A.2.1- L’OMS

Bernard BARRERE (op.cit.) parle de la sensibilisation qui a commencé un an avant la création du Comité national de lutte contre le sida c’est-à-dire en 1984. Cette sensibilisation est menée par l’OMS. Dans l’édition de Cameroon Tribune du 5 septembre 1985, l’article qui aborde le sida annonce en titre : le rôle de l’information est essentiel selon l’OMS. Dans l’article on peut lire :

‘« L’OMS recommande de ne pas prêter son rasoir ou sa brosse à dents et bien stériliser les aiguilles et seringues hypodermiques ».’

A l’exception de quelques trois ou quatre, tous les articles de Cameroon Tribune des années 85-86 qui abordent la question du sida, se réfèrent à l’OMS. Il apparaît que l’organisation mondiale de la santé, outre le fait qu’elle était l’initiateur des différents séminaires organisés en Afrique, est l’acteur qui a le plus influencé la communication sur le sida au cours de cette période. L’OMS est l’acteur qui donnait l’avis et formulait des « recommandations ».

Pour comprendre l’importance du rôle de l’OMS, il est nécessaire de remonter à l’origine de la pandémie du sida. Selon un article retrouvé sur Internet et intitulé Le sida, oui, mais … il apparaît que tout est parti d’un jeune homme reçu en hospitalisation à l’hôpital universitaire de Los Angeles. Le problème c’est, comme l’affirme le texte : « Il lui manque la quasi-totalité des lymphocytes T4 ». Ce cas va intriguer le docteur Michael GOTTLIEB directeur de cet hôpital qui, aussitôt fait rechercher des cas similaires par ses médecins. Deux autres cas sont découverts et le point commun entre les trois c’est qu’ils sont homosexuels. Le docteur Michael GOTTLIEB émet alors l’hypothèse qu’il doit s’agir d’une maladie sexuellement transmissible non encore répertoriée. En 1981, les trois malades meurent. Le docteur Michael GOTTLIEB saisit le centre mondial de surveillance épidémiologique. On peut lire dans le texte :

‘« Rapidement, telle une traînée de poudre, la mobilisation se généralise. Partout les médecins du monde entier reçoivent l’ordre de chercher, des patients dont les symptômes correspondent à ce qui a été découvert c’est-à-dire pneumocystis carinii, sarcome de kaposi et lymphadenopathie ».’

Cet historique explique l’importance du rôle joué par l’OMS comme structure spécialisée de l’ONU dans « la mobilisation » des médecins du monde entier. L’on comprend pourquoi tous les articles traitant du sida dans Cameroon Tribune au milieu des années 80 se réfèrent toujours à l’OMS qui apparaît ainsi comme la structure ou l’acteur qui aura posé les bases de la logique dominante du discours sur le sida au Cameroun. En effet, du rappel historique précédent, il apparaît que l’OMS n’a fait que répercuter « l’ordre » de rechercher et surtout de sensibiliser les médecins africains sur l’identification des symptômes présentés comme ceux du sida. Le discours dominant va donc emprunter premièrement le postulat que la nouvelle affection est une maladie transmissible par la voie sexuelle et par le sang (voie ajoutée après la découverte du 4e cas à Los Angeles, celui d’un toxicomane hétérosexuel). Deuxièmement, le discours dominant va identifier le sida par la déficience immunitaire (insuffisance de lymphocytes T4) et par les symptômes observés sur les cas de Los Angeles (Pneumonie et le Sarcome de Kaposi).

L’OMS a un double statut d’autorité publique internationale en tant qu’émanation de l’ONU et d’autorité scientifique puisqu’il s’agit d’un organe spécialisé, la spécialisation étant bâtie sur la base scientifique. C’est à ce double titre qu’elle s’est trouvée à l’initiative de l’organisation des séminaires de sensibilisation des professionnels africains de la santé sur le sida.