2.3.1. Le champ de l’expérience et le champ conceptuel

Le champ de l’expérience du sujet (enfant, adolescent ou adulte) comprend l’expérience de la vie quotidienne extra-scolaire mais aussi l’expérience scolaire, professionnelle et de formation. Cependant, pour analyser le développement de compétences et de conceptualisations chez le sujet dans le développement de son activité, il est indispensable de délimiter des objectifs d’étude, et des unités d’étude plus petites que l’expérience totale. Dans ce sens, la théorie des champs conceptuels nous permet d’analyser l’expérience dans un champ plus large et l’expérience associée à des domaines particuliers, en nous permettant une étude des sous-champs d’expérience autour des idées, de situations et des concepts. Il s’agit ainsi d’une réponse théorique et méthodologique à des problématiques de recherches comme celles que nous développons dans cette thèse.

La conceptualisation est un processus lent qui a pour objectif l’identification des objets du monde, de leurs propriétés et relations. Dans cette perspective, le concept est une ensemble de situations, d’invariants opératoires (concepts en acte et théorèmes en acte) et un ensemble de signifiants.

Une approche du développement de compétences et de conceptualisations conduit nécessairement à étudier une variété de situations. Mais une situation ne peut être analysée avec un seul concept et le chercheur doit prendre comme objet d’étude un ensemble de situations et un ensemble de concepts.

Ces concepts forment des systèmes dans lesquels l’organisation est progressive et jamais terminée, comme par exemple, le champ conceptuel des structures additives en mathématiques. Celui-ci se développe dans une longue période temporelle, de 3-4 ans jusqu’à la fin des études secondaires et dans cette période on observe encore des erreurs de conceptualisation y compris chez les adultes. Le champ conceptuel de la morale est aussi un lieu d’un développement lent et complexe que va des premières années de vie jusqu’à l’âge adulte.

Même si nous pouvons identifier des champs conceptuels plus restreints dans certains registres d’activité comme la compréhension des textes narratifs à l’école élémentaire, la mécanique du mouvement au lycée, etc., il paraît dans le cadre conceptuel développé ici dangereux d’isoler des objets trop petits par le risque de ne pas pouvoir atteindre les processus de développement de compétence et de conceptualisation.

Ces processus peuvent se constituer comme des analogies, des métaphores et des glissements de sens. À partir de certaines régularités, observées dans le réel et constamment reproduites par les sujets, nous pouvons observer de constructions conceptuelles de haut niveau n’ayant que très peu de relations avec les régularités du réel. Pour cela, sans le langage et les symbolismes développés culturellement, il est impossible d’identifier ces constructions conceptuelles.

Ainsi, cette approche théorique nous met en garde lors d’une étude sur les pratiques enseignant(e)s d’une vision réductionniste de la notion de compétence et de conceptualisation. L’ouverture qui offre cette perspective théorique nous permet une analyse de variables contextuelles plus larges.