3. L’interdisciplinarité comme un amplificateur de l’action pédagogique

3.1. L’origine du mouvement autour de l’interdisciplinarité.

Selon Pistrak (2000), les contenus et méthodes d’enseignement doivent offrir des principes qui rendent possible une évaluation morale de la condition humaine mais aussi des instruments de lutte pour son existence. Les connaissances doivent être vivantes et concrètes, et liées de façon indissoluble aux expériences de vie des élèves et aux exigences historiques de la société présente.

Nous considérons que l’interdisciplinarité est une possibilité de traiter la connaissance scolaire en considérant toutes ces variables en étant même un catalyseur des pratiques éducatives par la possibilité de dialogue entre les plusieurs domaines de la connaissance.

Dans les 30 dernières années, l’interdisciplinarité en tant que pratique pédagogique est conçue comme un défi dans le champ de l’éducation car elle implique des processus d’interaction entre les pairs, une planification commune des tâches et une élaboration de projets avec le concours de plusieurs disciplines. Ceci exige un temps supplémentaire que la plupart des enseignant(e)s ne semblent pas avoir.

Le mouvement interdisciplinaire a surgit en Europe dans les années 60, initialement comme une tentative de clarification et de classification des thématiques de propositions éducatives et ayant pour objectif une rupture d’une science fragmentée qui a guidé les programmes scolaires.

Un des précurseurs des études sur l’interdisciplinarité a été George Gusdorf, qui a présenté en 1961, à l’UNESCO, un projet pour construire un travail en sciences humaines qui cherchait une convergence pour l’unité humaine. Ce projet proposait d’analyser les conditions d’un travail interdisciplinaire pour une étude plus fine des relations et interrelations entre les sciences.

Au début des études sur cette thématique, certaines critiques ont émergé tels que : le danger de sa constitution comme une science appliquée (Palmade, 1997 cité par Fazenda, 1994) ; danger d’un effet de mode dans l’absence d’études fines sur les origines de ce mouvement et de ses influences ; risques de généralisation ; critique de se constituer comme un mouvement illuministe en s’articulant avec une discussion épistémologique transcendantale.

Les discussions commencent à atteindre un stade de plus grande maturité dans le champ de l’éducation et débutent à surgir des groupes d’études plus solides (Fazenda 2001)

Fazenda (1995) partage et configure la discussion des dernières 30 années en trois moments :

  1. Le premier, dans les années 70 : construction épistémologique, explication philosophique et définitions conceptuelles ;
  2. Le second, dans les années 80 : explication de contradictions épistémologiques à partir d’un courant sociologique et une méthode ;
  3. Le troisième, dans les années 90 : construction d’un nouvelle épistémologie, tentative de travailler un projet anthropologique dans la construction d’une théorie interdisciplinaire.

La proposition de l’interdisciplinarité vient s’opposer au paradigme cartésien, dans lequel les disciplines sont traitées de façon fragmentée et « atomisée », en niant une vision plus large de la connaissance et par conséquent, de la pratique sociale.

Discipline est conçue ici comme une manière d’organiser et de délimiter un territoire de travail, de concentrer la recherche et les expériences dans un angle bien déterminée. Du point de vue historique, la tendance à la différentiation de la connaissance en une multitude de disciplines autonomes est quelque chose qui se développe dès le début du XIXème siècle , en étant liée aux processus de transformation sociale qui a eu lieu dans les pays européens plus développés. Ceux-ci avaient besoin d’une spécialisation en cohérence avec la division matérielle du processus de production favorisée par l’industrialisation.

Selon Ferreira (1998) le modèle hégémonique de science a été initié avec Descartes et a été au fur et à mesure élargie à la société en apportant des éléments important aux processus de construction de la connaissance scientifique. À partir de ce modèle et d’une vision mécaniciste du monde, Bacon (1561-1622) et Montesquieu (1689-1755), entre autre, ont proposé qu’il fût possible de découvrir les lois de la société de la même façon qu’il est possible de découvrir les lois de la nature

‘“(...) l’étude de la société doit obéir aux mêmes principes épistémologiques et méthodologiques qui sont à la base de l’étude de phénomènes de la nature. Les faits sociaux doivent être analysés, à partir de leurs dimensions externes, observables et mensurables, donc objectives » (Ferreira, 1998, p. 19).’

Ce paradigme qui s’est constitué de façon hégémonique comme le modèle de la science moderne, a eu des effets sur les programmes scolaires, qui sont alors fortement influencés par la rationalité technique.

Dans ce processus de fragmentation de la connaissance, l’être humain passe à agir alors de façon compartimentée, en ayant des difficultés à comprendre un phénomène en sa totalité qu’ici ne signifie pas tous les faits.

‘“Totalité signifie : réalité comme un tout structuré, dialectique, dans lequel ou duquel un fait, une classe quelconque de faits, un ensemble de faits puisse venir à être rationalité entendue » (Kosik, 1976, p.44).’

Dans ce sens, la totalité ne signifie pas tout, mais tous les mécanismes et articulations essentielles qui unissent l’objet d’étude à des événements spécifiques.

Pour Frigotto (1998), la nécessité de l’interdisciplinarité pour la production et socialisation de la connaissance découle de la propre façon production de l’être humain en tant qu’être social et sujet et objet de la connaissance sociale.

Le caractère unique et diversifié de la réalité sociale nous impose de distinguer le limites réelles des sujets chercheurs et les limites réelles de l’objet de recherche. Cependant, délimiter un objet de recherche n’est pas le fragmenter, ou le réduire de façon arbitraire car celui-ci ne peut pas perdre le tissu de la totalité de laquelle il est une partie indissociable.

Certains problèmes auxquels nous pouvons nous confronter dans la réalisation d’un travail interdisciplinaire sont :

  1. les limites du sujet qui cherche à construire la connaissance d’une réalité déterminée ; qui sont générées par les différentes conceptions théoriques et idéologiques, par les traits spécifiques personnels et culturels et par les limite physiques et temporelles ;
  2. le conformisme théorique et culturel ;
  3. la complexité de la réalité et son caractère historique ;
  4. la prédominance d’une formation fragmentaire, positiviste et métaphysique des éducateurs, mais aussi, la division et l’organisation du travail.

Les déterminations historiques, matérielles et culturelles sont peut-être celles les moins pris en compte tant dans la production des connaissances que dans sa socialisation dans des différents processus pédagogiques (à l’école, dans les partis politiques, dans les syndicats). On observe cependant qu’il s’agit de déterminations qui imposent les plus de limites.