C.2.2- L’emploi des illustrations

L’emploi des illustrations apparaît comme une autre stratégie de persuasion adoptée par les médias. Il s’agit, comme dans le cas des effets de style d’un mode de fonctionnement traditionnel des médias. Dans ce sens nous pouvons parler de pré-construction dans la mesure où ce mode de fonctionnement préexiste au sida. Les illustrations peuvent être sonores pour le cas de la radio, des images fixes ou iconographiques pour la presse écrite et la télévision ou des images mobiles pour la télévision et le cinéma.

L’emploi des illustrations complète et renforce les effets de style précédemment analysés. Il permet une représentation de l’idée véhiculée dans l’article. La présentation du sida comme une maladie mortelle reste une vue de l’esprit ; l’illustration par une photographie ou un dessin, fixe mieux cette idée. Le problème est que les illustrations ne sont pas liées de façon naturelle aux faits décrits dans l’article. Les médias sont ainsi amenés à faire accompagner un texte par une illustration directement liée au fait ou non mais qui donne sens avec le fait. C’est dans ce sens qu’interviennent les images d’archive ou les montages photographiques. Dans le cas du traitement du sida dans Cameroon Tribune, il apparaît que deux articles, l’un, paru dans l’édition du 04 février 1988 sous la plume MONDA BAKOA, l’autre le 10 octobre 1989 sous la plume d’ANYEE ANYEE, ont la même illustration. Pourtant, dans le premier cas, l’article porte, comme l’indique le titre, sur les modes de transmission du sida : « par le sang ; mais surtout par le sexe ». Le deuxième article porte sur la lutte contre le sida : « La mobilisation ».

Si dans le cas du premier article, l’illustration peut porter sur la gravité ou les désastres que cause la maladie et dont il faut connaître les modes de transmission, cette illustration apparaît inadéquate par rapport au deuxième article, qui est plutôt focalisé sur le fait que douze états se mettent ensemble pour lutter contre le sida. Certes, il n’y a pas un principe et un sens absolu de l’illustration d’un article de presse mais il est intéressant d’observer comment l’illustration participe à la représentation du fait décrit. Dans les deux cas précédents, les illustrations (en réalité la même illustration) laissent apparaître l’idée de la virulence du mal. Nulle surprise, après de tels procédés, qu’au sida soit désormais attachée, l’idée d’une terrible maladie qui tue. L’analyse des images iconographiques peintes sur les murs d’enceintes de l’hôpital central de Yaoundé et de biens d’autres institutions hospitalières ou universitaires amène à cette conclusion.

Le rôle de l’illustration est le même aussi bien dans la presse écrite que dans les médias électroniques (radio et télévision). En effet, pour persuader les auditeurs, la radio a procédé à des interviews des malades. Les interviews portaient sur les manifestations de la maladie. Il en résultait de manière générale que le sida est une maladie qui torture les victimes avant de les tuer. La télévision qui est née plus tard que la radio devait, en plus de la monstration de la maladie, aplanir les doutes et suspicions nées en réaction au traitement de l’information par la presse écrite et la radio. En effet, parce que les illustrations présentées par la presse écrite laissaient apparaître des similitudes avec celles utilisées dans d’autres campagnes d’information (choléra, famine) et que les témoignages radiophoniques étaient voilés par une certaine opacité visuelle (on écoute sans voir l’orateur) des doutes ont persisté. La télévision a apporté plus d’éléments de persuasion en montrant des malades malgré l’anonymat (visage voilé).

En somme, l’usage des illustrations aussi bien dans la presse écrite, en radio qu’à la télévision a favorisé la représentation du sida d’abord comme une maladie qui tue. Il s’agit là des premières convictions établies sur le sida.