C.1- Dynamique bruyante des discours dominants

Les discours dominants portant sur l’épidémiologie du sida ne sont pas constants, c’est à travers eux que les données épidémiologies évoluent.

C.1.1- Le mode de transmission

Par rapport au mode de transmission, les premiers messages n’abordent que les voies sexuelle et sanguine. Le sida au début des années 80 est présenté comme une maladie d’origine virale transmissible par le sexe et par le sang. Dans sa chanson intitulée Sida, le musicien gabonais Hilarion NGUEMA restitue fidèlement ce discours. Dans le texte de la chanson il interroge son ami le médecin au sujet du sida, cette nouvelle maladie présentée comme terriblement mortelle. Le refrain exprime la réponse du docteur : « il m’a dit que le sida c’est le mal du siècle, maladie du sexe, maladie du sang, il m’a dit que le sida c’est le mal du siècle, maladie d’amour, maladie du sang ».

Pour expliquer la transmission du sida, les spécialistes ont avancé que le virus, lors du rapport sexuel, est de véhiculé par les fluides ou secrétions sexuelles et passe par des lésions de la peau ou des muqueuses des organes sexuels. Seulement, les rapports sexuels étant souvent précédés de baisers, il s’est posé la question de la présence du virus dans la salive admise comme sécrétion. Dans un temps, la thèse de la transmission du sida par la salive a été validée. L’on comprend l’article de Cameroon Tribune intitulé La psychose du sida quand il affirme : « En effet, le sida se transmet par le sexe, le sang et la salive (maladie des trois « s ») ». L’idée de la transmission par les fluides amènera à considérer le lait maternel comme un canal éventuel par lequel les enfants se contamineraient.

Bien après, la salive sera évacuée des modes de transmission. La transmission verticale de la mère à l’enfant pendant la grossesse et l’accouchement est apparue bien plus tard. Le lien ombilical entre la mère et l’enfant pendant la grossesse et les saignées maternelles lors de la délivrance semblent avoir présidé à cette thèse.

Au-delà de ces modes de transmission de la maladie, le discours dominant va changer en posant cette fois un nouveau regard sur la maladie elle-même. Le virus n’est pas analysé tout seul mais dans son environnement biologique. Dans une citation attribuée à Luc MONTAGNIER par les dissidents opposés à l’hypothèse virale du sida on peut lire :

‘« Nous pensions que ce seul virus était responsable de toute cette destruction. Maintenant nous pensons qu’il est bénin et pacifique et qu’il ne devient dangereux qu’en présence d’autres organismes ( ?), ce que j’appelle des "cofacteurs" ». ’

Il apparaît ici que tout seul, le virus du sida n’est pas dangereux, il lui faut un certain nombre d’autres micro-organismes (les cofacteurs) pour causer la maladie. Dans une interview accordée à Jeune Afrique l’Intelligent n°2318 du 12 au 18 Juin 2006, le codécouvreur français du virus du sida dit :

‘« Dans une maladie infectieuse, on ne voit que l’agent infectieux. Or toutes les expériences montrent qu’une maladie ne peut être guérie seulement par l’action sur l’agent infectieux. Le travail doit être fini par le système immunitaire de l’organisme ». ’

C’est dans cette même logique que l’alimentation admise comme un des principaux moyens de renforcement du système immunitaire sera présentée comme élément déterminant dans la propagation du sida. L’introduction ou la soustraction de certains de ces modes de transmission n’est pas allée sans soulever un certain nombre d’interrogations. L’action des moustiques, très importante dans l’expansion du paludisme, a été invalidée dans le cas du sida sans trop convaincre les publics cibles. De même l’existence des couples discordants pose quelques problèmes dans le cas de la transmission par voie sexuelle. Il faut relever ici que si, à l’entendement des hommes de sciences (les biologistes), ces faits peuvent s’expliquer, le commun des humains ne comprend pas avec la même aisance. C’est dans cette incompréhension que s’inscrit le message de l’étudiant qui dit : « C’est une pandémie qui mérite d’être clarifiée… ».