Introduction

Raisons du choix

La présente thèse se situe dans le prolongement du travail entamé au programme de Masters sur le thème de la communication sur le sida au Cameroun. Parce que présenté comme une maladie terriblement mortelle et incurable, avec des modes de transmission (sexe, sang, mère-enfant) qui apparaissent comme difficilement évitables, le sida semble laisser peu de chances à l’humanité. L’incapacité de la science à trouver des médicaments efficaces fait penser à une sorte d’apocalypse.

Seulement, l’apparition des couples dits discordants (ceux dans lesquels l’un des membres est séropositif, l’autre étant négatif), la longévité de certains séropositifs non pris en charge par la trithérapie alors que le discours des officiels ne leur accordait qu’une quinzaine de mois de survie au plus, et bien d’autres faits en rupture avec le discours officiel n’ont cessé de nous perturber. A ces constats viennent s’ajouter les débats portant tantôt sur l’origine de la pandémie, tantôt sur les modes de transmission. En effet, bien que le sida ait été découvert aux Etats-Unis, l’Afrique a aussitôt été présentée par certains chercheurs comme le berceau de cette calamité.

Par rapport aux conditions de son émergence, certains spécialistes expliquent qu’à l’origine, l’agent pathogène, le vih, est un virus simien (provenant du singe) qui a subi une mutation. Les avis divergent cependant sur les conditions de cette mutation. Pour les uns, il s’agit d’une mutation naturelle alors que d’autres soutiennent que cette mutation est le résultat d’une action humaine (manipulations de laboratoire).

Ces différents débats sont révélateurs de la pluralité des discours qui rendent compte de la réalité du sida au Cameroun. Nos travaux antérieurs ont mis en évidence deux principaux types de discours concurrents : ceux que nous avons qualifié de formels et normatifs, et ceux que nous avons appelé informels et discordants. Nous n’avons pas la prétention de trancher ces débats encore moins de nous y engager. Notre préoccupation va se focaliser sur l’absence de consensus entre les acteurs de la communication sur le sida au Cameroun. Plus de deux décennies après l’apparition de cette affection, la persistance de la divergence discursive est un problème qui mérite d’être clarifié. En effet, avec l’intense activité de sensibilisation menée par les institutions chargée de la lutte contre cette affection (OMS, ONUSIDA, UNESCO, UNICEF…), un rapprochement des points de vues en vue d’un discours unique était plus attendu et plus logique. Qu’est-ce qui explique la persistance des discours sur le sida et quelles sont les conditions qui permettent l’émergence de ces discours ? Telles sont les interrogations qui nous replongent dans ce sujet.