C.4.2- Les lieux de veillée

Au plan physique, les lieux de veillée sont généralement le domicile du défunt ou celui d’un proche parent. Il peut s’agir d’une ou de plusieurs concessions. De plus en plus, des rues sont occupées dans les grandes métropoles comme espaces de veillée.

La composition sociologique d’une veillée n’est pas différente de celle de la morgue. Seulement, alors que la morgue se caractérise par une certaine sobriété et le recueillement, les veillées sont marquées par une forte tendance à la beuverie. Les boissons consommées (café, alcool) sont servies aussi bien par la famille endeuillée gratuitement que dans les débits de boissons voisins. De plus en plus, des commerçants futés viennent vendre leurs bières dans la cour où se tient la veillée.

La consommation des boissons alcoolisées et l’anonymat dû à la fois par le grand nombre de personnes d’une part, et la nuit d’autre part, favorisent les conversations. On y échange sur touts les sujets. Cependant, la cause de la mort, la vie sociale et l’héritage du défunt ne peuvent être évités. De tels espaces sont largement ouverts à la communication sur le sida au Cameroun. Cependant, la stigmatisation véhiculée par les représentations produites par les messages de sensibilisation amène souvent les parents à vouloir « protéger » la mémoire du défunt. D’autres causes sont souvent ainsi présentées au public pour voiler les cas des « décès honteux ». Comme nous l’avons relevé dans le cas de la morgue, ces causes tournent généralement autour de la sorcellerie des parents du village et quelques fois des collègues de service. Il faut cependant relever qu’en dehors des cérémonies religieuses (culte ou messe) chez les chrétiens, les conversations sont très libres entre proches (amis, parents, collègues, confrères). C’est dans ces petits regroupements que généralement le sida est évoqué. Quelques fois, le prédicateur de la soirée peut aborder les ravages du sida dans son sermon sans expressément dire que le défunt en est mort.

Dans tous les cas, malgré le silence voulu officiellement par la famille sur le cas du sida, la rumeur va colporter cette information, au cas où le défunt aurait été diagnostiqué séropositif avant la mort. Tous ceux qui se retrouvent à la veillée finissent par le savoir. Dans les familles musulmanes, il n’y a pas de beuverie mais le phénomène de la rumeur y est tout aussi présent, l’information y circule à peu près par les mêmes principes (protection de l’information par les proches parents en cas de sida, colportage de l’information par la rumeur) et en fin de compte tout le monde est au courant de l’information cachée.