Problématique

Plusieurs questions continuent à se poser aujourd’hui sur le sida. Certaines sont relatives à l’aspect biologique du discours sur le sida : à quoi renvoie la notion de couples discordants (aujourd’hui on dit sérodifférents), si tant est que le sida se transmet par voie sexuelle ? Dans les années 90, certains chercheurs ont déclaré avoir mis en évidence cinq mille cas de sida ont été diagnostiqués chez des personnes séronégatives1 Quelle explication donner à des cas de sida sans virus ? Certaines autres interrogations portent sur l’efficacité de la sensibilisation engagée par les pouvoirs publics en charge des questions de santé. Comment expliquer la grande expansion du sida, malgré une aussi grande sensibilisation ? Ces interrogations qui s’inscrivent dans le champ des sciences biologiques ne manquent cependant pas de préoccuper la plupart des personnes qui s’expriment sur le sida, qu’elles soient spécialistes ou non. Voilà qu’un sujet qu’on aurait dit réservé aux spécialistes se retrouve pris en charge par une pluralité de personnes représentant une variété de disciplines. Toutes ces interrogations nous amènent à recentrer notre problématique en formulant les observations suivantes :

La tendance générale des travaux que nous avons consultés est de considérer le discours officiel comme la référence et les autres, comme déviants. La validation du discours officiel, dans ce cas, se fonde sa prétention à la scientificité, les autres étant considérés comme « non scientifiques ». Cette dichotomie qui caractérise les études consultées ouvre la voie à la discussion, bien des discours non officiels revendiquant eux aussi la scientificité de leurs arguments.

En effet, des chercheurs de plus en plus nombreux et à la notoriété établie tels que Peter DUESBERG académicien américain présenté comme pionnier de la rétrovirologie, Kary MULLIS (Nobel de biologie 1993), Etienne de HARVEN (microscopiste électronicien), et bien d’autres encore tiennent des discours allant à l’encontre des discours officiels. Dans nos premiers travaux nous avons dressé une typologie primaire avec d’une part, ce que nous avons appelé les « discours formels et normatifs » et d’autre part, ceux que nous avons désigné par « discours informels et dissonants ». Cette typologie a été querellée. Il nous a été reproché d’avoir opposé « normatif » à « dissonant ». D’autre part, dissonant, dans son sens premier signifie « désagréable à entendre » et se prête ainsi à un jugement de valeur. Compte tenu de ces critiques, nous parlerons simplement de messages ou de discours dominants et, à l’opposé, de messages ou de discours dominés. La référence aux adjectifs dominants et dominés tient au fait que les différents discours en compétition sur le sida sont tous en quête de légitimité. Dans cette quête de légitimité, il existe des instances de validation qui permettent de considérer un type quelconque de message ou de discours comme valide et acceptable. Dès lors ceux qui leur sont opposés sont frappés d’illégitimité et même d’interdit. Les institutions publiques et les milieux financiers apparaissent comme ces instances de validation. Tel type de message ou tel type de discours sera donc dominant, du fait de sa pertinence, encore moins parce qu’il est tenu par un grand nombre de personnes mais parce qu’il est admis par les instances de validation. Dans le même sens, la dominance d’un message ou d’un discours ne relève pas de la compétence scientifique de l’énonciateur. Le caractère dominant d’un message ou d’un discours tient plutôt à sa validation par les instances de légitimation.

Dans le fond, qu’il soit légitime ou non, c’est-à-dire dominant ou dominé, les différents discours tenus sur le sida ne peuvent rester sans effet sur la compréhension de cette affection.

Ce contexte de pluralité des discours nous déplace du schéma de la transmission linéaire des messages, dans lequel s’inscrit la sensibilisation, pour nous situer désormais dans une transmission circulaire des messages, où chaque pôle est en réalité émetteur-récepteur (EMEREC). Il en résulte qu’une approche qui, comme la nôtre, tient compte de tous ces discours, ne peut plus aborder le problème en termes d’échec ou de succès, encore moins en termes d’efficacité et d’inefficacité. Toutefois, le rôle d’émetteur revêtu par les masses d’acteurs non compétents ouvre la voie à la rumeur et à la désinformation. La communication apparaît dès lors comme inaffectable à des objectifs de lutte. En effet, la communication par son essence est un processus de médiation qui fait jonction entre positions distantes. Elle rapproche les points de vue divergents, comme semblent l’être les discours dominants d’une part et les discours dominés d’autre part. Dire que la communication est inaffectable à des objectifs de lutte revient à disqualifier l’approche fonctionnaliste dans laquelle se sont inscrits la plupart (si ce n’est tous) des travaux traitant de la communication sur le sida. L’inéluctable constat d’échec, d’inefficacité ou de succès mitigé fait sur les stratégies en cours, semble confirmer notre réserve. En effet, malgré de multiples réajustements et autres corrections apportées à ces stratégies, ces recherches conduisent vers le même résultat, comme si elles étaient prédéterminées. Ce constat nous amène donc à penser que l’échec pourrait se trouver plutôt dans la posture générale de la recherche et les analyses qui en découlent.

La perspective fonctionnaliste, à notre avis, pose un certain nombre de problèmes :

Notes
1.

-FAUCIAS, CD4+T-Lymphocytopenia Without HIV Infection. No Lights, No Camera, Just Facts. NEJM 1993; 328: 429-443

-SMITH DK, NEAL JJ, HOLMBERG SD, and the Idiomatic CD4 T-Lymphocytopenia Task Force. Unexplained Opportunistic Infection and CD4 T-Lymphocytopenia. NEJM 1993; 328: 373-379

-HO DD, CAO Y. AHU T et al. Idiopathic CD4+ T-Lymphocytopenia- Immunodeficiency Without Evidence of HIV Infection. NEJM 1993; 328: 380-385

-SPIRA TJ. JONES BM, NICHOLSON JKA et al. Idiopathic CD4 T-Lymphocytopenia – An Analysis of Five Patients With Unexplained Opportunistic Infections. NEJM.1993; 328: 386-392

-DUNCAN RA, VON REYN F, ALLERGO GM et al. Idiopathic CD4 + T-Lymphocytopenia . Four Patients With Opportunistic Infections and no Evidence of HIV Infection. NEJM 1993; 328: 393- 398

Source : ROBERTO A. Giraldo et al. (2003) : Est-il rationnel de prévenir et traiter le sida en administrant des drogues anti-rétrovirales aux femmes enceintes, aux nourrissons, aux enfants ou à n’importe qui d’autre ? La réponse est négative : 18/08/2008 http://www.sidasante.com/10/09/2008.