1.4.4. La formation continuée.

Au Brésil, la poursuite de la formation au cours de la vie professionnelle est désignée par formation continuée. Elle est considérée comme une stratégie fondamentale dans la qualification des enseignants. Toutefois cette notion de formation continuée relève de plusieurs conceptions. Il peut s’agir de l’acquisition d’informations ou même de compétences par l’intermédiaire de cours, de conférences ou de séminaires. Cette notion peut aussi prendre le sens de processus continu de réflexion sur la pratique scolaire. la formation continuée présente des caractéristiques et des sens particuliers qui se déploient sous des formes institutionnalisées multiples. Son contenu même est diversifié et le temps qui lui est consacré est flexible et plus ou moins allégé. La question de la formation des enseignants pose généralement la question du rapport entre formation et opérationnalisation de l’action professionnelle (Barbier 1996 ; Tardif, Lessard et Gauthier, 1998 ; Perrenoud, 2001 ; Lenoir 2005).

En France depuis 1998, en application d’un Décret du Ministère de l’Éducation Nationale, les IUFM durent aussi prendre en compte la formation continuée des enseignants du premier et du second degré. Cette formation continuée a comme objectif d’accompagner les enseignants dès le début de leur carrière professionnelle, de les accompagner dans le processus d’adaptation dans les écoles, mais aussi de proposer une formation tout au long de la vie professionnelle de telle qu’ils puissent plus facilement s’adapter aux mutations et aux changements qui se produisent dans le système éducatif.

Plus généralement la préoccupation avec la formation initiale et la formation continuée des enseignants doit être un point central des politiques publiques d’éducation. Pour revenir à la notion de formation continuée, Seddon (2005) cité par Tardif et Lessard (2005) considère que celle-ci est un concept pluriel qui incorpore une logique sociale référée à une situation socioprofessionnelle du moment présent. Mais elle a aussi une logique didactique (pédagogique) reliée aux contenus et aux méthodes d’enseignant et une logique psychologique reliée au fonctionnement du sujet dans une perspective de développement. Ainsi la formation des enseignants peut être considérée comme résultante des interactions entre ces trois logiques : logique sociale, logique didactique et pédagogique, logique psychologique et non comme une simple juxtaposition de celles-ci. Pour que l’enseignant puisse agir comme un professionnel, il doit, au-delà du domaine des connaissances spécifiques autour desquelles il devra travailler, avoir aussi atteindre un niveau de compréhension suffisant des questions impliquées dans son travail et de son identité, un niveau suffisant d’autonomie pour prendre des décisions et assumer la responsabilité des options choisies. Être un professionnel de l’enseignement est aussi avoir un niveau de compétences suffisant pour évaluer sa propre action de manière critique, ce qui le conduit à interagir comparativement avec sa communauté professionnelle et avec la société. Les enseignants sont des acteurs protagonistes des transformations. Cette notion même de changement, parfois, suscite des sentiments négatifs, car le changement requiert une rupture avec le passé et l’idée d’incompétence, des sentiments contradictoires qui poussent nombre d’enseignants vers un retour à l’ « ancienne école » (Teodoro, 2003). C’est pourquoi cette formation devra développer des compétences pour assumer les tâches, mais aussi des valeurs qui ouvrent la possibilité de comprendre les raisons d’enseigner un contenu, et de plus, que l’acte même d’enseigner est source de développement de compétences qui aident l’enseignant dans l’organisation de son travail. Un tel développement est considéré comme pouvant se réaliser au travers d’une action théorico-pratique dans le cadre d’une systématisation théorique articulée avec le faire et le faire avec l’action. Pour Acioly-Régnier et Monin (2008), la formation des enseignants requiert la prise en compte des éléments issus de l’expérience dans le moment même où cet enseignant se confronte aux situations réelles, mais aussi des éléments issus d’une formation universitaire approfondie qui va servir de référentiel aux réflexions sur son activité.

Notons, par ailleurs, que la fragmentation de la formation avec un manque d’articulation entre les contenus des différents domaines de la connaissance a été un des facteurs déterminants des problèmes de formation professionnelle des enseignants pour l’enseignement fondamental – ensino fundamental, car l’exercice de leur activité exige la polyvalence. Cette polyvalence de la fonction du professeur de l’enseignement primaire oblige à transiter par différents champs disciplinaires, ce qui complexifie son activité. Cependant assumer une posture interdisciplinaire aiderait, très vraisemblablement, à donner plus de sens aux connaissances travaillées en salle de classe et faciliterait l’action enseignante. Mais une fois de plus, la vigilance épistémologique devra être de mise afin qu’un concept ne se superpose pas à un autre, ce risque apparaissant avec le travail interdisciplinaire.

Gadotti (2003) considère que le processus de formation continuée des enseignants est une opportunité fondamentale pour réaliser une réflexion sur la pratique, mais c’est aussi un cadre pertinent pour une formation politique permettant de comprendre ce qui est en train de se passer. À côté de cela, il est bon de rappeler que les enseignants dans l’exercice même de leur métier sont confrontés à des défis de la professionnalisation et de l’identité professionnelle, eux-mêmes reliés à des questions actuelles d’ordre social, économique et culturel. Pour ce faire, les enseignants sont aussi engagés, tout au moins pour une part d’entre eux, dans une lutte pour (re)valorisation professionnelle, pour une amélioration des conditions de travail au travers de leurs revendications. Il voit dans ce processus une ressource pour que les enseignants puissent exercer leur activité avec plus de compétences et moins de souffrance. La prise de conscience des professeurs à l’égard du contexte actuelle de leur activité est d’une extrême importance car elle pourrait aider à diminuer le sentiment de culpabilité en lien avec ce cadre très complexe et qui dépasse le simple manque de formation ou même une formation inadaptée. Cette complexité accentue les échecs, même quand une ingénierie didactique qui vise à développer des méthodes sophistiquées d’enseignement, ou même si de solides discussions théoriques sur les difficultés sont apparues lors du processus d’enseignement-apprentissage.

Si nous retournons au niveau plus large de l’internationalisation, au cours des dernières décennies, il faut se rappeler l’apparition de nouvelles exigences à l’égard de la communauté professionnelle des éducateurs, manifestée par une société globale. De là nous pouvons souligner que, dans cette perspective, il y a tout lieu de considérer la professionnalisation de l’enseignant et la formation pour enseigner comme un mouvement quasi universel, en même temps comme un horizon commun vers lequel convergent les dirigeants politiques du domaine de l’éducation, les réformes des institutions éducatives et les nouvelles idéologies de formation et d’enseignement. ( Tardif, Lessard et Gauthier, 1998; Tardif et Lessard, 1999). De ce sens, il semble pertinent d’aborder cette thématique sous l’angle d’une conception socio-historique du professionnel de l’éducation en la contextualisant et en stimulant l’analyse politique de l’éducation, mais sous l’angle de la prise en compte des luttes historiques conduites par ces professionnels en articulation avec les mouvements sociaux, c’est à dire sous l’angle de l’histoire des mouvements sociaux pour l’éducation.

Ainsi incorporer la conception de la formation continuée à celle de la formation tout au long de la vie est tout à fait pertinent et souhaitable en considérant cette formation continuée comme une forme de ré-appropriation des connaissances et des expériences générées dans le mouvement de la société. Toutefois cette conception ne peut laisser de côté la formation théorique universitaire qui offre la possibilité de l’autonomie et de l’indépendance intellectuelle ainsi que l’orientation de son propre processus de formation comme forme de résistance aux déterminations externes du caractère de la formation, dans la voie du perfectionnement personnel et professionnel. Fait partie des savoirs professionnels des enseignants, le savoir se questionner constamment sur ce qui est en train d’être fait, considérant que le professeur est toujours dans un processus de construction du sens de son action.Le pouvoir de l’enseignant réside dans sa capacité de réflexion critique. (Gadotti, 2003).

A ce niveau, nous pouvons alors réintroduire la question de l’interdisciplinarité qui se pose, chaque fois avec plus évidence, comme une proposition désirée pour les programmes de formations des enseignants. Avec sa polysémie, ce terme d’interdisciplinarité a suscité des premières propositions qui furent critiquées en raison de la complexité chargée par la notion même. Cependant avec plus 40 ans de mouvement en Europe, cette approche interdisciplinaire  continue à être d’actualité et reste à l’ordre du jour avec le désir d’une introduction effective dans les programmes scolaires, mais elle commence aussi à être pensée comme une proposition dans les programmes de formation des enseignants.

Rappelons que l’interdisciplinarité peut être aussi définie comme le travail en équipe selon un principe coopératif en minimisant la fragmentation dans le processus pédagogique. Les institutions scolaires commencèrent à se rendre compte que les disciplines présentes dans les programmes sont le fruit de découpages arbitraires qui ne correspondent plus bien à l’identité actuelle des nouveaux savoirs. L’interdisciplinarité est alors une des multiple tentative d’établir des relations entre les disciplines scolaires dans les processus d’enseignement et d’apprentissage.

Vivre intensément le travail collectif et interdisciplinaire sous une forme problématisée et problématisatrice, en tant qu’orientation du travail enseignant peut permettre la création de nouvelles formes d’organisation du travail pédagogique à l’école. Cette approche vise à affronter et dépasser la fragmentation entre les disciplines et les contenus des programmes, dans une direction d’unité méthodologique. De là nous pouvons repenser et expérimenter des structures plus dynamiques pour les cours de formation des enseignants et pour les programmes comme, par exemple, la préparation pour que tous trouvent des conditions de développement des apprentissages durant toute la vie et pour que tous puissent répondre aux exigences émergentes dans les processus de changements sociaux.