2.5.3. Le rituel d’ouverture des cours

Nous présenterons ici quelques caractéristiques générales des pratiques observées au Brésil et en France en essayant d’identifier des éléments pouvant être considérés comme des rituels. Le premier élément est la forme d’ouverture des cours chez les enseignantes.

Tableau 29 : .Rituels d’ouverture des cours
  Enseignante L’enseignante commence le cours ... Formation Lieu de travail





Brésil
A Discussion sur les règles de conduite à être respectées en salle de classe. Écriture des fragments d’un roman au tableau noir.
Universitaire
École Publique
B Prière (Notre Père)
Activité de correction d’un devoir
École Normale École Publique
C Elle observe le devoir fait à la maison par les élèves mais ne les corrige pas Universitaire École Publique
D Elle demande si les élèves connaissent la différence entre « ordre » et « classe » Universitaire École Publique
E Prière
Elle demande aux élèves de regarder sur la chaise pour trouver des papiers avec des situations-problèmes à être résolues
Universitaire École Privée
F Prière
Elle présente les concepts mathématiques d’élévation à la puissance
Universitaire École Publique
France G Elle présente les situations –problèmes sur les fractions Universitaire École Publique

En analysant la façon d’initier les cours au Brésil, nous identifions un processus d’organisation de la formation des enseignant(e)s d’influence jésuite. Nous avons constaté la place prise par la prière dans l’ouverture des trois cours au Brésil, ce qui semble montrer l’influence religieuse dans l’organisation de l’enseignement primaire brésilien. Il faut remarquer que la laïcité est au Brésil, comme en France, un principe de l’école publique.

Comme nous avons dit plus haut, 3 cours de 9 observés sont initiés par une prière. Bien entendu, deux de ces cours ont eu lieu dans une école privée confessionnelle, et l’enseignante n’avait pas un vrai choix dans sa pratique de salle de classe concernant ce rituel. Cependant, le troisième a eu lieu dans une école publique où cette pratique n’est pas recommandée. Il s’agit ainsi d’un choix de l’enseignant(e). Ceci semble montrer la « conservation » de certains rituels de la forme initiale d’organisation de ces cours au Brésil, qui s’inspirent encore de certains principes du processus de colonisation et de ses modèles. Les écoles normales au Brésil, dont cette enseignante est issue, semble adopter des modèles plus prescriptifs et un rapport aux savoirs et aux concepts peu approfondi.

Il nous semble alors qu’il faut toujours être attentif aux nouvelles propositions de réduction des processus de formation imposées par des modèles économiques sans qu’une réflexion approfondie des conséquences des impactes sur les pratiques pédagogiques soit réalisée. De même, il nous semble importante d’expliciter les intentions et les idéologies sous-jacentes à ces réformes qui peuvent conduire à l’affaiblissement de la fonction enseignant(e) et de son niveau d’autonomie au sein de la salle de classe. Supprimer de la formation, des contenus que rendent possible la réflexion de sa propre activité, facilite les politiques de l’adéquation et une culture performative s’implante dans l’espace scolaire (Ball, 2001). Dans ce sens, nous rappelons qu’une de spécificités de la formation universitaire est de développer et de consolider des connaissances scientifiques permettant une prise de distance par rapport à l’action pédagogique et à un processus réflexif.

Le processus de formation des enseignant(e)s tant au Brésil qu’en France est constamment questionné dans ses relations théorie x pratique et sur les interactions complexes entre les concept scientifiques, les concepts pragmatiques d’origine empirique ou encore des concepts pragmatiques d’origine scientifique .( Acioly-Régnier e Monin, 2008). Une théorie sans action n’a pas de sens car cela peut être équivalent d’un discours dans un vide physique et social ; une action sans théorie conduit à l’absence de réflexion sur l’action. Ces deux aspects sont donc indissociables et négliger la complexité de cette relation peut conduire à des propositions de formation des enseignant(e)s basées sur le sens commun.

Partant des ces réflexions préliminaires, nous nous proposons de continuer cette discussion à partir de l’analyse de pratiques pédagogiques au Brésil et en France en essayant de pointer, au fur et à mesure, ces relations complexes théorie pratique. Nous présenterons initialement l’observation d’une classe de CM2 en France22 sur le contenu de fraction.

Notes
22.

Les images présentées ici ont été obtenues à partir de registres vidéographiques réalisés en salle de classe et avec l’autorisation écrite de l’école et des parents des élèves.