2- L’inconstance et la superposition des discours

Il apparaît, de manière générale, que les différents discours sur le sida, qu’ils soient officiels ou non, changent au fil du temps, modifiant à chaque fois les représentations de cette affection. Au début des années 80, le sida est présenté par le discours officiel comme une maladie affectant particulièrement les homosexuels et les toxicomanes. Elle sera premièrement baptisée GRID pour dire : (Gay related Immune Deficiency) ou comme nous l’entendons, Déficience immunitaire des homosexuels. Les rapports homosexuels et l’usage des seringues et autres outils tranchants réutilisables ont été présentés comme comportements à risque, donc à éviter. Par la suite, le sida sera présenté comme une affection touchant particulièrement les prostituées et plus tard, il s’agira d’une pandémie mondiale n’épargnant personne mais affectant particulièrement les femmes et les jeunes pour le cas de l’Afrique. Il s’agira d’éviter tout rapport sexuel (homo ou hétérosexuel) non protégé si ce n’est avec un partenaire sain.

La notion de « partenaire sain » orientera la communication, du moins le discours dominant, sur le dépistage. A la particule sida sera associée une deuxième (vih) pour former le binôme vih/sida. Aujourd’hui, médecins, spécialistes et autres officielles affirment qu’on ne devrait plus mourir de sida si on se laisse prendre en charge par les Centres de traitements agréés (CTA). Une interview du professeur Luc MONTAGNIER dans Jeune Afrique l’Intelligent n°2318 du 12 au 18 juin 2005 révèle que

‘« la nutrition est essentielle » ’

dans la lutte contre le sida. Plus loin, il déclare :

‘«On fait une fixation sur les anti-rétro viraux parce que ça permet des gestes spectaculaires "voyez, on aide les Africains ! On donne de l’argent !" »’

Une position qui se rapproche de celle pourtant contestée de l’ex-président Sud-Africain Thabo MBEKI. Ce dernier avait assimilé le sida à une maladie de la pauvreté et avait déclaré que pour en venir à bout, il fallait lutter contre la pauvreté. Il avait, de ce fait, été contre l’introduction en République sud-africaine d’anti-rétroviraux. La position du président sud-africain avait fortement été condamnée à travers le monde et de nombreuses associations s’étaient mobilisées, agissant comme de véritables groupes de pression, pour le contraindre à changer de position. Aucune réaction n’est cependant encore enregistrée par rapport aux propos du professeur Luc MONTAGNIER. Ces différents discours, plutôt que de se succéder, s’accumulent, les plus anciens n’étant pas retirés de l’espace de communication. La mutation opérée dans le contenu des différents discours nécessite, en conséquence, un cadre théorique différent du fonctionnalisme, pour être analysé.