C.4.3- Les lieux d’enterrement

Dans la plupart des cultures camerounaises sous influence chrétienne, l’inhumation d’un mort s’accompagne premièrement des cérémonies traditionnelles, le rituel religieux étant à la fin. Chez les Beti des provinces du centre et du sud du Cameroun, les cérémonies traditionnelles débutent par le questionnement sur les causes de la mort. Il s’agit d’un rituel de grande importance culturelle au cours duquel les oncles maternels (statutairement) et les amis, et autres parents des communautés autres que celle du défunt (subsidiairement) demandent aux chefs de la famille endeuillée les causes de la mort du défunt. Ce dernier doit répondre publiquement et si sa réponse n’est pas satisfaisante, d’autres questions peuvent être posées jusqu’au consensus.

Cette cérémonie est celle qui de plus en plus permet de sortir de cette sorte de tabou qui enveloppe le sida. Beaucoup de chefs de famille, dans le but de "protéger la mémoire du défunt" tendent souvent à occulter la vérité dans le cas du sida. Seulement il arrive aussi souvent que le mensonge inventé, plutôt que d’apaiser "le questionneur", soulève une polémique aux conséquences plus graves. Pour éviter de tels malentendus, certains chefs de famille se trouvent souvent contraints de révéler la cause du décès. D’autres le font en paraboles (le grand vent qui souffle dehors ; la maladie dont on ne guérit pas, etc.). En général, le sida est rarement évoqué de manière officielle dans une cérémonie d’inhumation au Cameroun.

Par ailleurs, l’enterrement survenant après la levée de corps à la morgue et la veillée, il arrive que les personnes qui ont assisté aux deux étapes précédentes ou seulement à l’une d’elles, en aient suffisamment entendu pour déceler "le mensonge" ou pour comprendre les paraboles lors de cérémonies d’inhumation.

Au total les lieux de parole en tant qu’espaces formels de la parole ritualisée ont une influence indéniable dans la formulation des discours sur le sida au Cameroun. Le rituel de prise de la parole induit une logique particulière conditionnée elle-même par le regard en vigueur. Le religieux (Prêtre, Pasteur, Imam) abordera et aidera lors de la cérémonie religieuse par rapport à la notion de péché et de volonté divine, le responsable traditionnel évoquera les joutes sorcières.

L’analyse des concepts de base révèle leur caractère polysémique. Cette polysémie prédispose les acteurs de la communication sociale sur le sida à des incompréhensions. Les messages collectés dans notre corpus proviennent de plusieurs émetteurs. Ces émetteurs que nous désignons par acteurs de la communication sociale sur le sida sont nombreux et revêtus de statuts différents. Certains de ces acteurs, dans des situations de communication précises, sont reconnus comme détenteurs de la vérité, tandis que d’autres sont appelés à écouter et à accepter ce que disent les premiers Par ailleurs certains lieux où sont tenus les discours sur le sida ont une valeur symbolique qui impose aux acteurs qui s’y trouvent une vision particulière de la vie et de la maladie.