État des lieux

Voici plus de deux décennies que l’humanité est confrontée à ce « tueur sans visage » qu’est le syndrome immunodéficitaire acquis (sida). Malgré les connaissances accumulées dans les domaines de la biologie, de la chimie et des autres disciplines voisines, aucun vaccin n’est trouvé. Le rapport sur l’épidémie mondiale de SIDA 2004 affirme : « Deux décennies de lutte contre le SIDA nous ont apporté des succès majeurs et quelques leçons essentielles sur les approches qui marchent le mieux, même si nous sommes encore loin de pouvoir guérir la maladie». Face donc à l’incapacité de la science à guérir le sida, la lutte est restée focalisée sur la prévention.

Nos premières recherches, au cours du programme de Masters, nous ont révélé qu’au Cameroun, la sensibilisation s’inscrit dans un processus de communication aussi vaste que complexe, qui fait intervenir à la fois un discours formel et normatif, tenu par les autorités publiques camerounaises et les institutions internationales, et un discours informel et dissonant, tenu par les autres acteurs de la communication (les chercheurs dits dissidents et la masse). Parce que les deux types de discours ne disent pas la même chose ou mieux, parce qu’ils tendent à se contredire, ils se neutralisent.

Il faut ajouter que le sida, en tant que sujet de recherche scientifique fait aujourd’hui l’objet d’une abondante production intellectuelle. Entre autres types de publications consultées, nous pouvons évoquer : les publications des institutions nationales (CNLS, IRESCO) et internationales (ONUSIDA, OMS), les thèses et mémoires, les ouvrages de vulgarisation, les articles de presse (presse écrite, radio, télévision, Internet). Chacune de ces publications cadre avec l’un ou l’autre des deux types de discours développés sur le sida, et en même temps cherche à invalider les discours contradictoires. Dans tous les cas, quelle que soit la logique défendue, chacune de ces publications tente à sa manière d’expliquer le sida en tant qu’affection. C’est dans ce sens que sont abordés : la nature, le mode de fonctionnement, les modes de contamination et les méthodes de prévention. Les publications spécialisées dans le domaine de la communication s’intéressent, dans l’ensemble, à la transmission des connaissances en vue de la prévention du sida. Sont ainsi abordés : les stratégies de communication (ONUSIDA/ PENSTATE, 2000), les obstacles à la communication, les représentations sociales du sida, etc. Il y a là comme un écho apporté aux discours des biologistes

Les discours sur le sida, autant que les réalités véhiculées par ces discours ne semblent pas encore avoir suffisamment retenu l’attention des chercheurs en communication. En effet, nombre d’interrogations restent sans réponses : qu’est-ce qui explique la divergence des discours sur un même sujet (le sida) ? Y a-t-il derrière le concept de sida une réalité unique et figée, pouvant servir de référence à l’analyse des différents discours développés à ce sujet ? Qu’est-ce qui fonde les uns et les autres à tenir tel ou tel autre discours sur le sida ? Ce sont ces interrogations qui nous préoccupent dans ce travail.