A.1- Etat de la santé mondiale

L’Organisation mondiale pour la santé (OMS) est la structure internationale revêtue de la compétence scientifique et politique pour parler de la santé au plan mondial. A cet effet, elle publie régulièrement les informations sur la santé, aussi bien au plan global que dans chaque région de la planète. Notre corpus de base ayant été constitué par les articles de Cameroon Tribune, nous allons rechercher le discours de l’OMS sur l’état de santé mondiale à travers les articles retenus dans ce corpus.

Le premier article qui nous fait penser au sida apparaît dans l’édition du 14 octobre 1982. En page 16, dans la rubrique "Au-delà de nos frontières", se trouve un encadré intitulé En bref…En bref il s’agit d’une série de nouvelles brèves l’une d’elle est sous titré Etats-Unis, le taux de mortalité à son plus bas niveau. On peut y lire :

‘« Selon les premières indications pour 1980 et 1981, la mortalité à légèrement remonté en 1980, suite à une épidémie de grippe rebaissée en 1981, malgré une autre épidémie.
Les maladies cardiaques causent le plus de décès (38,3 PC) avec le cancer (21,1 PC). 1,4 PC des décès sont dus à des suicides ».’

A travers cet extrait il apparaît qu’une épidémie non nommée a été identifiée en 1981 aux Etats-Unis. Rien ne dit de manière formelle qu’il s’agit du sida mais cette affection s’étant déclarée aux Etats-Unis en 1981, on peut penser que cette épidémie renvoie au sida. Par ailleurs, cet article, outre le fait qu’il révèle le principe de publication de l’état de la santé mondiale, indique les affections qui constituent le centre des préoccupations des sciences médicales à cette époque. Dans ce sens, il apparaît que les maladies cardiaques et le cancer sont les causes majeures de mortalité aux Etats-Unis à cette période. Les deux réunies sont responsables de plus de la moitié des décès aux Etats-Unis soit 59,4%.

Un autre article de paru dans l’édition du 19 au 20 septembre 1982 en page 16, intitulé OMS-Afrique, bilan pessimiste de la situation sanitaire mondiale révèle d’autres centres d’intérêts. On peut y lire :

‘« Selon le Dr Halfan MALHER arrivé jeudi soir dans la capitale gabonaise, les perspectives les plus sombres de la situation sanitaire mondiale tiennent à deux éléments essentiels : la tension du climat politique international et la récession économique ». ’

Il apparaît à travers cet extrait que les activités politique et économique ont des répercussions négatives sur la santé. Il s’agit pourtant des domaines apparemment distants et sans lien direct. Ce linkage nous permettra dans les développements futurs de comprendre comment les débats sur le sida ont engrené les questions géopolitiques et économiques.

Le regard transversal de l’OMS sur l’état de la santé mondiale amène cette institution à appliquer à chaque pays des données observées au plan mondial parfois sans tenir compte des données locales. Cette attitude observée sur l’OMS s’étend à toutes les institutions de l’ONU. Cameroon Tribune dans son édition du 26 avril 1985 publie un article intitulé : L’alcool et la drogue font de plus en plus de ravages dans les entreprises. Il s’agit d’un rapport du Bureau International du Travail (BIT). Les données d’appui à l’argumentation du BIT viennent principalement des Etats-Unis et du reste des pays industrialisés. Seulement, publié dans Cameroon Tribune, ce rapport semble s’appliquer à la situation du Cameroun. Toutefois, cet article nous offre l’intérêt de mettre en exergue une autre préoccupation de cette période : à savoir l’alcoolisme et la drogue ; une préoccupation qui, elle aussi sera associée au sida.

L’abus des antibiotiques apparaît comme un autre thème abordé par l’OMS et rapporté par la presse camerounaise au début des années 80. L’édition de Cameroon Tribune du 8 septembre 1982 publie un article intitulé : les antibiotiques : il ne faut pas exagérer. Le même sujet revient dans l’édition du 5 août 1983 sous le titre Inde : l’abus des antibiotiques causerait quelque 10 000 morts par an. L’usage des antibiotiques apparaît comme un thème important dans l’analyse des discours sur le sida. En effet, en plus du fait que les antibiotiques rentrent dans le traitement des maladies dont certaines sont considérées comme maladies opportunistes, certains discours sur le sida considèrent la prise abusive des antibiotiques comme une des causes de cette affection.

Le planning familial et l’usage des préservatifs apparaissent comme un autre thème abordé à travers les données mondiales fournies par les institutions spécialisées des Nations Unies. Les arguments utilisés pour soutenir le contrôle démographique se réfèrent à la population mondiale. Dans l’édition du 14 mai 1987, Cameroon Tribune publie un article intitulé : le planning familial, un problème délicat. Il s’agit comme dans les précédents, du rapport du FNUAP sur l’état de la population mondiale. Ce rapport montre que la population mondiale est très élevée. L’article ne relève pas pourtant, que cette population est inégalement répartie sur les cinq continents. L’Afrique dans cette distribution compte parmi les continents les moins peuplés. Ce thème revient plusieurs fois dans les éditions suivantes. Les campagnes de lutte contre le sida en seront fortement marquées.

L’alimentation et son envers, la famine, apparaissent comme un autre centre d’intérêt des institutions spécialisées des Nations Unies à travers la presse camerounaise au début des années 80. Les régions les plus touchées par ce phénomène sont : la corne de l’Afrique, l’Inde et l’Amérique latine (Brésil). Les préoccupations portant sur la famine et l’alimentation apparaissent comme celles qui s’étalent le plus dans le temps. Ce thème, au plan national était déjà développé en termes d’autosuffisance alimentaire. L’alimentation soulève d’autres sous centres d’intérêts. Il en est ainsi de l’exode rural présenté par exemple dans l’édition de Cameroon Tribune du 17 octobre 1983 comme une menace pour l’autosuffisance alimentaire du Cameroun. L’analyse de ces articles montre qu’il s’agit d’un phénomène considéré comme un véritable fléau et perçu comme tel. Ces articles abordent également des stratégies de lutte conséquente, stratégies dont la majorité s’apparente à celles utilisées dans la lutte contre le sida.

La vaccination apparaît comme autre thème abordé par la presse dans les années 70 et 80. Il s’agit d’une préoccupation assez forte. Comme dans le cas de l’alimentation, le thème de la vaccination connaît un traitement très fouillé indiquant qu’il s’agit d’un véritable fléau. La vaccination se rapporte à différentes affections. Il s’agit aussi bien des articles portant sur les campagnes de vaccination contre certaines maladies que de ceux qui relativisent l’efficacité de la vaccination. Dans l’édition de Cameroon Tribune du 10 février 1984 figure un article surtitré : Fin du symposium international sur les maladies sexuellement transmissibles. En titre, l’article souligne : « il n’existe pas encore de vaccin, ce qui compte actuellement, c’est la prévention ». Certains articles mettent l’accent sur l’espoir placé dans la vaccination. C’est le sens de celui intitulé Bientôt de nouveaux vaccins contre les maladies à hauts risques (édition du 21 mars 1987). C’est également le cas de celui qui dit : médecine : vers la mise au point d’un vaccin contre le paludisme (édition du 7 avril 1987). D’autres articles abordent le thème de la vaccination dans une perspective juridique. C’est le cas de celui qui titre : Voyages internationaux, un seul vaccin obligatoire. De manière générale, la vaccination fait l’objet de nombreux articles dans Cameroon Tribune indiquant l’intérêt que les médias camerounais lui ont accordé dans les années 70 et 80. Ce thème est abordé tant au plan national qu’international, puisque parmi les acteurs cités en référence dans ces articles, figurent les organes spécialisés des Nations unies tels que l’OMS et l’UNICEF.

Différents autres thèmes sont abordés par Cameroon Tribune dans les années de l’émergence du sida. C’est le cas de certaines affections telles que la trypanosomiase dans la bilharziose, la fièvre jaune, le cancer, la mortalité infantile, les maladies sexuellement transmissibles et l’organisation de la médecine traditionnelle. Tous ces termes font parties des préoccupations internationales. L’action visée est leur éradication. Tous ces thèmes transparaissent dans la formulation des discours sur le sida. De même, la formulation des énoncés sur le sida emprunte aux formulations utilisées dans ces thèmes.