C- L’image

Dans la communication sur le sida, l’image occupe une place de choix dans la procédure d’énonciation. Il s’agit aussi bien de l’image iconographique que de l’image cinématographique, prise plus généralement dans la perception étymologique, comme image en mouvement.

C.1- L’image iconographique

Par image iconographique, nous entendons toute représentation dessinée, qu’il s’agisse d’un dessin d’art ou d’une caricature. Quand apparaît le sida à travers la sensibilisation organisée sous l’égide de l’Organisation mondiale de la santé, l’essentiel des messages est porté sur la description des symptômes et sur ses aspects mortel et incurable. Très vite, certains Camerounais vont prendre en dérision ces messages. Le sigle SIDA sera traduit par « Syndrome Imaginaire (ou Imaginé) pour Décourager les Amoureux » Les Anglophones dans le même esprit, vont traduire AIDS par « American Idea for Dinaying Sex ». Les spots diffusés à la radio et à la télé disant : « le sida ne pardonne pas » seront tout de suite traduits par : « le sida me pardonnera ».

La dérision que le public oppose à chaque coup aux messages de sensibilisation semble avoir poussé les communicateurs à opter pour d’autres procédures énonciatives. C’est ainsi que des illustrations imagées apparaissent pour compléter les articles de presse. La presse écrite et la télévision par leur caractère visuel vont rivaliser d’ingéniosité dans l’exploitation de ces images. Nous inclurons dans cette analyse l’image photographique. Dans la majeure partie des cas, il s’agira des images représentant des personnes maigres, alitées rappelant bien plus la mort que la vie. Le choc des images n’a pas laissé les camerounais indifférents. Il s’en est suivi un sentiment général de peur. Parlant justement de l’influence de l’image, Martine JOLY affirme :

‘« … c’est des grandes peurs que suscite l’image. Son pouvoir de persuasion serait tel qu’elle pourront conduire au pire chacun de nous, plus efficacement que la parole, plus que le livre, plus que l’exemple, plus que l’éducation, plus que le déterminisme social, plus que tout » (1994, 88). ’

Les communicateurs chargés de la lutte contre le sida ont trouvé dans l’image iconographique, une procédure énonciative efficace sur laquelle ils ont joué à fond. Les murs d’enceinte de l’Université de Yaoundé I et ceux de certaines formations sanitaires du pays ont été bariolés de graffitis, reprenant l’essentiel des messages diffusés sur le sida.

Certaines de ces images identifient le sida à la mort. C’est le cas de celle-ci, qui représente des hommes transportant des cercueils tandis que d’autres sont : soit étendus à même le sol, soit à genoux et sanglotant.

Une autre, représente le vih/sida sous forme de fée, qui exprime son amour à un homme qui, apeuré, s’enfuit. Dans le même sens, une autre image représente le vih/sida sous la forme d’un dragon qui crache le feu, terrorisant les hommes

Les messages liant le sida à la perte de poids ont eu pour revers de laisser penser que les personnes corpulentes étaient automatiquement saines. Certains messages ont ainsi été émis pour rectifier cette perception. C’est le cas de cette image qui représente d’une part un homme bien en chair qui avise sa compagne qu’il est séropositif au grand étonnement de celle-ci ; d’autre part, il y a une femme qui cherche à séduire un homme qui, en réaction, lui propose l’usage du condom.

Cette image, par ces deux tableaux peut se résumer en une idée simple : malgré les apparences séduisantes ou rassurantes, il faut utiliser le préservatif.

Le sida selon les cultures locales a été assimilé à de la sorcellerie. Une des images peinte sur le mur d’enceinte de l’hôpital central de Yaoundé représente un village mais d’où on perçoit les tombes et un arbre peuplé de hiboux.

Le hibou faut-il le préciser est considéré dans certaines cultures camerounaises comme un oiseau des sorciers.

D’autres thèmes sont abordés par ces peintures murales ; c’est le cas de sida et famine. Il y a une image qui représente deux enfants qui crient famine à deux vieillards (leurs grands parents) qui leur répliquent que tous les hommes valides du village, capables de cultiver sont morts de vih/sida.

Par rapport à la stigmatisation, il y a une image qui représente une femme qui, tenant un téléphone portable au moyen d’une canne à pêche, annonce à un homme (son époux) que son fils séropositif l’appelle mais ce dernier, mort de peur devant le téléphone, propose plutôt à son épouse de parler à l’enfant. Il y a, à côté, un enfant protégé par un préservatif qui les qualifie d’« idiots » car ils ne savent pas que « le sida ne se transmet pas comme ça ».

A travers les images iconographiques, il est possible de reconstituer tout le discours dominant sur le sida. Il s’agit d’une procédure d’énonciation dont seuls les acteurs de la logique dominante ont l’exclusivité. Les discours dominés n’en font pas usage.