la modernité, les connaissances deviennent relatives, temporelles et temporaires, tandis que l’école exige des connaissances solides pour avoir un référentiel d’analyse et de dialogues avec le monde moderne, sans quoi elle va succomber à l’oubli et au manque de références pour les sociétés futures. Pour ceci, les savoirs construits historiquement doivent être préservés. Le processus de formation inclut divers aspects de la tradition, de la culture, du contexte et de la réalité socio-économique, ce qui nous nommerions dans la perspective de Freire (1994) une réflexion sur l’homme et ses relations avec le monde. Pour que cette réflexion soit effective, nous avons besoin de connaître ce processus et pour cele il nous faut des instruments pour construire cette réflexion, ou encore, il nous faut des formulations théoriques élaborées. Dans le cas contraire, ce serait une contradiction de requérir des enseignants qu’ils forment des élèves critiques, créatifs, innovateurs, aptes à vivre avec le monde des technologies et des informations, si ceux-ci mêmes n’ont pas développé ces compétences dans le cours des processus de formation. Delà, il convient de rappeler l’importance qui doit être attribuée à la formulation des programmes d’enseignement, à la compréhension des politiques d’éducation, à leur cohérence avec le présupposés d’un réel processus d’éducation et de formation, car parfois les enseignants sont simplement entraînés mais pas formés.

Tardif, Lesard et Gauthier (1998) considèrent qu’une réforme est plus profonde quand elle touche aux diverses dimensions constitutives des identités des groupes comme : savoirs, compétences, positions en relation au système de formation des enseignants, leurs activités et fonctions, relations établies parmi d’autres aspects. Le projet de formation et de professionnalisation des enseignants est une réponse à une situation globale, qui met en jeu tout le système scolaire et les valeurs attribuées. Selon Gadotti (2007), la mondialisation exerce de profonds impacts sur l’éducation dans différentes dimensions et celles-ci seront d’autant plus évidentes que ce phénomène sera appréhendé par les nations, régions et localités. Il dit que le rôle des institutions éducatives n’est pas seulement transmettre des connaissances nécessaires à l’économie mondiale, mais aussi de réinsérer les individus dans de nouvelles sociétés construites autour de l’information et du savoir. Carnoy (cité par Gadotti 2007) considère que la globalisation est surtout un phénomène provoqué par l’expansion des moyens de communication et nouvelles technologies de l’information qui apportent des bénéfices pour la société actuelle. Cependant nous ne pouvons parler de société en réseau, de société de la connaissance sans faire une analyse de son rôle politique et social en relation à la connaissance. Quand les propositions sont établies au niveau mondial, quelques questions pertinentes méritent d’être abordées : quelle est la fonction social de la connaissance qui est en train de voir requises ? à qui et à quoi sert cette connaissance ?

Nous ne pouvons hésiter pour commencer à répondre à ces questions, et pour cela nous proposons les points suivants : les réformes éducatives sont aussi des conséquences de la restructuration de l’économie et de leurs relations avec la société civile, basée sur la production de biens et de services, mais surtout sur le contrôle de l’information, de la connaissance et des savoirs. Pour cela, le marché a intérêt à développer un capital de connaissance et de compétences adaptables au contexte, tant en relation avec les connaissances qu’avec les méthodologies et les espaces formatifs. Ainsi donc, en traitant des changements de paradigmes et de valeurs dans la société, la formation de l’enseignant apparaît comme prioritaire. Mais les personnes ne se forment pas à la même vitesse que se produisent les transformations dans le monde de l’économie et des technologies, c’est pourquoi un sentiment d’échec, une sensation de non réalisé et donc un sentiment de crise s’installent. Surgissent alors des nombreux débats sans issues autour de la crise d’identité professionnelle des enseignants. Cette situation s’aggrave dans les pays où la reconnaissance de la formation se réalise seulement dans les discussions sur les conditions de travail et de salaire de ces professionnels.

Pires (2000) analyse la question de la crise d’identité des professeurs au Brésil et constate que celle-ci est liée au processus de formation et à la manière dont les politiques d’éducation dans le pays l’abordent. Il considère aussi que la formation des enseignants est un des grands défis des politiques publiques, de par l’expansion accélérée du système et par l’accroissement des besoins de la pratique.

Braslavsky (cité par Philippar et Vandevelde, 2001), analysant les réformes éducatives des années 80 et 90 dans différents pays du monde, dit qu’il n’est pas possible de développer la qualité et l’équité de l’éducation sans mettre à la disposition de la société, de nouvelles structures éducatives. Nous ne pouvons exiger des enseignants, des pratiques innovatrices, si nous continuons à les former dans des structures anciennes fragmentées, décontextualisées et dépassées. Le travail de l’enseignant, de par sa complexité, requiert une solide formation initiale, capable de lui donner des éléments pour continuer son processus formatif tut au long de sa trajectoire professionnelle à travers des cours de formation continuée, de recherche sur sa propre pratique. Il requiert des actualisations théoriques des discussions produites dans les contextes de la formation afin de pouvoir s’instrumentaliser avec des éléments de réflexion sur sa pratique.

Selon Siboni (cité par Laville, 2001), chaque enseignant sait que ce qu’il enseigne, n’est pas seulement sa matière pour laquelle il est rémunéré, mais qu’en même temps, près d’elle, à côté d’elle, autour d’elle, il enseigne autre chose, quoi ? Tout ce qui concerne l’être, le monde et sa compréhension. Il montre que ce qu’un homme transmet, est ce qui le passionne, ou le passionnerait ; un être faible que se montre fort ; un être fort qui a des défaillances ou qui accepte ses limites ; un être qui a peur ou qui accepte l’inconnu ; un être qui se met à accepter l’inconnu à condition de prévenir ; un être sensible qui se laisse voir ainsi ou qui ne laisse rien passer. Un être qui vit ce qu’il enseigne. Un être qui a ou n’a pas, peu importe, son idée, sa méthode directive ou non, au-delà d’une certaine tension de l’être.

Tardif et Lessard (1999), en analysant les activités réalisées par l’enseignant dans le pays anglo-saxon, a constaté que nombre d’entre eux dépassent les 40 heures de travail hebdomadaires, quand ils s’engagent a fond dans leur tâche pour développer des activités intenses et variées, en relation aux interactions avec les élèves dans le processus pédagogique, en relation avec leurs pairs, en relation avec l’implication dans des projets éducatifs et dans quelques activités administratives de l’école et de la communauté. Ils considèrent que l’organisation et le travail concret de l’enseignant se déploient, surtout, à travers un rituel de préparation, de temps, d’espaces, d’activités, d’évaluations, mais aussi, de contrôle des actions imprévisibles du processus pédagogique et de gestion collective. Enfin l’enseignant doit assurer un environnement stable et propice à l’apprentissage scolaire, sans oublier de porter une attention spéciale à la dynamique générale de la classe et de la leçon et à la manière de traiter les connaissances scolaires.

Commentant les données d’EURYDICE, Maroy (2005) dit qu’une des grandes problématiques émergente dans les débats politiques au sein des pays européens est celle de la modification du profil de compétences attendues des enseignants et de leur formation. Ce profil se configure, en général, autour d’activités administratives et gestion scolaire, du savoir utiliser les nouvelles technologies de l’information et de la communication, de promouvoir les droits de l’homme et l’éducation civique, mais aussi de former les élèves dans la perspective de l’apprentissage tout au long de la vie.

Dierkens (2005) dit que la recherche pour l’enseignant est un instrument de la pédagogie active qui incite à comprendre, élucider et découvrir les mécanismes cachés et les relations d’interdépendances des événements qui se produisent dans l’activité d’enseignement. Nous croyons que notre action et nos réflexions sur l’univers de l’organisation du travail pédagogique, incluant la réflexion et l’action enseignante, ne se font pas sous forme inconsciente et neutre. Le processus d’intervention sur le réel doit être orienté par un ensemble de connaissances construites et accumulées socialement qui nous permettent de pénétrer le monde du pseudo-concret, pour une meilleure compréhension des phénomènes (Kosik, 1976)

Dans la société de la connaissance, le développement de la compétence critique est indispensable pour l’enseignant. Nous ne la prenons pas ici au sens de Vergnaud mais dans celui de la capacité d’identifier tuations les situations nouvelles, réfléchir sur celles-ci et de proposer des solutions pour la réalité présente. Celle-ci est nécessaire pour questionner la réalité qui se présente et pour agir sur elle. Cette compétence inclut les compétences techniques et scientifiques qui viendront renforcer l’action de l’enseignant mais aussi les multiples dimensions du sujet individuel et social.