2.2. La reformulation des programmes (currículos) : de la déclaration à la réalité de terrain.

Les lois de l’éducation expriment la matérialisation de politiques pensées à un niveau national et/ou mondial. Ces lois sont élaborées et s’intègrent à un ensemble de prescriptions éducatives qui sont réglementées au travers de décrets et de rapports officiels. Ainsi, les réformes éducatives demandent des nouveaux programmes/curricula et, par conséquent, de nouveaux processus de formation.

Nous présenterons plus loin quelques caractéristiques générales de la loi d’éducation en vigueur au Brésil et en France ainsi que de documents complémentaires (PCN, “Socle commun de connaissance et de compétences”) issus de réformes de 1996 (au Brésil) et de 2005 (en France).

Dans la loi de l’éducation brésilienne, les PCNs ont pour fonction subsidier l’élaboration ou la révision curriculaire des états et des municipalités dans un dialogue permanent avec les propositions déjà existantes. Ils visent à promouvoir la discussion pédagogique interne aux écoles et à l’élaboration de projets éducatifs pouvant servir comme matériel de réflexion pour la formation des enseignants. Les PCNs constituent, à un premier niveau, une concrétisation curriculaire; Il s’agit de références nationales pour l’enseignement primaire. Ils établissent des objectifs vers lesquels doivent converger les actions politiques du Ministère de l’éducation, tels que les projets liés aux formations initiales et continuées des enseignants.

Le deuxième niveau de concrétisation curriculaire au Brésil a lieu dans les états de l’Union et les municipalités des états. Les PCNs sont utilisés, dans ce cas, comme des ressources pour les adaptations ou élaborations curriculaires réalisées par les secrétariats de l’éducation des états et des municipalités et définies par les responsables locaux.

Le troisième niveau de concrétisation fait référence à l’élaboration de la proposition curriculaire de chaque institution scolaire, contextualisée dans la discussion de chaque projet éducatif. Nous entendons par projet éducatif, l’expression de l’identité de chaque école dans un processus dynamique de discussion, de réflexion et d’élaboration continue.

En France, le code de l’éducation en vigueur a été officialisé au cours de l’année 1989, mais fut modifié par la loi de 2005, en passant aussi par un processus de réglementation, au travers de la publication des textes : décrets, arrêtés, circulaires, diffusés par le Bulletin Officiels de l’Éducation National (B.O.E.N.) ;.

La base curriculaire officielle en France se présente par le texte du “Socle commum” qui doit servir de référentiel minimum de connaissances et de compétences devant être développées par les élèves et respectées par les écoles de chaque région en France.

Cette base commune de connaissances a été établie dans la loi du 23 avril 200520, dans l’article 9 qui considère que le principe de l’obligation scolaire doit au moins assurer à chaque élève les moyens nécessaires à l’acquisition d’une base commune de connaissances et des compétences indispensables à la continuité de la scolarisation et de la formation, nécessaires pour leur avenir.

Le “socle commun” inclut un ensemble d’énoncés de valeurs, de recommandations visant les pratiques pédagogiques, et de la place des langues dans un espace européen. L’idée de socle commun est basée aussi sur une recommandation du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne en matière de compétences-clés pour l’éducation et l’apprentissage tout au long de la vie. Les évaluations internationales (comme le PISA) proposent des indicateurs pour établir des comparaison entre les différents pays membres de l’union européenne concernant ces connaissances et compétences nécessaires tout au long de la vie. Nous ne discuterons pas la nature de ces indicateurs ni leurs modalités de construction.

La base commune s’organise en sept compétences : domaine de la langue française, la pratique d’une langue étrangère, les principes élémentaires de mathématique, le domaine de techniques usuelles de l’information et de la communication, la culture humaniste, les compétences sociales et civiques, l’autonomie et l’initiative.

Au Brésil, comme en France, l’apprentissage de la langue maternelle, le domaine de concepts de base en mathématique, ainsi que la connaissance du monde physique et naturel, de la réalité sociale et politique son des composantes curriculaires des séries initiales de l’enseignement fondamentale (école élémentaire en France). Le tableau ci-dessous présente les objectifs décrits dans les lois n° 9694/96 (Brésil) e n° 89-486/1989 (France) pour ce niveau d’enseignement. Nous nous référons à la loi de 1989 comme base du système éducatif français parce que celle-ci est encore en vigueur avec des modifications apportées par la loi de 2005.

Tableau 15 : objectifs de l’enseignement fondamental – Brésil et France
Tableau 15 : objectifs de l’enseignement fondamental – Brésil et France

Au Brésil, l’histoire et les cultures africaine et indigène font partie des recommandations de la loi pour le curriculum comme un moyen de sauvegarde historique du processus de civilisation brésilienne. Cependant, les contenus techniques usuels de l’information et de la communication, et la langue vivante, qui font partie des recommandations dans la loi française, apparaissent dans le programme brésilien, seulement en 5ème série, soit l’équivalent de la classe de 6ème en France. La charge horaire minimale dans l’emploi du temps annuel est de 800 heures, distribuées dans le minimum de 200 jours ouvrables de travail scolaire. Ce volume horaire ne prend pas en compte le temps réservé aux examens finaux. L’emploi du temps doit respecter au minimum de 4 heures par jour.

En France, le volume horaire implique un minimum de 36 semaines totalisant 24 heures de cours hebdomadaire pour tous les élèves, soit 864 heures d’enseignement annuel.

Dans la structuration scolaire brésilienne, le volume horaire journalier pour les élèves de l’enseignement fondamental est relativement réduite en comparaison à la journée française. Dans celle-ci, les élèves sont toute la journée à l’école tandis qu’au Brésil les élèves fréquentent l’école soit le matin, soit l’après-midi. Cette condition peut pénaliser encore plus les élèves ne disposant pas d’une structure familiale capable de les aider dans les devoirs.

Au Brésil, l’évaluation scolaire des performances des élèves doit se centrer sur des aspects qualitatives des apprentissages par l’usage de processus d’évaluation continue et cumulative. Cela veut dire que le plus important c’est le suivi du développement cognitif de l’élève et non seulement le résultat final des évaluations.

En France, le processus d’évaluation scolaire est réalisé à partir d’une évaluation diagnostique suivie d’une évaluation sommative. Cependant, les aspects qualitatifs sont privilégiés dans les évaluations. Les résultats des évaluations sont établis par les enseignant(e)s et soumis au « Conseil des Maîtres » où sont ponctués les acquisitions précises des élèves et les décisions sont prises sur la validation de l’année scolaire et la poursuite dans l’année suivante par un passage dans la classe supérieure. Toutes les informations sont enregistrées dans le bulletin scolaire et envoyées aux parents qui doivent en prendre connaissance et le signer pour assurer de cette transmission d’information. Pendant toute l’année scolaire, des appréciations sur les attitudes et connaissances acquises par les élèves sont explicitées et communiquées à l’élève et aux parents.

Du point de vue du législateur, les processus évaluatifs partent du même principe, c’est-à-dire priorité est donnée aux aspects qualitatifs de l’évaluation.

En France et au Brésil, la scolarité des élèves est organisée en cycles à partir desquels sont définis les objectifs et programmes nationaux. Dans le tableau suivant, nous présentons une base générale de la formulation du curriculum dans l’enseignement primaire prescrite dans les lois brésiliennes et françaises.

Tableau 16 : contenus de l’enseignement fondamental – Brésil et France
Contenus décrits dans
LDB 9694/96 (Brésil) Loi n° 89-486/1989 (France)
B.O. hors série n° 3 de 19 juin 2008. Cycle des Approfondissements
Langue Portugaise
Mathématique
Connaissance du monde physique et naturel
Connaissance de la réalité sociale et politique, spécialement celle du Brésil
Musique
Histoire et Culture afro-brésilienne et indigène
Droits et devoirs des citoyens, respect au bien commun et à l’ordre démocratique
Langue Française
Mathématique
Éducation physique et sportive
Sciences expérimentales et technologies
Culture Humaniste
Histoire et Géographie
Histoire des Arts
Techniques usuelles de l’information et de la communication
Découverte du monde
Pratiques artistiques et histoires des arts
Instruction civique et morale.

Nous pouvons observer que les deux curriculums présentent une base similaire. D’une manière générale, l’enseignement dans ce niveau doit rendre possible l’acquisition de connaissances de base et de compétences du type : expression orale et écrite, lecture, calcul, sensibilité artistique et aussi des notions d’éducation civique et morale.

Comme nous l’avons déjà dit dans les chapitres précédents, n’importe quel processus de réforme implique nécessairement un processus de formation des enseignant(e)s, car s’il y a des changements importants dans les propositions faites par les politiques d’éducation, elles doivent être accompagnées par les enseignant(e)s dans leurs processus de formation continuée.

Notes
20.

Loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école