A.2- Les laboratoires d’analyses médicales

Michel FOUCAULT relève (1963) que les médecins du XVIIIe siècle distinguent dans l’étude des maladies : l’expérience historique et le savoir philosophique, l’historique étant la connaissance ou l’identification des signes ou symptômes caractéristiques d’une maladie, et le savoir philosophique désignant « La connaissance qui met en question l’origine, le principe, les causes… ». p.3. A partir de ce principe, se pose le problème de l’identification d’une maladie à partir de ses symptômes. A cet effet, Michel FOUCAULT affirme :

‘« … le regard du médecin ne s’adresse pas initialement à ce corps concret, à cet ensemble visible, à cette plénitude positive qui est en face de lui, le malade ; mais à des intervalles de nature, à des lacunes et à des distances, où apparaissent comme en négatif les signes qui différencient une maladie d’une autre, la vraie de la fausse, la légitime de la bâtarde, la maligne de la bénigne [.] Grille qui cache le malade réel et retient toute indiscrétion thérapeutique ». (1963, 7).’

L’analyse des symptômes est brouillée par les phénomènes de ressemblance et de rupture ; ressemblance entre des symptômes similaires mais caractéristiques des maladies distinctes ; et rupture entre différents symptômes caractéristiques de différentes étapes au cours d’une même maladie. Face donc à l’incertitude de l’ « expérience historique », le laboratoire d’analyse médicale apparaît comme un espace où se fonde la rationalité du discours médical. En effet, les symptômes suggèrent au médecin des hypothèses dont la validation dépend des résultats fournis par les laboratoires d’analyse médical. Dans ce sens, le discours du laboratoire d’analyse médicale est de type sentenciel.

Contrairement à l’hôpital où se tiennent des discours divergents, le laboratoire d’analyse médical apparaît comme un espace monocorde. Certes les regards, autres que celui que pose la science sur la maladie, essayent de s’accommoder à sa voix, mais le discours du laboratoire d’analyse médical reste fermé au débat. Dans le cas du sida, le laboratoire d’analyse médical se borne à confirmer ou à infirmer la présence du vih. La seule possibilité de débat se limite à la contestation des modalités de test (composition du test, qualité des éléments testés, etc.) ; un tel débat n’est possible que si l’interface s’inscrit dans la logique des sciences médicales.