Chapitre II.
Structuration du discours

Entre autres définitions accordées par Le Petit Larousse au mot discours, nous pouvons retenir : développement oratoire sur un sujet déterminé prononcé en public ; manifestations verbales, orales ou écrites, représentatives d’une idéologie, ou d’un état des mentalités à une époque. Le deuxième sens est celui qui correspond le mieux, à notre pensée dans le cadre de ce travail. Nous pouvons ainsi entendre par discours sur la lutte contre le sida, toute manifestation verbale orale ou écrite, représentative d’une idéologie ou d’un état des mentalités à une époque. Par idéologie nous voulons dire la manière dont un groupe humain se représente le monde, ce qui en d’autres termes signifie état des mentalités. Mais, pouvons-nous considérer comme discours sur le sida, un échange verbal entre parents dans un ménage ou une lettre adressée par une personne à un parent ou à un ami ? Assurément non car l’accès à de telles « manifestations verbales » serait difficile et juridiquement périlleux, de tels échanges étant souvent recouverts du sceau du secret de la confidentialité. Cette réserve nous amène à intégrer dans notre définition, l’aspect prestation publique évoqué dans la première définition. Ainsi, nous entendrons par discours sur le sida, toute manifestation verbale, orale ou écrite, exprimée en public et représentative d’un état des mentalités à une époque.

A la différence du message qui est une unité de texte (oral ou écrit), le discours est un continuum développant une pensée, une vision, un état de mentalités. Le message apparaît comme un segment du discours s’ouvrant à des études quantitatives alors que le discours en tant que logique, donne lieu à des analyses qualitatives. Nous voyons dans les discours, non point une fixité visuelle ou sonore, mais l’intelligibilité du visuel, du sonore ou de la combinaison du visuel et du sonore.

Parlant de l’histoire de la pensée, Michel FOUCAULT affirme qu’elle déploie une masse d’éléments qu’il s’agit d’isoler, de regrouper, de rendre pertinents, de mettre en relation, de constituer en ensembles. La communication sur le sida au Cameroun, déploie elle aussi une masse de messages qu’il s’agit pour nous d’isoler, de regrouper, de rendre pertinents, de mettre en relation, de constituer en ensembles qui, dans la perspective de notre travail, constituent ce que nous avons appelé discours. Mais comment procéder à cette opération de découpage, de regroupement, de mise en relation ? Le fait que le sida soit un concept historiquement daté soulève un certain nombre d’interrogations relatives : à sa définition, (qu’est-ce que c’est ?) ; à son origine (d’où vient-il ? Pourquoi apparaît-il au moment où il est apparu, en d’autres termes, quelles sont les conditions qui ont favorisé son apparition ?) ; à l’épidémiologie (quelles sont les conditions qui favorisent son expansion ?), et à la lutte (que faire pour ne pas l’attraper et que faire quand on l’a attrapé pour ne pas en mourir ?). Il s’agit là des lignes directrices de notre opération de découpage, de regroupement et de mise en relation. Nous avons jusqu’ici disposé devant nous, une masse de messages. Par ailleurs, nous avons identifié les principaux types d’acteurs émetteurs de ces messages. Maintenant, nous entendons procéder au rapprochement entre les messages et les acteurs, selon les types déjà mis en évidence. Nous avons relevé que certains acteurs de la communication sur le sida au Cameroun sont considérés comme dominants parce qu’ils jouissent d’une certaine légitimité alors que d’autres sont considérés comme dominés. Nous allons examiner les différents niveaux de cette opposition.